Claudiane Ruelland et Solly Lévy nous font découvrir l'histoire méconnue des Juifs de Québec, à Canal D. (Photo Canal D)
Richard Therrien - C'est fou ce que ce 400e nous aura rendu moins niaiseux en matière d'histoire. Il aura fallu cet anniversaire pour qu'on s'intéresse vraiment, avec un peu de bonne volonté, à nos origines et à ce qui a façonné le Québec d'aujourd'hui. Et surtout, qu'on aille plus loin que ces livres d'histoire qui en effaçaient de grands bouts.
Si à Montréal, Québec passe souvent pour une ville unidimensionnelle et québécoise pure laine, le documentaire Les Juifs de Québec: une histoire à raconter nous rappelle que la capitale doit beaucoup à cette communauté, à plus d'un titre. L'oeuvre aussi sympathique qu'instructive, réalisée par Shelley Tepperman, sera diffusée à Canal D le dimanche 6 juillet à 21h.
On y retrace une histoire méconnue à travers la rencontre d'une jeune fille de Québec, jouée par Claudiane Ruelland, et un vieux Juif sympathique tenant boutique sur Saint-Joseph, rôle tenu par Solly Lévy, lui-même Juif sépharade.
La première Juive à débarquer chez nous, Esther Brandeau, l'a fait en 1738. Mais d'autres se sont installés avant elle, changeant leur nom et taisant leurs origines, de peur d'être renvoyés chez eux. À Brandeau, qui est arrivée déguisée en garçon, on a fait manger du porc, souhaitant la convertir au catholicisme.
Cette médecine, les Juifs y goûteront des siècles durant, l'Église tolérant mal cette présence juive, mais aussi la classe parlementaire. Ezekiel Hart, de la célèbre dynastie, testera la tolérance ambiante jusqu'à proposer sa candidature comme député de Trois-Rivières, en 1807. Refusant de prêter serment sur la Bible, il devra y renoncer et sera expulsé trois fois plutôt qu'une de la Chambre, en raison de sa religion. Le Parlement résistera jusqu'à ce qu'une loi instaurée en 1832 accorde aux Juifs les mêmes droits civils et politiques.
Québec a donc connu sa période antisémite. L'histoire la plus invraisemblable concerne Maurice Pollack et ses célèbres magasins, où trônait fièrement l'étoile de David, dans les années 30. «Scandale!», a crié le clergé. De leur chair, 92 curés ont lancé un boycott aux magasins Pollack, sous peine d'excommunion!
Certains commerces ont même été placardés de la mention suivante: «L'argent que vous dépensez dans ce magasin servira au communisme pour combattre le christianisme. Unissons-nous et achetons chez les chrétiens seulement.» Cette folie a duré neuf mois.
Le sens des affaires juif n'est pas une légende. À l'instar des Hart et des Pollack, Marcel Adams fait figure de visionnaire en ouvrant d'abord la Canardière, et en louant les terres qui accueilleront plus tard les Galeries de la Capitale. Pensez-y lors de votre prochaine séance de magasinage.
Savoir que le quartier Saint-Roch a autrefois été «le» quartier juif de Québec nous donne une tout autre perspective. Et comme les pure laine, les Juifs de la haute et de la basse ville ne se parlaient pas, ne se mariaient pas et ne priaient même pas ensemble.
Québec a eu sa première synagogue en 1852, devenue le Périscope quand les Juifs ont déserté la ville. Les jeunes se sont instruits et ont choisi de partir en majorité. Les Juifs ne sont plus aujourd'hui que 150 à Québec, mais ont bâti une nouvelle synagogue, plus modeste, avec les mêmes bancs et le même autel qu'à l'époque.
Non, décidément, on ne connaît pas notre histoire...
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