Même combat

C'est surtout à Nicolas Sarkozy qu'il faut comparer Mario Dumont

France - élection présidentielle 2007


Les âmes sensibles qui se sont émues des très modérés propos de Mario Dumont sur les accommodements raisonnables feraient mieux de ne pas passer leurs vacances en France cet été. Car l'un des développements majeurs de la campagne présidentielle là-bas est l'importance qu'ont prise les thèmes de la nation, de l'immigration et de la sécurité.
Le candidat de la droite, Nicolas Sarkozy, a proposé de créer un ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale, dénonçant vigoureusement des violences liées à l'immigration à la gare du Nord. Ségolène Royal a vite réagi, la candidate de la gauche chantant les louanges de La Marseillaise et promettant un drapeau tricolore pour chaque famille française. Dans un pays où le nationalisme est souvent vu de façon négative, tout le monde n'apprécie pas: l'ancienne ministre et rescapée des camps de la mort, Simone Veil, a exprimé son malaise sans revenir pour autant sur son appui à Sarkozy.
Le bon côté de l'affaire est que l'appui au Front national baisse, cette campagne ayant le mérite, comme son homologue québécoise, d'aborder les sujets qui préoccupent les gens. Alors que l'on entre dans le dernier droit, certaines choses commencent à être plus claires. La première est que Sarkozy a beaucoup de chances de l'emporter, le personnage étant de toute évidence solide, son avance ne s'étant jamais démentie depuis le lancement de sa campagne alors que le vent souffle à droite.
Le problème de Royal est celui de la gauche française qui, à peu près seule parmi ses homologues européennes, ne s'est pas modernisée, gardant des accents anticapitalistes archaïques dans une société développée comme la France. Au plan personnel, Mme Royal a du nerf, elle est capable d'audace, faisant preuve d'un anticonformiste rafraîchissant, qui n'arrive pas à masquer les incohérences et improvisations d'une candidate oubliant, dans sa frénésie d'écoute des citoyens, que l'addition des demandes individuelles n'a jamais constitué une politique.
Extrême centre
Et il y a le phénomène François Bayrou, un politicien qui revendique l'extrême centre, misant sur la lassitude des Français en ce qui a trait à la polarisation gauche-droite, qui caractérise leur vie politique depuis la Révolution. La comparaison que certains ont faite entre lui et Mario Dumont passe à côté de l'essentiel, car c'est avant tout à Sarkozy qu'il faut comparer le chef de l'ADQ. Ils ont beaucoup de chances l'un et l'autre de se retrouver à la tête de leur nation respective; les deux sont porteurs d'un radicalisme porteur d'action s'exprimant, dans le cas de Sarkozy, par le désir d'une certaine rupture avec le passé. Il y a également la force personnelle évidente des deux leaders politiques, l'accent qu'ils ont mis sur les questions identitaires, le fait qu'ils incarnent une droite s'assumant davantage.
Sarkozy et Dumont sont actuellement dans une phase de séduction des électeurs dont ils espèrent qu'elle les mènera au pouvoir. Le danger est de se lier exagérément les mains par des promesses et engagements que des citoyens désabusés - confondant morale et politique - prendront à la lettre, personne ne leur rappelant jamais que les promesses électorales, par définition, ne sont jamais totalement tenues, le bien d'une collectivité ne pouvant se programmer à ce point à l'avance. Ce qu'il faut faire et dire pour se faire élire empêche de bien gouverner par la suite, gâchant la marge de manoeuvre dont on aura besoin pour opérer des changements nécessaires mais controversés.
Le mois qui s'annonce sera crucial pour Sarkozy qui aura à prendre, s'il est élu, des décisions difficiles pour sortir le pays de l'ornière où il est enlisé. Le candidat de la droite semble avoir le potentiel d'un bon gestionnaire de crise, dans un contexte où la France - histoire et tempérament national obligent! - fera vraisemblablement face à des perturbations importantes. Mais alors qu'il doit s'en démarquer, Sarkozy apparaît exagérément compromis avec le débilitant régime antérieur. Il a dû ménager Chirac jusqu'à la fin et il doit toujours ménager le premier ministre De Villepin; hier encore, il était au coeur du pouvoir à titre de ministre de l'Intérieur. Il n'a que quelques semaines pour établir fermement son territoire politique à lui.
En comparaison, Mario Dumont ne doit pour l'heure rien à personne, sa longue traversée du désert lui ayant assuré une liberté exceptionnelle. La perspective du pouvoir est pour lui plus éloignée. Parce que le Québec a besoin d'un leader capable de forcer intelligemment le changement, espérons qu'il ne se liera pas inconsidérément les mains par des engagements inutiles, par exemple en matière de relations avec le reste du Canada ou de réforme des institutions démocratiques. Ce serait le cas de la priorisation d'une réforme du mode de scrutin qui le ferait renoncer à l'avance à une partie de son futur pouvoir de premier ministre, le condamnant à gouverner en coalition.
Professeur à l'ENAP, l'auteur vient de publier "Le défi français - regards croisés sur la France et le Québec" (Septentrion 2006).


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