Éditorial -
Le premier ministre Jean Charest a reconnu que le Québec avait les moyens de devenir un État indépendant. S'il pouvait reculer l'horloge du temps, nul doute que sa réponse à la question du journaliste de TV5 serait beaucoup moins tranchée. Elle prendrait la couleur prudente de la mise en garde transmise au Soleil et destinée à étouffer la clameur péquiste ayant salué ses propos. Cela dit, son admission change-t-elle une donnée fondamentale de LA question ? Pas le moindrement.
C'est une chose en effet que d'établir sur la base de comparaisons statistiques que le Québec jouit actuellement d'une force et d'une vitalité économiques qui lui permettent de se classer parmi la vingtaine de pays les plus avancés de la planète. De constater également qu'on retrouve sur le territoire québécois des ressources naturelles, stratégiques et humaines suffisantes pour croire que le nouvel État pourrait tirer son épingle du jeu.
Mais c'en est une tout autre que de démontrer que les Québécois se porteraient mieux en faisant le grand saut vers l'indépendance. Que ce choix comporterait des avantages dépassant substantiellement ceux de l'appartenance à l'ensemble canadien et aux forums importants auxquels ce dernier est associé. Et que cette accession à la souveraineté se ferait sans heurts, sans trop d'impact négatif sur les échanges commerciaux vitaux avec les États-Unis et le reste du Canada.
Bref, il y a d'une part l'acquis, ses certitudes et ses frustrations bien réelles. De l'autre, le potentiel, ses extrapolations défendables et ses mirages rosés.
Tous les acteurs de bonne foi dans ce débat vont reconnaître que la vérité crue est que la souveraineté du Québec est tout à fait possible. Comme l'a reconnu Jean Charest, les moyens sont là. Il y a déjà un moment, les membres de la Commission Bélanger-Campeau avaient endossé ce même constat par la formule d'une souveraineté du Québec "faisable et viable".
Mais, avec la même honnêteté, il faut aussi dire que le passage à l'État du Québec n'est pas une simple balade. Il ne comporte aucune garantie de faire mieux. Une victoire référendaire du Oui déclencherait, comme Pauline Marois l'a reconnu lors de la récente course à la direction du Parti québécois, des années de perturbations.
Il faudrait être naïf et ne pas avoir voyagé au Canada anglais pendant les périodes référendaires pour croire qu'un démembrement de la fédération ne susciterait pas un vif ressentiment hors du Québec.
Plaider le long fleuve tranquille en soutenant que la nécessité des affaires aurait tôt fait de laver l'affront d'une scission du Canada, c'est faire bien peu de cas d'une dimension peu glorieuse mais réelle de la nature humaine. Quand on se fait larguer, on est souvent prêt à payer le prix afin que l'autre comprenne toute l'étendue des vexations engendrées par son départ.
Il reste qu'André Boisclair a raison de vouloir tirer profit de l'affaire. L'argument a du ressort comme on a pu le constater hier lors de l'investiture du chef comme candidat péquiste dans Pointe-aux-Trembles. Il insuffle un oxygène bienvenu dans les rangs du Parti québécois où on s'inquiétait surtout pour l'instant de la performance du jeune chef.
Mais de là à affirmer que la déclaration de Jean Charest est une "victoire définitive" pour la cause souverainiste ou encore, comme l'a plaidé Bernard Landry, qu'elle vient stériliser toutes les peurs économiques et les paniques liées à l'accession du Québec à sa souveraineté, ce serait faire un peu trop vite l'économie d'un débat de fond.
La cause souverainiste est en effet encore bien loin d'avoir été entendue, débattue et jugée pour la troisième fois devant le tribunal référendaire québécois.
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