La tournée de Ti-Lord

Chronique de Patrice Boileau

Encore une. En fait, il y en a tellement eu qu’on est pleinement en droit de se demander ce que cherchent ces nombreuses consultations publiques sur l’avenir des langues officielles (sic) au Canada. En effet, les conclusions qui émaneront de celle qui se met en branle ne seront pas différentes des autres.
Fier d’avoir gouverné l’unique province « bilingue » de la fédération, Bernard Lord sera celui qui dirigera le nouveau cirque fédéral qui érigera son chapiteau dans sept villes canadiennes durant sa virée. Conservateur qui fut pressenti à un certain moment pour remplacer Stephen Harper au moment où celui-ci n'allait nulle part, l’ancien premier ministre néo-brunswickois aura pour mission de courtiser les groupes de francophones disséminés au Canada de manière à amadouer ceux qui habitent au Québec. Ainsi, à l’approche d’un scrutin fédéral, l’administration conservatrice, minoritaire à Ottawa, pourra espérer faire des gains au profit du Bloc québécois et espérer ainsi faire élire une majorité de députés.
Là réside la vraie raison qui a poussé le gouvernement Harper à instituer cette commission qui doit déposer son rapport en janvier prochain. Car la série de vœux pieux qui en ressortira n’empêchera pas le rouleau compresseur de l’assimilation de poursuivre son travail. Les chiffres divulgués hier par Statistique Canada sont là pour le prouver : le français perd du terrain partout en Amérique du Nord, même au Québec. L’État québécois a beau sélectionner dorénavant surtout des immigrants qui connaissent la langue française, la réalité s’avère quand même implacable : les nouveaux arrivants débarquent au Canada et finissent par en épouser la culture. Une tendance donc vers l’anglicisation ou du moins l’aspiration à maîtriser la langue de la majorité et le nationalisme qui en découle. Ainsi, Montréal, métropole québécoise, est une ville qui ne compte plus que 49% de francophones.
Ajouter à cela d’autres données comme celle qui révèle que la proportion de francophones de langue maternelle française à l’extérieur du Québec n’est plus que de 4% au Canada, n’amène rien de neuf au débat. Les intervenants qui se présenteront aux assises de la consultation y déballeront leurs jérémiades traditionnelles sans que rien ne change.
On aura presque l’impression que l’exercice rappellera ceux qui cherchent à répertorier les espèces en voie de disparition. Un peu comme les études qui attestent que les bélugas du fleuve Saint-Laurent voient leur nombre sans cesse décroître. Étonnant que les francophones n’aient pas été ajoutés sur la liste des êtres vivants menacés d’extinction au Canada!
Il ne faudra pas compter sur le courage de Bernard Lord pour le faire. Au mieux, ce dernier proposera innocemment aux provinces anglophones de se déclarer bilingues comme le Nouveau-Brunswick! Ce faisant, à l’aide d’un peu de pensée magique, celles-ci verront leur nombre de francophones augmenter! « Ça se fait facile », dira-t-il, dans un français impeccable… De toute manière, l’homme oublie que l’histoire explique la présence de francophones dans la péninsule acadienne, non pas les politiques linguistiques du gouvernement fédéral.
Les indépendantistes québécois devront faire gaffe néanmoins de trop tourner en dérision la balade qu’entreprend Bernard Lord. Souvent, les derniers sacrements qu’ils ont administrés à des groupes de francophones hors Québec se sont retournés contre eux. Les médias fédéralistes sont effectivement parvenus à attribuer une connotation de mépris à un commentaire qui visait au départ à démontrer que la politique des langues officielles du Canada est une coquille vide. Ainsi, les souverainistes québécois furent accusés de dénigrer les francophones qui ont choisi de « survivre linguistiquement » au Canada. On connaît ce refrain démagogique. Reste qu’il parvient malhonnêtement à mettre un bémol sur la compassion que les Québécois éprouvent envers les francophones qui agonisent au Canada.
La mascarade fédérale qui débutera prochainement, avec à sa tête le guignol de service Bernard Lord, se veut dans la même veine que le titre de nation qui a été attribué au Québec il y a un an. Folklorique est en effet le sens que l’État canadien accole à la consultation. L’exercice est purement cosmétique et n’aura donc aucune portée juridique susceptible de heurter la majorité anglophone. Un peu à l’image du Père-Noël, l’envoyé d’Ottawa tout de rouge vêtu débarquera dans quelques grandes villes uniquement pour y entendre les demandes des francophones. Espérons que ces derniers ne croient plus à ce personnage du temps des fêtes pour exaucer leurs vœux. Le réveil risque sinon d’être brutal.
Patrice Boileau



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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    5 décembre 2007

    M. Boileau, vous écrivez : «l’envoyé d’Ottawa tout de rouge vêtu débarquera dans quelques grandes villes uniquement pour y entendre les demandes des francophones.»
    Mais non, ces consultations publiques, c'est pour les 2 langues officielles du Canada. Nos anglophones du Québec vont certainement aller s'y plaindre comme martyrs de la majorité française du Québec, menacés de disparition, même après les défusions de leurs fiefs "L'ouest de Montréal et Westmount" qui a résulté en une Tour de Babel administrative montréalaise qui favorise Toronto la très fusionnée...elle.
    Je ne suis pas d'accord pour dire que M. Lord est un gignol. C'est un bilingue, natif du Saguenay, qui doit croire au Canada bilingue. Peut-être que c'est lui qui, après s'être promené d'un bout à l'autre du Canada, va se convaincre que le bilinguisme au Canada, c'est une farce plate.
    En attendant, c'est le Bloc qui peut écoper. Ça va être à M. Duceppe de défendre son point parce que M. Harper me semble très habile avec ses derniers gestes.