Péréquation: plutôt 1200$ à chacun!

Péréquation - Fédéralisme rentable au bout de ses promesses



La péréquation serait une vertu du fédéralisme. Pourtant, la péréquation incite le gouvernement du Québec à toujours dépenser davantage. Elle accroit notre dépendance à l'égard du gouvernement du Québec aussi bien qu'à l'égard de l'État fédéral. Je m'explique.
Pour l'année budgétaire 2010-2011, le gouvernement du Québec recevra 8,5 milliards de dollars en virement de péréquation du gouvernement fédéral, soit 60?% des 14,4 milliards versés à l'ensemble des provinces «pauvres». Cette somme représente 13% des 65,5 milliards de revenus prévus par la province de Québec. Un véritable cadeau, si on considère que les contribuables québécois contribuent pour environ 20% aux recettes fiscales fédérales. En somme, 80% de ce chèque de péréquation est financé par nos amis du Rest of Canada (ROC).
Si nous recevons autant de la péréquation, c'est qu'on considère que nous sommes une des provinces pauvres au Canada. Malgré tout, le gouvernement du Québec continue à offrir des services plus généreux que les autres provinces?: des programmes de garderie à 7$, de procréation assistée, d'assurance parentale, etc. C'est sans compter que l'on bénéficie de tarifs d'électricité et de droits de scolarité postsecondaires parmi les plus bas au Canada.
Les politiciens expliquent ce paradoxe par l'engouement des Québécois pour les services publics. Pas sûr! Selon l'économiste Gérard Bélanger, qui s'appuie sur plusieurs études empiriques, «les subventions inconditionnelles aux administrations inférieures, tels les paiements de péréquation aux provinces, provoquent des accroissements équivalents aux dépenses». En science économique, on appelle ça l'effet «flypaper» ou l'effet «papier-collant».
Ainsi, lorsque le gouvernement du Québec reçoit son virement de péréquation, il n'y a pas de ristourne pour le citoyen: aucune diminution de taxes ou d'impôt. L'argent colle plutôt là où il atterrit. Le gouvernement en profite pour mettre en place des programmes publics toujours plus cossus les uns que les autres, toujours plus coûteux, et qui appellent chaque fois de nouveaux impôts ou l'accroissement de la dette.
Imaginons maintenant que le gouvernement fédéral, plutôt que de verser cette somme à la province, envoie à chaque citoyen du Québec son chèque de péréquation. Pour l'année financière 2010-2011, chacun d'entre nous recevrait ainsi un chèque de l'ordre de 1200$, soit 4800$ pour une famille de quatre personnes.
Évidemment, amputer de 13% les revenus du gouvernement québécois serait dramatique pour nos élus. Un manque à gagner impossible à combler sans une refonte complète de nos programmes publics?; sans couper ou tarifer certains services présentement offerts gratuitement à la population. Mais attention, les Québécois ne seraient pas plus pauvres?: la «manne» fédérale n'aurait pas disparu, elle aurait simplement changé de poche.
Le gouvernement serait obligé d'être convaincant pour récupérer cet argent des poches du citoyen. Dans un contexte où la population est de plus en plus méfiante à l'endroit de sa gestion des fonds publics, il lui faudrait prouver que tout nouveau prélèvement - impôt, taxe ou hausse de tarif - se mérite; nous convaincre que les services publics répondent à des besoins réels et que le tarif exigé en contrepartie se justifie. Ainsi, le simple citoyen récupérerait une partie du pouvoir du gouvernement de lui dicter la nature et la qualité des services qu'il reçoit.
Vivre aux crochets des autres n'est jamais gratifiant. Plusieurs de mes collègues avanceront que c'est la péréquation qu'il faut abolir, qu'elle encourage l'inefficacité et crée de mauvaises incitations, etc. Évidemment?! Mais en attendant, pourquoi ne pas profiter de la manne fédérale pour redonner une certaine liberté économique aux citoyens du Québec? Ce serait si simple pour le gouvernement fédéral de cocher la case «changement d'adresse» et d'envoyer à chaque Québécois son chèque de bien-être social fédéral.
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Pierre Simard
L'auteur est professeur à l'École nationale d'administration publique, à Québec.


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