Le Premier ministre du Québec n’est pas allé à La Rochelle assister au départ d’une quarantaine de voiliers qui, ce huit mai 2008, se préparaient à traverser l’Atlantique pour se rendre à Québec, et il a bien fait. Ce qui était fêté à cette occasion, c’était la fondation de Québec et du Canada, pas de la Confédération canadienne. Du moment que la « presque reine du Canada », Michaëlle Jean, était sur place, le Premier ministre du Québec devait briller par son absence. C’est ce qu’il a fait, et il a bien fait.
C’est le quatre centième anniversaire de Québec que nous célébrons cet été. Certes Champlain est le fondateur du Canada, comme le reconnaît notre grand historien Marcel Trudel, mais le Canada a été conquis par l’Angleterre, et le Canada actuel, celui dont la capitale est Ottawa et l’autorité suprême la gouverneure générale représentante de la reine d’Angleterre, est l’oeuvre du conquérant, celui qui a bousillé l’entreprise de Champlain et de la France. Si le Premier ministre du Québec s’était rendu à La Rochelle, il serait apparu comme un des membres de la suite de la « presque reine du Canada », et aurait ratifié en quelque sorte le geste de la capitulation, entériné l’acte de la conquête. Et tout ceci illustre à merveille la situation ambigüe dans laquelle se trouve le Québec.
Le Québec est aujourd’hui dans le Canada, et nous n’y pouvons rien, pour le moment, mais si Ottawa avait un peu de décence, elle se serait abstenue de se rendre à La Rochelle pour laisser le Québec célébrer un anniversaire important. Mais évidemment, l’esprit impérialiste d’Ottawa l’emporte sur la magnanimité. Ottawa tient à rappeler que la conquête a eu lieu, que le Québec n’est pas un pays ni une nation, mais une province d’un pays de l’Empire britannique.
Je comprends que Jean Charest, le Premier ministre du Québec, soit resté au Québec. Son geste en est un de protestation. Je ne sais s’il l’a posé par conviction ou par opportunisme, pour des raisons électoralistes, mais de toute façon, dans les circonstances, il faut le féliciter.
Paul-Émile Roy
ADDENDUM
L’absence de Jean Charest à La Rochelle
Discussion amicale avec M. Gaston Boivin
Je ne sais pas ce que Jean Charest, Premier ministre du Québec, avait dans la tête, mais je trouve qu’il avait raison de ne pas assister au départ des voiliers pour Québec à La Rochelle. Il ne devait pas participer à cette fête parce que Ottawa, par la présence et l’intervention de la « presque reine » du Canada récupérait cet événement. Qu’il l’ait voulu ou non, l’absence du Premier ministre constituait, selon moi, un acte de contestation que j’approuve.
Toutes ces considérations illustrent bien la situation confuse dans laquelle nous sommes empêtrés. Si Jean Charest avait participé à cette fête, il l’aurait nécessairement fait comme Premier ministre de la Province de Québec, derrière la représentante de la reine d’Angleterre, pas comme chef de la nation québécoise souveraine, mais, nécessairement, comme chef de la nation québécoise soumise, conquise. Il n’aurait certainement pas été sur un pied d’égalité avec la « presque reine ».
Je schématise ma position de la façon suivante:
- Champlain a fondé le Canada en 1608. Déjà au temps de Louis XIV et de Colbert, on parle de la Nouvelle-France ou du Canada indifféremment.
- En 1760, le Canada a été conquis par l’Angleterre.
- En 1867, le Canada de Champlain a été avalé, remplacé par la Confédération canadienne.
- L’ héritier du Canada de Champlain, ce n’est pas le Canada actuel, c’est le Québec.
- Participer à une fête commémorant la fondation du Canada, une fête présidée par la représentante de la reine d’Angleterre, c’est ratifier la capitulation.
- On ne peut pas fêter la naissance de ses parents avec ceux qui ont dépouillé, qui ont assassiné leurs enfants.
- Espérons qu’un jour, l’histoire permettra au Québec de se présenter sur une tribune publique, d’égal à égal avec le Canada, comme deux nations indépendantes. En attendait, mieux vaut nous abstenir.
Bien amicalement.
L’ héritier du Canada de Champlain, ce n’est pas le Canada actuel, c’est le Québec
Jean Charest avait raison de ne pas se rendre à La Rochelle
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4 commentaires
Rodrigue Guimont Répondre
13 mai 2008Vous n’êtes pas sans savoir Monsieur Roy, que les Hurons Wendats n’étaient pas sur le territoire actuel du Québec lors de l’arrivée de Champlain tandis que les Montagnais y étaient bel et bien en 1608.
