L'excommunication

L'affaire Bourgeois-Le Québécois



Petit retour sur le conseil national du Parti québécois des 21 et 22 février derniers.
Le thème: le PQ et la «violence».
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Question de se dissocier de certains propos tenus par Patrick Bourgeois du journal indépendantiste Le Québécois contre la reconstitution de la bataille des Plaines d'Abraham par la Commission des champs de bataille nationaux, le PQ s'est voté une résolution disant qu'il «reste solidaire des organisations indépendantistes qui oeuvrent pacifiquement à la promotion du Québec». L'usage du mot «pacifiquement» laissant sous-entendre qu'il en existerait donc de moins pacifiques.
Lors de son point de presse, Pauline Marois a beaucoup insisté sur le fait que M. Bourgeois avait «incité» à la violence par certains propos: «moi, quand on veut inciter à la violence, je me dissocie. Quand les propos sont violents, je me dissocie». Parmi les dits propos, il y avait cette opinion de M. Bourgeois voulant que si la reconstitution n'était pas annulée, le résultat ressemblerait au fameux samedi de la matraque(*)?
Opinion? Incitation? C'est selon le point de vue.
Mme Marois a demandé à M. Bourgeois de «retirer» ses propos, de les «regretter» et de s'en «excuser». Sans quoi, les députés du PQ n'achèteraient plus de publicité dans son journal. Un genre d'excommunication plus ou moins temporaire, dépendant du degré d'expiation du pécheur. Le tout envoie un message bien particulier: le PQ se croit obligé de répondre de tous les propos tenus par quiconque milite pour la même cause, même à l'extérieur de ses rangs. S'il fallait que le PLC, le PC et le PLQ aient le même réflexe face à certains éléments fédéralistes plus extrêmes, il y a des époques, même récentes, où ils auraient enfilé leurs propres dissociations comme autant de perles d'un très long chapelet! Faut croire qu'on se sent moins coupable, ou moins contrôlant, de ce côté de la question nationale.
L'expiation
M. Bourgeois a accepté cette perte annuelle de 10 000$ et promis de soigner son langage à l'avenir. Par contre, le diktat ne passa pas très bien auprès de certains membres et députés, dont Marc Laviolette du SPQLibre (**). Identifié comme l'«aile radicale» du PQ, le SPQLibre commence peut-être à se demander s'il ne sera pas le prochain sur la liste des admonestés officiels, rejoignant un jour Jean-Claude St-André, cet ancien député et autre «radical» dont le PQ avait bloqué la candidature l'an dernier. Mais ça, c'est une autre histoire...
N'empêche que des péquistes ont dû se demander pourquoi une fois la reconstitution annulée, leur direction donnait ainsi l'impression qu'elle blâmait après coup les «provoqués» plus vertement que les «provocateurs», c'est-à-dire les organisateurs du 250e de la dite bataille? Ce faisant, un moment de réjouissance prenait des airs de vieux refrains chicaniers.
Certains ont vu dans l'approche de Mme Marois un bonne décision visant à écrémer le mouvement souverainiste d'éléments parfois plus gênants devant la visite. D'autres, considérant que la politique n'est pas toujours un salon de thé, y voient plutôt l'art de compter dans ses propres buts en accrochant ses propres coéquipiers au passage. Il est tout de même incongru de voir ce parti vouloir lancer un vaste «dialogue» avec toutes les forces nationaliste au même moment où il tape publiquement sur les doigts de quelques membres plus tapageurs de sa famille élargie.
Il n'est pas question ici de cautionner les propos de qui que ce soit. Force est seulement de constater deux éléments cruciaux dans ce dossier. Primo: si la classe politique, dont son parti, avait fait montre de leadership en exigeant plus tôt l'annulation de cette reconstitution, certains auraient sûrement eu moins de raison de hausser le ton.
Secundo: en se scandalisant de la sorte, cette même classe politique montre qu'elle a également mal mesuré la force avec laquelle l'opinion publique, de toutes tendances, a rejeté ce projet dès qu'elle en fut informée. Personnellement, je ne compte même plus les personnes immigrées récemment m'ayant dit que si quelqu'un dans leur pays avait tenté de venir leur jouer leur pire défaite sous le nez, ils auraient sorti les pancartes tout de suite. N'empêche que, pancartes ou non, c'est bel et bien la société civile qui aura eu raison de cette reconstitution mal avisée. Et non ses élus.
Dernière remarque: lors de son point de presse, la chef du PQ a utilisé le mot «violence» à plusieurs reprises, comme si cela constituait tout à coup un problème au point de nécessiter une résolution du PQ en bonne et due forme. Les mots ont pourtant un sens. De fait, on croyait presque entendre André Juneau, alors que le président de la Commission des champs de bataille nationaux usait du prétexte de menaces de «violence» pour justifier l'annulation de la reconstitution de la bataille de 1759.
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Cela étant dit, toute cette histoire ne sera plus qu'un bruit de fond dès que les citoyens se verront confirmer l'ampleur des pertes à la Caisse de dépôt et placement.
Et le mot «violence» s'appliquera là où il doit l'être. Soit pour décrire la nature du choc face aux pertes de la Caisse...
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(*) Samedi de la matraque: le 10 octobre 1964, des manifestations contre la visite de la Reine Elizabeth II à Québec furent durement réprimées par la police.
(**) Syndicalistes et progressistes pour une Québec libre: club politique de gauche, créé au sein du PQ sous la gouverne de Bernard Landry.
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