Une Québécoise retenue avec ses enfants en Arabie Saoudite

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Marier un Saoudien, se convertir à l'islam et déménager en Arabie n'était peut-être pas l'idée du siècle...

La dernière fois que la Québécoise Nathalie Morin a donné signe de vie à ses proches, c'était le 27 octobre dernier, par un message dans lequel elle semblait avertir que ses communications seraient désormais surveillées de près.


Elle y décrivait ce qu'elle appelait « le nouveau régime de télécommunications » mis en place par le gouvernement d'Arabie saoudite, en vertu duquel tous les appels téléphoniques, les échanges sur les réseaux sociaux et sur les divers comptes de messagerie seraient dorénavant enregistrés par les autorités.


Depuis ce message, envoyé il y a très exactement 53 jours, c'est le silence radio. La mère de Nathalie Morin, Johanne Durocher, n'a plus été capable de joindre sa fille.


Les courriels envoyés à ses différentes adresses ont tous rebondi. Son téléphone ne répond plus. Les appels vers les deux numéros de son mari Saeed Al-Shahrani, un homme qui s'est montré violent à plusieurs reprises dans le passé, sonnent également dans le vide.


 


Et Nathalie Morin n'a plus rien publié sur son compte Twitter et sur Facebook.


« Nous ne savons pas si cet ordre de couper tout contact avec l'extérieur vient de son mari, Saeed Al-Shahrani, ou du gouvernement saoudien », affirme Johanne Durocher dans un communiqué qui doit être diffusé aujourd'hui par le Comité de soutien à Nathalie Morin.


Nathalie Morin est cette mère de famille québécoise qui se trouve piégée en Arabie saoudite depuis 13 ans, avec ses 4 enfants. Les autorités saoudiennes veulent bien la laisser partir, mais sans ses enfants, dont trois ont la citoyenneté canadienne.


Dans une vidéo poignante diffusée en août dernier sur Facebook, Nathalie Morin se plaint de ne plus avoir d'existence légale en Arabie saoudite, depuis que son mari lui a retiré ses cartes d'identité, en mars 2015.


« Je n'ai même plus de preuve que je suis la mère de mes enfants », déplore-t-elle.


Cette situation la prive de services médicaux. Et elle est réduite à demander la charité pour nourrir ses enfants, son mari ne subvenant pas à ses besoins. Dans ce pays où les femmes sont considérées comme des mineures soumises à l'autorité d'un tuteur, elle n'a aucune marge de manoeuvre pour se libérer de l'emprise du père de ses enfants.


Au mois d'août dernier, Johanne Durocher a aussi reçu un courriel du plus vieux de ses petits-enfants, Sameer, 16 ans. « Allo grand-mère, nous avons de gros problèmes avec les gouvernements, alors à cause des gouvernements, je ne te reverrai plus jamais, mais je ne t'oublierai pas », a-t-il écrit en anglais. Avant de signer : « Au revoir pour toujours. »


Dans le passé, quand Johanne Durocher n'arrivait plus à joindre sa fille, des représentants canadiens entraient en communication avec les autorités saoudiennes afin qu'elles fassent pression sur Saeed. « C'est comme ça que Saeed a fini par accepter d'envoyer ses enfants à l'école, par exemple », rappelle Johanne Durocher.


Mais aujourd'hui, alors que les relations entre Ottawa et Riyad se détériorent, ce canal ne semble plus fonctionner.


Le coup de froid diplomatique date du mois d'août, alors que la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, avait dénoncé l'arrestation de plusieurs militantes des droits des femmes par le régime saoudien.


En réponse, Riyad avait expulsé l'ambassadeur du Canada, rappelé le sien et gelé ses relations commerciales avec le Canada.


Victime collatérale ?


Plus récemment, dans la foulée de l'assassinat du journaliste Jamal Khashoggi à l'ambassade d'Arabie saoudite à Istanbul, Ottawa a annoncé qu'il cherchait un moyen pour rompre son contrat de vente de blindés à l'Arabie saoudite.


Cette annonce ajoute à l'anxiété de Johanne Durocher. « L'Arabie saoudite risque de ne pas être de bonne humeur, et on sait ce qu'ils font quand ils ne sont pas de bonne humeur », dit cette femme morte d'inquiétude, qui craint que sa fille ne devienne la victime collatérale d'une crise diplomatique.


Nathalie Morin avait rencontré Saeed au Québec, à l'âge de 18 ans. Il avait 10 ans de plus. Amoureuse, elle l'avait suivi en Arabie saoudite, où elle a découvert un homme colérique et contrôlant. Leur premier enfant est né au Québec, les trois autres, en Arabie saoudite. Ils sont aujourd'hui âgés de 5 à 16 ans. Nathalie Morin en a 34. Elle se sent prise en otage par un mari abusif, qui s'est déjà montré violent avec ses enfants et qui lui refuse le droit de les amener au Canada.


Au bureau montréalais d'Amnistie internationale, on trouve la situation très inquiétante. « Il faudra que le gouvernement mette tout en oeuvre pour que Nathalie et ses enfants soient en sécurité », dit la responsable des campagnes, Colette Lelièvre.


Après 53 jours de silence absolu, Johanne Durocher appelle elle aussi le gouvernement canadien à tout faire pour rétablir la communication avec sa fille, qu'elle sent psychologiquement et physiquement fragilisée, après des années d'isolement.


Interrogé sur ses intentions dans ce dossier, le ministère canadien des Affaires étrangères n'a pas donné suite aux questions de La Presse, hier.