La Wallonie comme nation indépendante et Bruxelles

Qu'elles aboutissent ou échouent, les négociations belges actuelles en vue de la formation d'un gouvernement fédéral et d'une réforme de l'Etat déboucheront sur un effacement progressif de l'Etat fédéral belge jusqu'à sa disparition.

Les élections fédérales belges ont eu lieu le 13 juin de cette année et aucun gouvernement n’a pu encore être formé. Cela pourra sembler bizarre aux Québécois qui sont dans un Etat fédéral depuis plus d’un siècle. Mais bien que 50% des compétences soient déjà aux mains des Etats fédérés belges, ceux-ci fonctionnent principalement sur la base de budgets qui leur sont allouées par l’Etat fédéral (les «dotations»), qui lève encore lui-même l’impôt dans une large mesure. Les nationalistes flamands veulent que les Etats fédérés le fassent désormais eux-mêmes et c’est surtout sur cela que les négociations sont difficiles. Les Wallons et les Bruxellois francophones peuvent y perdre. Il est possible aussi que le leader nationaliste flamand Bart De Wever ait choisi la tactique de la guerre d’usure et veuille que les négociations n’aboutissent pas, de sorte que l’on devrait alors négocier la sécession du pays. C’est une question que posent tous les observateurs. Mais peut-être est-elle vaine. En effet, si les négociations aboutissent, il ne restera plus guère de compétences à exercer par l’Etat fédéral. Je pense que l’on peut dire : moins d’un quart. Les Etats fédérés belges auraient à gérer les trois-quarts de la vie collective qui ne sera dès lors plus belge mais wallonne, pour ce qui nous concerne ... Nous allons vers une union confédérale, au sens strict, c’est-à-dire qui regroupe des entités indépendantes, des Etats souverains. Je préférerais que les négociations actuelles aboutissent. Car on opérerait les changements dans les années qui suivent et pas directement la sécession, ce qui dédramatise les choses et laisse du temps au temps. Et, quand les projets actuels auront pris forme, ce qui demeurera à l’Etat fédéral sera si dérisoire que la question se posera fatalement de savoir s’il faut maintenir un Parlement fédéral aussi important avec 150 députés et 74 sénateurs. De même qu’un gouvernement fédéral d’une vingtaine de ministres. Ces gens-là n’auront plus rien à faire… Ni les ambassadeurs belges, la Justice belge (qui sera régionalisée), etc.
La Wallonie ne peut que rester distincte de Bruxelles
En dépit du fait que Bruxelles soit à 95% francophone, il n’est pas possible que la Wallonie et Bruxelles se confondent. La Flandre, même en cas d’indépendance, y gardera de toute façon un poids et une influence: 40% de la population active à Bruxelles viennent de Flandre et 20% de Wallonie (ordres de grandeur). Ces flux se maintiendront fatalement. Du moins des changements importants (s’ils se produisent), n’interviendront pas avant longtemps. Pour cela aussi (pas seulement pour cela qui est un point de vue trop centré sur Bruxelles), une sécession doit se négocier longuement. Et c'est même déjà ce qui est en jeu.
Il y a un million de Bruxellois et 3,5 millions de Wallons, mais la Wallonie doit se défaire de ses dépendances à l’égard de Bruxelles. Comme cette ville est la capitale belge, la plupart des médias y sont édités/diffusés. Le directeur de la RTBF (la télévision publique belge francophone) a déclaré en octobre 2003 (suite au Deuxième Manifeste wallon) dans Télémoustique du 1er octobre 2003, que la Wallonie y avait « une place ». Si une télévision qui peut apparaître comme étant celle de votre pays, souligne que vous avez «une place» en son sein, c’est que cette télévision n’est pas celle de votre propre pays. Et de fait la télévision publique belge francophone n’est pas la télévision de la Wallonie qui y possède hélas ! (c’est scandaleux), une place et seulement cela. Dans la presse écrite, c’est encore pire. Le Soir était déjà antiwallon, il a durci encore cette tendance. La seule chose qui réjouisse c’est qu’il ait perdu depuis un an 15% de ses lecteurs.
Les Québécois qui me liront penseront peut-être que, de cette façon, je mets à mal l’unité francophone belge. Mais le Québec lui-même, pour s’affirmer, n’a-t-il pas dû le faire en se détachant quelque part des autres Canadiens français ? Les Wallons ne peuvent faire autrement. Et cela d’autant plus qu’il existe aussi des régionalistes bruxellois qui souhaitent l’autonomie de Bruxelles tant à l’égard de la Flandre (qui conteste ce désir), que de la Wallonie (qui ne le conteste pas). On serait sans doute plus fort à deux (Wallonie et Bruxelles), mais outre que ce serait impossible pour les raisons que je viens de dire, la Wallonie perdrait complètement son identité dans un Etat Wallonie-Bruxelles. On peut penser se sauver en le faisant mais alors la Wallonie disparaîtrait car Bruxelles est une métropole qui nous a déjà sucé une part énorme de la richesse wallonne depuis 1830, qui, par exemple, a quasiment réduit Liège à une ville de province, le plus grand des scandales belges sur la Wallonie car Liège a un passé immense et fut une ville de première grandeur qui doit le redevenir. Si on ne le fait pas, on peut mourir aussi, mais il y a peut-être une chance de s'en sortir. Peut-être... C'est donc la moins mauvaise solution. Puisque l'autre, c'est la mort.
La seule chance pour la Wallonie d’exister, c’est donc d’exister non pas sans Bruxelles et encore moins contre Bruxelles, mais en en restant distincte et en rapatriant de cette ville une série d’institutions tant publiques que privées qui ont leur place logique en Wallonie, ce qui renforcerait le poids de ce futur pays dont tout indique qu’il va devenir indépendant. D’une indépendance cependant qui va se heurter encore longtemps à des obstacles qui sont déjà ceux présents dans le contexte actuel belge. Et que l’indépendance politique ne va pas briser d’un coup de baguette magique. Je n’ai même pas peur de dire que cette indépendance pourrait échouer. Elle pourrait échouer, mais la Wallonie, si elle veut vivre, comme le rappelait le bourgmestre de Charleroi , Jean-Jacques Viseur, il y a quinze jours, doit s’ériger en nation (j’ajoute « républicaine »). Ce bourgmestre de Charleroi qui n’est pas une personnalité locale mais d’envergure nationale et même internationale. Les élites de la Wallonie ne l’ont assurément pas contredit et je pense même que, d’ici peu, elles prendront position sur l’avenir de la Wallonie comme nation. Je l’espère, le plus solennellement possible à travers les voix de sa société civile.
Appel de Jean-Jacques Viseur au nationalisme wallon

