L'impatience de Gérald Larose

Chronique de Patrice Boileau

[->10732] Il faut croire que la dernière enquête de la Maison CROP n’aura pas enthousiasmé le coprésident du Conseil de la souveraineté du Québec. Malgré la mince avance que cette firme de sondage accorde présentement au Parti québécois, Gérald Larose exhorte la chef de la formation souverainiste, Pauline Marois, qu’elle présente à la population un programme politique qui honore davantage son article 1.
Le projet péquiste de citoyenneté québécoise est une bonne idée, estime l’ancien dirigeant de la CSN. Reste que d’autres mesures « plus musclées » devraient être adoptées par le PQ, au lendemain d’une victoire électorale, afin d’affirmer le caractère français du Québec. En fait, Gérald Larose désire que le prochain mandat du Parti québécois à la tête de l’État en soit un de gouvernance souverainiste. Des gestes de ruptures doivent être posés sans attendre la tenue d’un référendum.
Gérald Larose risque d’être déçu en espérant plus de clarté de la part de l’intelligentsia péquiste, au sujet de son option fondamentale. C’est justement en faisant le contraire que le PQ est parvenu à freiner sa chute dans l’électorat québécois. Le report indéfini d’une stratégie concrète en vue de faire aboutir le projet de pays a effectivement fait disparaître le spectre d’un ultime affrontement référendaire avec Ottawa. Une majorité de Québécois ne veulent pas subir un autre sabotage démocratique. Le Parti québécois préfère présentement concocter des « projets étapistes » dans l’espoir que ceux-ci raniment l’intérêt général pour le projet souverainiste.
Le PQ aurait-il connu la même évolution dans les intentions de vote s’il avait décidé de se rende au vœu de la population, en renonçant d’organiser une consultation populaire, tout en prévoyant l’adoption de gestes souverainistes? Impossible de le savoir car ce n’est malheureusement pas cette voie qu’il a choisie. Voir le Parti québécois « congédier le référendisme », tout en aiguillant le Québec « en direction du Pays », comme le souhaite M. Larose, aurait néanmoins étonné les Québécois.
Quels gestes auraient cependant été « tolérés » par la société civile, en attendant le Grand Soir, de manière à ce que le PQ ne soit pas marginalisé par l’électorat québécois? Celui d’une constitution semble de plus en plus rallier les gens. Va également pour l’adoption d’une citoyenneté québécoise. Une loi 101 imposant à tous les Québécois la fréquentation scolaire dans les écoles francophones jusqu’au réseau collégial pourrait aussi faire l’objet d’un consensus. Le rapatriement des soldats québécois d’Afghanistan, conflit auquel sont largement opposés les Québécois? Formation d’une équipe olympique québécoise? Rédaction d’un seul rapport d’impôt?
Il est assurément facile d’ajouter d’autres mesures qui éloigneraient le Québec de son statut provincial. Il importe cependant de les voir clairement définies de manière à ce que les Québécois sachent parfaitement à quoi ils s’attendent en appuyant le Parti québécois.
Et que faire pour finalement arriver à destination, suite aux « mesures étapistes » qui en auraient pavé le chemin? Gérald Larose n’en souffle mot. Soit, il manifeste clairement son agacement face à l’entêtement référendaire des péquistes. Mais il n’offre pas d’alternative démocratique. L’élection référendaire? Encore faudrait-il qu’il en précise les modalités. Faudra-t-il obtenir 50% +1 des suffrages exprimés dans un processus électoral afin de pouvoir aller de l’avant? Le coprésident du conseil de la souveraineté appuierait-il une victoire à majorité simple? Il serait intéressant de l’entendre à ce sujet.
Plusieurs seraient étonnés que l’ancien chef de la CSN bafoue la règle internationale de la majorité absolue. Si Gérald Larose en a marre de la démarche référendaire classique, comme il laisse le supposer, il ne lui reste d’autre choix que l’élection décisionnelle comme mode d’accession à la souveraineté pour rallier 50% + 1 des votes. L’homme peut décider d’en faire la promotion demain matin s’il le désire. Il aurait cependant avantage à se dénicher d’abord de solides appuis chez les poids lourds souverainistes afin de lancer ensuite une vaste offensive médiatique. Pourquoi pas des états généraux! Peut-être que le Parti québécois envisagera alors de recourir enfin à cet autre mécanisme démocratique, sous peine d’être boudé par une large tranche de l’électorat souverainiste.
Patrice Boileau



