Le premier ministre Jean Charest attendait beaucoup de ce deuxième budget Flaherty pour convaincre les électeurs que son gouvernement est le mieux placé pour négocier le règlement du déséquilibre fiscal avec Ottawa. Malheureusement pour lui, le budget du ministre Flaherty rendu public hier ne lui sera d'aucun secours.
Comme tous les budgets fédéraux depuis le début de la décennie, ce deuxième budget Harper distribue les millions comme des bonbons, et ce, même après avoir consacré 22,5 milliards en deux ans au remboursement de la dette.
Comme promis, les économies annuelles d'intérêts réalisées grâce au remboursement de la dette iront à des baisses d'impôts des particuliers qui atteindront 3,7 milliards au cours du prochain exercice et autant l'an prochain. Les principaux bénéficiaires sont les personnes âgées, les familles avec enfants et les assistés sociaux qui réintègrent le marché du travail. Les baisses sont modestes et ne changent en rien les taux d'imposition de chacun, Ottawa ayant fait le choix implicite d'augmenter ses dépenses et de rembourser la dette au lieu d'agir à ce niveau.
Pour les entreprises, le budget tient compte des difficultés du secteur manufacturier en autorisant une déduction accélérée des dépenses d'investissement, une facture de 565 millions sur une base annuelle. Une foule d'autres mesures s'ajoutent au chapitre des dépenses, dont la tentative de retenir ou d'attirer les diplômés d'origine étrangère, ou encore l'injection de fonds pour encourager les provinces à respecter leur engagement de réduire l'attente en santé.
Pour l'exercice 2007-2008, les dépenses de programmes augmenteront de 5,6 % au total, ce qui est bien supérieur au taux de croissance de l'économie. Depuis la présentation du premier budget, il y a un an, Ottawa a procédé à des annonces qui totalisent 15 milliards dont 12,5 milliards dans le budget d'hier. Autre illustration de la situation excédentaire chronique, pas moins de 6 milliards de ces mêmes dépenses sont tirés de l'excédent de l'année en cours qui se termine à la fin du mois! C'est dire que le surplus fédéral réel par rapport aux prévisions faites l'an dernier n'est pas de 9 milliards, comme le dit le ministre, mais bien de 15 milliards!
Avec des résultats semblables, on se demande pourquoi le gouvernement Harper n'a pas mis plus d'énergie à régler le fameux déséquilibre fiscal auquel il a choisi de ne consacrer que 3,1 milliards au total en 2007-2008. Sur une période de sept ans, Ottawa prétend consacrer 39 milliards pour régler ce problème, mais, de ce montant, un peu moins de la moitié servira à la prolongation du programme d'infrastructures et au Fonds de la taxe sur l'essence pour les municipalités. Et du reste, la majeure partie sera constituée d'augmentations déjà prévues.
Au Québec, on attendait entre 2 et 3,9 milliards de plus par année que ce qui avait déjà été calculé grâce aux anciennes formules de péréquation et de transferts en santé et en éducation. Or, si le budget Flaherty parle de 2,3 milliards de plus, il s'agit là d'une simple comparaison avec l'an dernier. En fait, ce sont tout au plus 905 millions de plus que prévu cette année, et un milliard l'an prochain, qui serviront à corriger le déséquilibre fiscal. Nous voilà bien loin du compte. Pire, au chapitre de l'éducation postsecondaire, il faudra attendre l'an prochain pour profiter d'une bonification, puisque seulement 7 misérables millions sont ajoutés en 2007-2008.
Est-ce assez malgré tout? Ce sera aux électeurs de trancher. En modifiant la façon de calculer la péréquation et les paiements par habitant en éducation, le gouvernement Harper met en place une structure plus logique et prévisible à long terme, ce qui est fort bien. Pour autant cependant que cette structure se révèle aussi plus intéressante pour le Québec. Or, à l'évidence, ces nouveaux modes de calculs ne changeront pas grand-chose à la «marge de manoeuvre» dont disposera l'équipe qui sera élue la semaine prochaine.
Ottawa aurait eu les moyens de régler le problème «une fois pour toutes» comme l'annonçaient les membres du cabinet Harper depuis quelques jours. Il ne l'a pas fait, et il devra s'en expliquer.
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j-rsansfacon@ledevoir.com
Trop peu, trop tard
Ottawa aurait eu les moyens de régler le problème «une fois pour toutes» comme l'annonçaient les membres du cabinet Harper depuis quelques jours. Il ne l'a pas fait, et il devra s'en expliquer.
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