Featured 11746605790305d4d2500c52aa75121d

José Fontaine355 articles

  • 382 495

Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur et Mirwart) et directeur de la revue TOUDI (fondée en 1986), revue annuelle de 1987 à 1995 (huit numéros parus), puis mensuelle de 1997 à 2004, aujourd'hui trimestrielle (en tout 71 numéros parus). A paru aussi de 1992 à 1996 le mensuel République que j'ai également dirigé et qui a finalement fusionné avec TOUDI en 1997.

Esprit et insoumission ne font qu'un, et dès lors, j'essaye de dire avec Marie dans le "Magnificat", qui veut dire " impatience de la liberté": Mon âme magnifie le Seigneur, car il dépose les Puissants de leur trône. J'essaye...





Laissez un commentaire



3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    4 octobre 2010

    D'accord avec Raymond Poulin. D'abord la Wallonie a les dimensions non pas d'un département français mais d'une Région française et en France, elle serait l'une des Régions les plus peuplées. En outre, de fait, elle n'est pas française. Elle est française comme le Québec est français. La difficulté de la réunion de la Wallonie à la France vent aussi du fait que la Wallonie a son propre parlement, son propre gouvernement et que ces institutions ne sont guère pensables dans le contexte français. Il faudrait donc les supprimer. Mais au nom de quoi? Pour adopter l'administration d'un pays certes ami mais fortement centralisé? Et pourquoi la Wallonie devrait-elle renoncer à ce qu'elle est après tant de luttes dans le cadre belge pour s'affirmer?

  • Raymond Poulin Répondre

    3 octobre 2010

    Pourquoi l'idée d'un département wallon en France? Les Wallons sont parfaitement capables, sur tous les plans, de s'occuper avec bonheur d'une Wallonie indépendante. Ils ne sont pas plus Français que les Suisses de langue française et les Québécois.

  • Archives de Vigile Répondre

    3 octobre 2010

    Un sondage en France a révélé récemment que les Français accueilleraient avec joie la Wallonie en France. Quel beau département Wallon il formerait, n'est-ce pas?