Larose sert un ultimatum à Boisclair

PQ - leadership en jeu - la tourmente

Tout le monde y pense, mais personne dans le camp souverainiste ne l’avait dit publiquement. Gérald Larose, lui, a avancé d’un pas. André Boisclair doit partir s’il ne peut montrer, rapidement, qu’il est capable d’avoir le contrôle sur le Parti québécois. Il faut que les choses soient claires et vite.
Et rapidement, cela veut dire avant l’été, a précisé hier à La Presse le président du Conseil de la souveraineté.
L’entrevue d’André Boisclair diffusée hier par Radio-Canada a eu l’effet d’un accélérant, un bidon d’essence sur l’incendie qui flambait déjà dans la maison souverainiste. Les chefs du PQ et du Bloc désormais en opposition ouverte dans les médias, c’est une méthode particulière d’ouvrir ainsi le feu sur ses partenaires, a constaté M. Larose.
Dans le jeu des attaques et des ripostes autour de cette entrevue, une salve était d’une étonnante limpidité. Le chef de cabinet de Gilles Duceppe, François Leblanc, traçait vendredi une ligne dans le sable : Duceppe resterait à Ottawa tant que M. Boisclair pourra assumer ses fonctions, comme chef du PQ. Pouvoir contrôler le PQ, ou être capable d’assumer ses fonctions, à croire que M. Larose parle au camp Duceppe. Le test d’André Boisclair est bien plus imminent qu’on pense.
Le président du PQ dans l’Outaouais, Philippe Boucher, était l’un des plus ardents supporters d’André Boisclair. Mais avec cette entrevue à Radio-Canada, il pense qu’on ne peut pas défendre l’indéfendable : M. Boisclair a commis une erreur.
Selon lui, dès la conférence des présidents le 26 mai, M. Boisclair devra tenir compte de l’appui qu’il obtiendra et agir en conséquence. Lui aussi aura causé avec Gérald Larose, à moins que ce ne soit avec Gilles Duceppe.
Personne n’a été dupe des dénégations du chef bloquiste en réaction à l’attaque d’André Boisclair. « Je n’ai jamais eu de plan de carrière, je trouve ça malsain, a-t-il affirmé. Voilà pour la galerie. En réalité, M. Duceppe et son entourage ont eu des échanges avec bien des péquistes depuis deux semaines. En fin de semaine, M. Duceppe vérifiait auprès de Bernard Landry si le jour où André Boisclair tirera sa révérence, le doyen de Verchères ne réclamerait pas, subitement, une embêtante course à la direction du parti.
Sortie de secours
Gilles Duceppe n’a pas de plan de carrière, mais un plan d’évacuation d’urgence.
Tout était en place pour une opération très rapide aux lendemains des élections provinciales – le répit annoncé par Stephen Harper lui aura laissé quelque semaines, la perte du statut d’opposition officielle l’a fait hésiter. Mais le chef bloquiste n’a clairement pas le goût d’être là aux prochaines élections fédérales.
Peu de gens l’auront remarqué, mais le dernier CROP annonçait 28 % d’appuis au Bloc québécois – soit exactement le score réalisé par le PQ aux dernières élections. Le sauveur veut avant tout… se sauver.
C’est pourquoi on assiste à de bizarres alliances ces jours-ci dans le camp souverainiste. Les jeunes turcs qui, pendant des années, appelaient François Legault de leurs vœux, s’agitent désormais autour du clan Duceppe. M. Legault, le péquiste le plus proche des milieux d’affaires, est, sur le plan idéologique, aux antipodes de Gilles Duceppe. L’ancien infirmier marxiste, passé à la CSN, puis au Bloc n’a rien dans son parcours pour séduire l’ancien patron de Transat. Et pourtant… Duceppe pourrait être un capitaine utile pour affronter le ressac – le prochain scrutin. Après ? Et bien, après… on verra bien.
Plus isolé que jamais, André Boisclair réfléchissait hier soir à la réponse qu’il allait donner, demain, à quelques députés qui l’avaient rejoint, après sa sortie catastrophique contre Duceppe.
François Legault, dit-on, et quelques autres sont revenus à la charge pour exiger, dès cet automne, un congrès ou un vote pour légitimer son leadership. Cette fois, M. Boisclair n’a pas dit non, et demandé un moment de réflexion.
Car, depuis deux semaines, il a encaissé les reculs. Il voulait un congrès en 2009, on lui a dit que c’était trop tard. Il a proposé l’automne 2008, son propre exécutif l’a ramené à septembre. Puis les régions les unes après les autres réclament qu’on vote dès le printemps. Les députés eux insistent encore pour qu’on ait tranché la question l’automne prochain.
Les députés péquistes voudront probablement calmer le jeu cette semaine, la collision frontale Boisclair-Duceppe a déjà des conséquences, et bien des élus craignent que ce « derby de démolition » n’ouvre la voie à la destruction du Parti québécois.
André Boisclair n’avait pas évalué les conséquences de sa sortie. En fait, il n’avait pas évalué sa sortie. Seule sa plus proche conseillère, Line Sylvie Perron, se trouvait auprès de lui.
Seul
De Daniel Audet à Louis-Philippe Bourgeois en passant par Pierre-Luc Paquette et Éric Bédard, tous ses conseillers sont en vacances à l’étranger. Même des lieutenants comme Diane Lemieux et Stéphane Bédard ont appris par les médias que M. Boisclair avait décidé de charger cet allié devenu adversaire.
Ce chef qui enjoint à ses troupes de se taire en public sera dans ses petits souliers au prochain caucus ; en montant au créneau, il a fait exactement ce qu’il interdit à ses troupes.
Dans l’entourage de Gilles Duceppe, on lançait depuis plusieurs jours des coups de sonde pour vérifier les appuis du chef péquiste. Des pointages circulent sans qu’on sache si des péquistes ou des bloquistes tiennent le crayon.
André Boisclair n’a plus d’oreilles au Québec – la plupart des agents de liaisons du PQ ont été congédiés par mesure d’économie, et pour préserver les salaires des conseillers grosses pointures. Difficile pour lui de faire passer des mots d’ordre ou d’exercer de la pression sur un comté où la dissidence se fait sentir.
À Gilles Duceppe, des péquistes ont confié pendant ce temps que seules les régions de Saguenay et de la Côte-Nord sont encore derrière André Boisclair.
Dans Montréal-Centre, cela se divise en deux, puisque qu’on y retrouve, outre le chef du parti, ses principaux lieutenants, Diane Lemieux dans Bourget et Nicolas Girard, dans Gouin.
Pour le reste, M. Boisclair n’a rien d’acquis : Étienne Vézina, président de l’Estrie, confiait hier que dans la région il sera extrêmement difficile pour M. Boisclair d’obtenir une majorité d’appuis pour un congés en 2008. Quant à la charge publique de M. Duceppe à l’endroit du frère bloquiste, on ne peut pas dire que cela a aidé, constate le jeune Vézina.


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