L'éthique arrive en ville

Éthique et politique



«Quoi, ce n'était pas déjà le cas?» C'est la réaction qui s'impose en lisant le rapport du Groupe de travail sur l'éthique dans le milieu municipal, rendu public hier. Les recommandations sont tellement évidentes, on s'étonne qu'elles ne soient pas déjà la règle.
Un code d'éthique ne prévient pas les fraudes ou le favoritisme dans l'attribution des contrats. Il y existe déjà des lois pour punir ce genre de comportements - à condition qu'ils soient découverts et que les enquêtes aboutissent, évidemment.

Un code d'éthique sert plutôt à mettre les choses au clair. Il interpelle l'élu. Lui rappelle qu'il n'est plus le seul juge de son comportement. Et que l'apparence de conflit d'intérêts est aussi inacceptable que le conflit lui-même. Avec ce qu'on a vu au cours des derniers mois, ce ne sera pas du luxe.
On n'a qu'à se rappeler les révélations de La Presse, en mars dernier. On avait alors appris que l'ex-président du comité exécutif de la Ville de Montréal, Frank Zampino, avait séjourné à bord du bateau de Tony Accurso, dont une entreprise participait au consortium qui allait remporter le juteux contrat des compteurs d'eau. Premières réactions des intéressés? M. Zampino et son successeur, Claude Dauphin, ont soutenu que l'affaire était du domaine privé!
Le maire Tremblay a indiqué que «personnellement», il aurait agi autrement. Bravo, mais pourquoi cette distinction? Cette histoire montre au contraire que ce genre de décision ne peut pas être laissé au bon jugement de chacun. M. Zampino a fini par reconnaître qu'il avait commis une erreur, mais le mal était fait. Le cynisme des électeurs venait encore de monter d'un cran.
À l'heure actuelle, seules une cinquantaine de municipalités québécoises (à peine 10%) ont un code d'éthique. Et aucune n'a de mécanismes formels pour le mettre en oeuvre, a souligné le président du groupe de travail, Florent Gagné. Pire encore: aucun de ces codes ne prévoit de période durant laquelle un élu ou fonctionnaire municipal n'a pas le droit d'accepter un poste le plaçant en conflit d'intérêts avec ses anciennes fonctions. Au gouvernement provincial, c'est déjà la norme, et une grande ville comme Montréal ne peut pas faire l'économie d'une telle précaution.
Le rapport Gagné n'indique pas seulement ce que devrait contenir un code d'éthique municipal et comment il devrait être appliqué. Il dit aussi que les contractants devraient être obligés de le respecter, sous peine de se voir interdits de soumission pour deux ans, comme c'est déjà le cas à Québec. Un garde-fou indispensable.
L'éthique occupera une place de choix dans les discours des politiciens municipaux cet automne. Il faudra toutefois s'assurer que cette préoccupation ne tombe pas aux oubliettes au lendemain des élections. Le ministre des Affaires municipales a créé un «comité de mise en oeuvre» pour faire avancer le dossier. Mais s'il veut pouvoir adopter des éléments législatifs dès l'an prochain, il a intérêt à suivre le projet de près.
Les élus municipaux gèrent des budgets considérables, souvent sans opposition officielle. Il est urgent qu'ils se dotent de cadres éthiques dignes de ce nom.
akrol@lapresse.ca


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