Pourtant, les Hurons sont invités aux fêtes du 400ième mais toujours pas les Montagnais.
Archives de Vigile Répondre
11 mai 2008Un bon rappel !
Le Québec d'aujourd'hui c'est le Canada d'hier.
Le Canada de la Nouvelle-France est devenu Province of Québec en 1763.
Nous nous en rappellons plus à cause du traumatisme de la "Conquête" mis de l'avant ou amplifié par le traumatisme de la répression des Patriotes de 1837-38. Ceux qui ne veulent pas qu'on en parle sont plus souvent qu'autrement fédéralistes.
La solution ? Écrire l'HIstoire DU Québec vieille de 400 ans qui comprend le "Canada" de 150 ans jusqu'en 1763.
Sébastien Harvey
sebastien_harvey1@hotmail.com
Archives de Vigile Répondre
8 mai 2008Il n'y a pas à dire, Jean Charest est béni des dieux! Il n'a même plus besoin de dire ou faire quoi que ce soit, simplement fermer sa gueule devant les pires saletés anti-Québec, et même des indépendantistes interpréteront son auto-fossilisation volontaire comme un geste courageux de protestation. Décidément, M. Roy n'a pas entendu Charest exprimer son bonheur que le Québec de 1608 ait fondé le Canada, sans préciser lequel... Cela fait sans doute partie de sa stratégie de protestation, tout comme les déclarations de Monique Jérôme-Forget? Dites donc, on est où, là?
Mais, bien entendu, je me trompe sans doute: monsieur Roy faisait sûrement dans l'ironie, et nous ne l'aurons pas compris...
Gaston Boivin Répondre
8 mai 2008Monsieur Roy, ordinairement, je suis assez d'accord avec le contenu de vos textes. Mais là, vraiment! Jamais je n'adhérerai à cette interprétation que Jean Charest ne s'est pas présenté La Rochelle afin de protester contre notre asservissement et notre dépendance de l'état actuel canadien nous résultant de la conquête. Voyons donc, John James Charest est fier d'appartenir à ce Canada d'aujourd'hui et a eu très peur de le perdre en 1995, autant que Jean Chrétien, à tel point qu'il est disposé à en affaiblir le Québec, notamment dans le grand tout canadien, afin qu'il en perde toute spécificité et qu'il en devienne si dépendant qu'il y adhère émotivement sans aucun effleurement de toute envie d'indépendance. C'est sa préoccupation première depuis qu'il est au provincial: Son attitude et celle de son gouvernement face à la défense et la promotion de la langue française, de l'identité québécoise, vis à vis notre histoire et son enseignement, de l'affirmation ou plutôt de la désaffirmation du Québec, la façon dont il a procédé dans la commémoration du quatre-centième anniversaire de la fondation de Québec, en épousant la thèse de la fondation du Canada plutôt que celle de la Nouvelle-France et de la nation québécoise, représentant dans les faits la nation française d'Amérique.
Monsieur Roy, si Jean Charest ne s'est pas présenté à La Rochelle, c'est d'abord parce qu'il lui reste une petite gêne, celle commune à tous les collaborateurs de ce monde, celle qui les retienne de s'afficher en présence des dominateurs de leur nation, aux desseins desquels ils collaborent!
Pour votre information monsieur Roy, "le mardi 24 juin 2008, jour de notre fête nationale, vers 17 hre, la flottille de la Grande Traversée, partie de La Rochelle le 8 mai 2008, arrivera en vue du quai 21 au port de Québec (Pointe à Carcy), heure à laquelle elle franchira une ligne d'arrivée fictive à l'entrée du Bassin Louise, qui sera pavoisé aux couleurs de la France, de La Rochelle, du Canada, du Québec, de la ville de Québec et de celle de la nation Huronne-wendat. Les bateaux seront salués par le maire de Québec, le D.G. de la Société du quatre-centième, la gouverneure-générale du Canada, les autorités gouvernementales du Québec et celles du Port, ainsi que celles de la fédération des voiliers du Québec."(Cf: Communiqué de presse de: 400, La Rochelle-Québec, 1604-2008)
Alors, monsieur Roy, je ne peux vous souhaiter que bonne Saint-Jean et bon quatre-centième à Québec, tels que concoctés par les deux bons petits copains canadiens , Charest et Harper!