La famille avant les amis

Québec 2008 - l'art de détourner le sens la Fête

Beau temps, mauvais temps, la relation entre la France et le Québec se maintient. Malgré la pluie qui tombait sur la ville de Québec au moment où s'ouvraient jeudi les cérémonies du 400e anniversaire de la fondation de la capitale québécoise, le premier ministre François Fillon a fait ce qu'il fallait pour dissiper les incertitudes qui ont pu exister ces derniers mois au sein du gouvernement français à ce sujet. Il l'a même fait avec beaucoup de chaleur.
Ces cérémonies du 400e constituaient un moment privilégié pour prendre la mesure de la relation triangulaire qu'entretiennent la France, le Québec et le Canada. On sait mieux aujourd'hui ce que peut signifier la formule «le Québec, c'est notre famille; le Canada, ce sont nos amis» qu'emploie désormais le gouvernement français pour parler de cette relation.
Si les mots ont une signification, on peut croire que François Fillon, et à travers lui le gouvernement français, était à Québec pour fêter avec la famille québécoise plutôt qu'avec les amis canadiens. L'anniversaire de la fondation de Québec symbolise la vitalité de la langue et de la culture françaises en Amérique, avec pour résultat la France s'agrandissant hors de son territoire national, a-t-il souligné. À ses yeux, le moment était à la célébration de cette présence française plutôt qu'à l'exaltation, comme le premier ministre Stephen Harper l'a fait pour sa part, des premiers pas de ce «grand pays, fort et libre» qu'est devenu le Canada. D'ailleurs, comme s'il s'était senti de trop dans cette fête de famille, ce dernier s'est vite éclipsé pour se rendre présider à l'ouverture du Stampeede de Calgary.
Le parti pris exprimé par le premier ministre Fillon dans son discours au pied de la statue de Champlain était clair, tout comme sa volonté de replacer la relation France-Québec dans la continuité gaulliste. L'évocation du rôle joué par le général de Gaulle dans la revitalisation des liens de famille en 1967 par son «Vive le Québec libre», tout comme l'emploi spontané du mot «pays» à quelques reprises devant la presse, ne trompent pas.
Y avait-il eu relâchement des relations entre Québec et Paris ces derniers temps? On peut convenir qu'à tout le moins des incertitudes étaient apparues, nourries par le président Nicolas Sarkozy lui-même qui, tout à coup, mettait l'emphase sur les relations avec Ottawa. Cela s'est manifesté par son désir exprimé clairement de revoir la formule «non-ingérence, non-indifférence» par laquelle se définissait depuis 35 ans l'amitié franco-québécoise, puis par l'importance accordée à la récente visite de la gouverneure générale Michaëlle Jean. Comprenons que François Fillon, lorqu'il parle de «relancer notre relation», veut tourner la page sur cet épisode.
Les projets de coopération évoqués par les premiers ministres français et québécois lors de leur séance de travail hier sont de nature à donner une nouvelle impulsion à cette relation. Deux d'entre eux sont à retenir dans la mesure où ils contribueraient à créer, selon les mots de Jean Charest, un «espace de mobilité» pour les personnes. Il y a la création d'un conseil de coopération universitaire qui favoriserait la mobilité des étudiants. Mais soulignons surtout ce projet d'une entente sur la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles, qui permettrait à des professionnels, des travailleurs spécialisés et des artisans de travailler de part et d'autre de l'Atlantique.
Ce projet est complexe, car il concerne des ordres professionnels jaloux de leurs prérogatives. Il faudra aussi tenir compte de la dimension européenne puisque la France est membre de l'Union européenne, qui pose aussi ses exigences en matière de mobilité professionnelle. Il sera long à mener à terme mais s'il se réalise, on pourra le classer parmi les grandes réalisations de la coopération franco-québécoise, au même titre par exemple que l'Office franco-québécois pour la jeunesse, qui a contribué depuis 40 ans à tisser des liens de toute nature entre jeunes Québécois et jeunes Français. Cela correspond bien à l'esprit de solidarité qui inspire la relation France-Québec.


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