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3 commentaires

  • Frédéric Picard Répondre

    13 décembre 2007

    Je vous ai suivit, monsieur Boileau, jusqu'au deux derniers paragraphes. Là, j'ai décroché. On aura tendance à utiliser l'argument dit "démocratique" pour légitimiser le statu quo. Toutefois, ce même statu quo a été légitimisé par des majorités parlementaires. À la fois en 1867 et en 1982.
    Certaines nuances doivent être faites. On oubliera souvent que l'élection d'une majorité de députés est un signal très fort au point de vue démocratique. Même minoritaire, l'élection d'un gouvernement est un signal à ce point démocratique qu'ils sont rarement renversés en moins de six mois.
    Est-ce que ce signal (une majorité de sièges) est suffisamment puissant pour faire une déclaration unilatérale d'indépendance ?
    Toutefois, ce signal est suffisamment puissant pour légitimiser un gouvernement dit "national". Après tout, l'électeur a voté pour un tel gouvernement. Cet électeur doit avoir un retour sur l'investissement, sans quoi, il sera désabusé.
    Ce gouvernement aura pour tâche d'exclure le fédéral du territoire Québécois. Il cessera de gérer un Québec province. Toutefois, il ne commettera pas l'acte de déclencher l'indépendance dite "de jure".
    Un tel gouvernement pourrait s'employer à construire, geste par geste, le pouvoir "de facto" national du Québec. Plus tard, ce gouvernement pourra demander de légitimiser l'indépendance "de jure", sachant que l'exercice pédagogique indépendantiste aura été fait avec les gestes d'indépendance .
    Cette légitimisation pourra être faite soit par une élection référendaire à coalition, comme le propose le RIQ ou un référendum, comme l'a fait deux fois le PQ.
    Frédéric Picard,
    Membre de l'UDIQ

  • Georges-Étienne Cartier Répondre

    12 décembre 2007

    "Les poids lourds péquistes" ?
    Qui ça?
    Ceux qui n`osent même pas prendre la place qu`on serait bien obligé de concéder à leur nom pour se plaindre de celle que Jean François Lisée est accusé de prendre en trop ? Dommage que le ridicule ne tue pas : quel bon ménage ça ferait!
    Ma foi du bon yeu, y sont complètement déconnectés, nos journalisses !
    Les VRAIS poids lourds ne sont plus que 3 ou 4 dans le PQ: ceux de l`ACTION Indépendantiste,remplis de VOLONTÉ d`AGIR et qui n`attendent qu`un signal franc, ferme et clairpour embrayer, sont tous ou presque EN DEHORS du PQ ou du moins de ses structures paquetées d`apparatchiks pusillanimes planqués!!!

  • Archives de Vigile Répondre

    12 décembre 2007

    Vous dites que " Le report indéfini d’une stratégie concrète en vue de faire aboutir le projet de pays " permet au PQ de " freiner sa chute ".
    Cette présomption est en phase avec le discours fédéralisant d'une bonne part des commentateurs médiatiques, mais ne résiste pas très bien, il me semble, à une analyse plus objective que celle des agents de Gesca, entre autres.
    Comment ne pas penser que les facteurs suivants sont d'abord en cause ici, dans l'ordre ou non : Le retour marqué et remarqué du PQ à un certain nationalisme, pour ne pas dire un nationalisme certain, la difficulté de l'ADQ à formuler des propositions concrètes et à démontrer sa compétence, et l'usure du pouvoir libéral.
    Je pense qu'une stratégie indépendantiste affirmée, qu'elle soit référendaire ou autre, serait un atout pour le PQ, ou, à tout le moins, ne serait pas un boulet. On oublie trop souvent que, quelle que soit sa stratégie, ce parti est toujours perçu comme souverainiste. Ainsi, il paie déja en permanence le prix électoral de ce positionnement, ce qui est tout-à-fait normal lorsqu'on défend une idée politique. Dans ce contexte, aussi bien consolider ses appuis en se donnant les moyens de réaliser son objectif.
    Les libéraux sont à terre, dans les deux capitales, Ottawa défend des intérêts qui sont plus loin que jamais de l'opinion québécoise, le français est en situation précaire, et les Québécois hurlent leur insécurité identitaire à Bouchard-Taylor. Il me semble que l'élite péquiste devrait se fier un peu moins aux commentateurs -- elle l'a fait avec le projet de loi sur la citoyenneté et les résultats sont éloquents -- et promouvoir l'indépendance beaucoup plus résolument.