La France prend un coup de jeune

France - élection présidentielle 2007


Samuel Auger - Aujourd’hui, 44,5 millions de Français sont appelés à choisir le successeur du président Jacques Chirac, qui tire sa révérence après 12 ans à la tête de la République. Douze candidats dans la course, trois dans le peloton de tête : Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal et François Bayrou. Une femme, deux hommes, trois France.
La nouvelle génération cogne aux portes de l’Élysée. Demain soir, la France tournera la page sur un quart de siècle d’histoire politique. Fini les années Mitterrand et Chirac. Place à Ségolène Royal, François Bayrou et Nicolas Sarkozy. Trois « jeunes » en réaction par rapport à leurs prédécesseurs, dans une campagne marquée par l’explosion du militantisme Internet.
On les appelle les « éléphants ». Des anciens premiers ministres, des très hautes pointures de l’État. Pendant longtemps, ils ont occupé tout l’espace politique de la gauche française. Aujourd’hui, ils sont tenus à l’écart de la campagne par Ségolène Royal.
Si, demain, elle franchit le premier tour de la présidentielle française, elle se sera imposée devant la vieille garde socialiste. À 53 ans, cette adepte de la démocratie participative boude son parti et lui préfère la voix des citoyens. La démarche dérange. Pour certains, elle improvise. Pour d’autres, elle a le courage de moderniser un parti parfois jugé dogmatique.
Mais la France est encore loin de l’élection d’une femme à la tête de l’État. Selon les sondages, le favori pour l’Élysée demeure Nicolas Sarkozy. À 52 ans, il incarne le changement générationnel pour la droite. Alors qu’il était ministre de l’Intérieur, il s’est positionné comme le candidat de la « rupture ». Lui aussi a réussi son pari, soit mettre son parti, l’Union pour un mouvement populaire (UMP), dans sa petite
poche. Sa présence au second tour est quasi assurée.
Le trouble-fête au centre de l’attention
Nicolas Sarkozy contre Ségolène Royal. Droite contre gauche. Scénario prévisible, mais qui a été perturbé par la montée soudaine de la nouvelle coqueluche médiatique, François Bayrou. « C’est toute une génération qui ne se retrouve pas dans ce clivage entre la droite et la gauche », explique Quitterie Delmas, la présidente des jeunes du parti centriste Union pour la démocratie française (UDF) de François Bayrou. « Ce qu’on voit, c’est la limite des partis politiques traditionnels », poursuit-elle. Le rejet des vieux partis qui immobilisent la France : c’est là tout l’argument de campagne de ce paysan de 55 ans.
Armé d’un budget modeste, François Bayrou a misé gros sur les nouvelles technologies pour rallier de nouveaux fidèles comme la création de blogues, ou des débats sur Internet, champ de bataille où il a d’ailleurs été vite rejoint par ses concurrents. L’observatoire de la présidentielle fait état de plus de 1000 sites Web consacrés uniquement au débat électoral. Dans le camp de Ségolène Royal, c’est un jeune étudiant en droit de 21 ans, Thomas Hollande, qui est monté au front.
Thomas Hollande ? Son père est secrétaire du Parti socialiste et sa mère est nulle autre que Ségolène Royal. La politique, il ne voulait pourtant pas en entendre parler. « En fondant Segosphere.net, j’ai voulu rejoindre les jeunes qui, comme moi, n’ont jamais milité activement en politique », raconte-t-il à bord du train qui l’emmène à son prochain rendez-vous électoral. Lui qui ne voulait pas faire de politique se targue désormais d’avoir influencé le programme de sa mère. « Nous avons reçu plus de 5000 propositions de simples citoyens sur le site, et plusieurs se sont retrouvées dans le pacte présidentiel de Ségolène Royal. »
La droite n’est pas en reste dans cette guerre des nouvelles technologies. Quand Nicolas Sarkozy a voulu visiter en catimini un quartier sensible de Lyon, des militants anti-Sarkozy ont dû réagir rapidement. En quelques minutes, ils ont organisé une manifestation grâce à une chaîne de SMS, des messages textes par cellulaire. L’ancien ministre de l’Intérieur a tout annulé par mesure de sécurité. Lui-même ne se prive pas pour autant de l’arme Internet. Il se permet même un peu d’audace et d’autodérision. Il y a deux semaines, il a lancé l’opération « Sarkomingout ». Chaque militant est invité à faire son coming out, à avouer le secret qui le ronge en écrivant à un proche un courriel ayant pour objet : « Oui, je vote Sarkozy ».
Le vote jeunesse, les prétendants à la plus haute fonction se le disputent férocement. Et pour cause. À l’automne 2005, les jeunes de la banlieue parisienne impliqués dans les émeutes n’ont pas qu’incendié des centaines de véhicules. Ils se sont aussi inscrits massivement sur les listes électorales. Quelques mois plus tard, des millions de jeunes ont pris d’assaut la rue pour dénoncer le fameux CPE, ce contrat qui précarisait les jeunes travailleurs. À leur tête, Bruno Julliard, président de l’UNEF, le syndicat des étudiants de France. « Ce fut une véritable prise de conscience
sur le malaise de la jeunesse
Aujourd’hui, le résultat de ce mouvement, c’est que les jeunes refusent la fatalité et veulent s’impliquer, confie-t-il. Je m’attends donc à un taux de participation très fort des étudiants dès le premier tour. »


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