La France nouvelle est arrivée...

France - élection présidentielle 2007



On a tout entendu sur Nicolas Sarkozy au cours de la longue campagne en vue de la présidentielle française d'hier. Que sa victoire propulserait la France dans la « guerre civile ». Qu'il y a du Berlusconi en lui. Qu'il est un sans-coeur qui ne s'intéresse qu'aux gagnants. Et même, comme l'a écrit l'hebdomadaire Marianne, qu'il est affecté d'un grain de folie qui l'apparente à quelques-uns parmi les plus célèbres des dictateurs...
Mais les médias et une bonne partie de l'élite intellectuelle française ont eu beau dépeindre Nicolas Sarkozy dans les couleurs les plus sombres, les électeurs leur ont fait un magistral pied de nez en lui procurant une victoire franche sur son adversaire, la socialiste Ségolène Royal.
Vu du Québec, ce résultat a des accents familiers. Il rappelle le succès récent de Mario Dumont qui, comme Nicolas Sarkozy, promettait de rompre avec la langue de bois politique, remettre en question un modèle social longtemps tenu pour intouchable, poser crûment sur la table les préoccupations et inquiétudes des classes moyennes - même sur des sujets aussi délicats que l'immigration.
Comme les nombreux électeurs qui ont voté pour l'ADQ, une majorité de Français ont ignoré menaces et épouvantails pour choisir le candidat qui a su le mieux exprimer leurs préoccupations. Et comme dans le cas du Québec, il y a une leçon de démocratie à en tirer : les campagnes de dénigrement de politiciens qui réussissent, à tort ou à raison, à toucher le coeur des gens, ne servent à rien. Plus on noircit, plus ça fait boomerang. Et plus on fait peur au monde, plus on produit l'effet contraire à celui que l'on recherche. Rappelez-vous un certain Pierre Bourque...
Durant toute la campagne électorale, Nicolas Sarkozy a martelé qu'une fois élu, il allait réaliser toutes ses promesses, que LUI, il ferait exactement ce qu'il dit. Si tel est le cas, c'est toute la France qui sera mise sens dessus dessous, écrivait récemment un commentateur du Figaro. Au coeur de la révolution promise : un nouveau pacte où une partie des protections sociales qui font la particularité de la France seraient abandonnées contre une promesse de croissance et de vitalité économique.
« L'espoir, c'est qu'il y ait quelque chose de neuf, on ne peut pas continuer comme ça », confiait hier un électeur à la sortie du bureau de vote. Comme ça, c'est-à-dire comment? Les chiffres sont implacables. En 25 ans, la France est passée de la 7e à la 17e place dans le monde en termes de PNB par habitant. Sa croissance économique est famélique : 2 %. En un quart de siècle, elle n'a jamais connu un chômage inférieur à 8 %. Ce chômage atteint 20 % chez les jeunes adultes, le double dans les quartiers défavorisés.
Dans une récente analyse, l'hebdomadaire britannique The Economist notait que depuis un quart de siècle, les Français maintiennent une sorte de troc avec leurs classes dirigeantes, acceptant de voter pour elles et de vivre avec une économie stagnante en échange du maintien du filet social.
Cette entente tacite semble avoir atteint ses limites - et la droite n'a d'ailleurs pas le monopole de ce constat. « Ce n'est plus avec la nostalgie d'une stratégie de rupture avec le capitalisme qu'on peut sauver les 15 % de Français qui vivent dans la pauvreté et l'inquiétude », écrit l'éditorialiste Jean Daniel dans le dernier numéro du Nouvel Observateur. Il note que le Parti socialiste, que l'hebdomadaire appuyait à la présidentielle, a clairement mis ses dogmes au vestiaire en disant oui à l'économie de marché - mais non à la « société de marché ».
Les Français veulent du changement et une majorité d'entre eux ont cru que celui-ci viendrait de Nicolas Sarkozy. Mais séduction électorale oblige, ce dernier n'a pas trop insisté sur les retombées potentielles de sa révolution.
Aura-t-il vraiment les coudées franches pour réduire la dette, mettre au rebut la semaine de 35 heures, détricoter le filet social français, créer ce controversé ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale, sans provoquer d'explosion sociale? C'est loin d'être sûr : après tout, pas loin d'un Français sur deux a tout de même voté contre lui. Et pour la promesse de changement plus en douceur des socialistes.
Dans un mois, les Français retournent voter, cette fois pour des élections législatives. On pourra alors mieux prendre la mesure de leur appui à la révolution pas du tout tranquille, version Sarkozy.


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