Les vieux démons sont dans les détails

Budget Flaherty


OTTAWA – Si on regarde les gros chiffres et les projections à long terme, on pourrait croire à la fin du déséquilibre fiscal et à l’avènement d’un nouveau fédéralisme. Chacun pour leurs propres raisons électorales, c’est ce que diront Jean Charest et Stephen Harper. Mais si on regarde dans les détails, on y apercevra la queue de quelques vieux démons.

De façon générale, ce second budget Flaherty va dans la bonne direction. Il s’agit d’un budget qui a une vision et des priorités claires et qui pourrait facilement servir de plateforme électorale aux conservateurs.

Il y a quatre semaines, tous ceux qui s’étaient rendus à Québec pour le dernier budget de Michel Audet étaient sortis en se demandant pourquoi ils s’étaient déplacés, tant il était mince et manquait de mesures concrètes. Personne ne dira cela du budget Flaherty.

Ne serait-ce que pour une réforme de la péréquation dont les principes sont clairs et qui redonne sa logique interne à un programme que le gouvernement Martin avait dénaturé à force d’exceptions consenties pour des raisons strictement politiciennes.

Cela dit, on prendra tout de même avec un grain de sel les gros chiffres comme 39 milliards de dollars sur sept ans pour le déséquilibre fiscal puisqu’un gouvernement minoritaire peut difficilement faire des promesses pour une aussi longue période.

On notera plutôt que le total des sommes sonnantes et trébuchantes qui seront disponibles pour le Québec, pour l’année financière qui débute le 1er avril prochain, n’est pas aussi ronflant que celui qui figure dans les communiqués fédéraux.

Selon les hauts-fonctionnaires du ministère fédéral des Finances, le total d’argent frais qui sera versé au Québec est d’un peu plus de 900 millions de dollars. Dont, en toute équité, on devrait déduire les 117 millions provenant de l’Éco-fiducie qui ne sont pas généralement considérées comme faisant partie du déséquilibre fiscal.

On parle donc de 800 millions de plus, qui viennent pour l’essentiel de la nouvelle formule de péréquation. Ce qui signifie des augmentations plus que modestes dans les autres transferts fédéraux. Ce n’est pas rien, mais comme disait la chanson : «c’est pas l’enfer, c’est pas le paradis». Même si c’est juste assez bien pour Gilles Duceppe, qui préfèrera ce budget à une élection fédérale printanière.

Sauf qu’en termes purement électoraux, il n’y a peut-être pas de quoi «sauver le soldat Charest» si ce budget fédéral est tout ce qui lui tient lieu de programme pour le reste de la campagne.

Surtout, on trouve encore les vieux démons fédéraux. Que ce soit pour l’enseignement post-secondaire, les garderies ou la formation de la main d’œuvre – toutes des compétences exclusives des provinces – les documents budgétaires contiennent toujours une petite phrase qui va comme suit : «les fonds seront versés (…) lorsque les discussions avec les provinces sur la meilleure façon d’utiliser ces nouveaux investissements et d’assurer la présentation de rapports et la reddition de comptes seront complétées».

Traduction : le «nouveau gouvernement du Canada», comme l’ancien, tient à attacher quelques ficelles, que ce soit par des normes nationales, la reddition de comptes ou autrement. Il ne s’agit toujours pas de transferts inconditionnels, même dans des champs de compétence provinciale exclusive. Nous sommes, on le voit, plutôt loin du fédéralisme asymétrique.

On voit aussi revenir le démon de la visibilité fédérale : «les Canadiens ne sont pas informés de l’ampleur de la contribution fédérale», disent les documents budgétaires.

Enfin, on notera que la volonté du gouvernement Harper de limiter le pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral n’a pas bougé d’un pouce depuis l’an dernier. On s’engage toujours à «examiner avec les provinces les moyens à prendre» en cette matière.

En ces temps électoraux, il sera plus facile pour tout le monde de ne pas voir les démons qui dérangent la stratégie. Rien n’empêche, ils sont encore là.


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