L’esprit tordu de John James

Et pendant que son factotum Fournier le défendait encore, le piège se referma

Commission Charbonneau

Jean Charest doit se mordre les doigts jusqu’aux coudes, mon défunt père aurait dit se mordre le front avec les dents d’en haut. Il a dû en désespoir de cause doter la Commission Charbonneau des pouvoirs judiciaires prévus à la Loi. La première mouture de cette Commission copiait les commissions scientifiques présidées par Roger Nicolet dans les années 90; elles portaient sur le déluge du Saguenay et sur le verglas, deux événements naturels. Assimiler la corruption dénoncée partout, par tous, à un « Act of God » donne une bonne idée de l’esprit tordu de John James. Et le résultat de ses tergiversations vient de lui sauter au visage en lui faisant perdre la face comme on a rarement, sinon jamais vu un premier ministre la perdre. Reprenons les événements du début.
L’affaire commence par une série de reportages inquiétants dans les médias, des allégations concernant un ministre qui a dû démissionner et qui fait maintenant face à des accusations criminelles, à un reportage dans MacLean déclarant le Québec la province la plus corrompue, bref à un ensemble de révélations illustrant des pratiques généralisées impliquant le monde politique, du génie conseil et de la construction. Pour solutionner ce problème, son ampleur, sa nature et ses ramifications pointaient très tôt vers une commission d’enquête. S’il avait été moins obtus, John James aurait alors pu la passer, sa commission bidon, avec les Jacques Dupuis et Jean- Marc Fournier comme propagandistes; il aurait même pu choisir un juge qu’il avait nommé à la magistrature ou un compère comme Michel Bastarache. Il y aurait eu du chialage, mais il aurait expliqué qu’on doit protéger les réputations, qu’il y a toujours des râleurs, et qu’il en ferait une vraie commission si ça devenait nécessaire, mais seulement dans la semaine des trois jeudis. Cela aurait probablement passé. Mais c’était trop simple, et il ne voulait même pas de ça.
Il nomme donc son groupe d’enquêteurs à l’américaine avec comme patron un policier politicien, Jacques Duchesneau. Il espérait sans doute une certaine solidarité entre politiciens, d’autant plus qu’il y avait des rumeurs entretenues par on ne sait trop qui contre Duchesneau (il en est toujours sorti blanchi, mais Charest croyait sans doute qu’il comprendrait que tous deux sont dans le même bateau). Ensuite, fidèle à sa tradition, le PQ s’est déchiré à qui mieux mieux sur la place publique, berçant ainsi notre cher PM de la douce illusion qu’il était enfin libéré de cette triste histoire et qu’on passait enfin à autre chose. Il a été brutalement ramené à la réalité lors de la publication du rapport Duchesneau.
Non seulement le rapport est-il accablant, mais son auteur a profité de toutes les tribunes pour passer son message. Et Charest de refuser avec la dernière énergie de constituer une commission. Hantés par le fantôme de Gomery, les libéraux avaient compris et supporté leur chef jusque-là. Mais les derniers sondages leur ont révélé que les résultats électoraux sans commission sont identiques à ceux qui résulteraient de la commission : ils disparaissent de la carte électorale comme leurs cousins fédéraux après Gomery. Dans ces conditions, autant tenir une commission.
C’est alors que Charest a l’idée d’une commission bidon. Il croyait en donner juste assez pour pouvoir passer à autre chose pendant un an ou deux. Le bidon était gros au point qu’aucun juriste digne de ce nom n’a accepté de se prêter au jeu et de présider ça. Il a donc dû se résigner à demander au juge en chef de désigner le président. C’est ainsi que Mme Charbonneau a hérité de ce bébé bleu (ou rouge, comme vous voulez). Elle est une juriste compétente et respectée, elle n’avait pas le choix et avec le mandat initial, il ne pouvait sortir rien de mauvais de cette commission pour Jean Charest.
Mais ni le bon peuple ni les juristes ne l’entendaient de cette oreille. Même les libéraux, déguisés en péquistes, Halloween oblige, allaient l’embêter à leur congrès. Il a donc cédé, et accepté une vraie commission, présidée par une vraie juge.
Il a l’air fin, notre Charest. S’il avait donné ce mandat à sa commission au début de la semaine, il aurait pu au moins nommer un commissaire en chef à son goût. Il est maintenant pris avec France Charbonneau, qu’il ne pourra pas changer et qui ne lui doit rien, sinon une tentative de l’embêter pour se sortir du pétrin. Comme échec sur toute la ligne, c’est réussi.
Je ne croirai jamais Charest assez sot pour s’être fait mettre au parfum des pratiques douteuses des collecteurs de fonds et autres patroneux de son parti. Mais il est assez malin pour savoir que ce qui s’y passe n’est pas très propre, et que certaines révélations vont faire mal. Toutefois, il n’a vraiment que lui-même à blâmer pour ce gâchis. Il a perdu la face comme un débutant dans un dossier brûlant qu’il a géré à la petite semaine. Bien pire, ses manœuvres se terminent comme un piège qu’il se serait tendu à lui-même depuis le début. Et pendant que son factotum Fournier le défendait encore, le piège se referma.


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11 commentaires

  • Jean-François-le-Québécois Répondre

    27 octobre 2011

    Enfin, on sent proche la fin de la carrière politique de ce salaud.
    À moins qu'il ne décide de retourner au fédéral, chez les «Cons-servateurs».

  • Archives de Vigile Répondre

    24 octobre 2011

    Je vais vous avouez que j’ai une vague impression de revivre la même ambiance de fin de règne que sous le régime Bourassa à une autre époque. L’attitude frondeuse de la masse, l’ambiance subversive de certains groupes, nous donnaient l’impression que les lames de la guillotine s’affutaient dans les chaumières. Ce sont ces moments qui rendent le pouvoir très dangereux. Les élites peuvent, en effet, faire n’importe quoi à l’encontre des intérêts du peuple par dépit ou par vengeance. Vous n’avez qu’à observer la façon dont Kadhafi s’est comporté jusqu’à la fin pour le comprendre. C’est une réaction normale d’individus qui savent leur pouvoir en danger. Le pouvoir, c’est une drogue puissante. Parlez-en à Gilles Duceppe, lui qui traite encore une profonde dépression suite à sa défaite du 2 mai. Une manière de soulager sa souffrance, c’est de faire souffrir son peuple.
    Il a déclaré que son job n’est pas fini. Je dois admettre que, dans ce contexte, cette parole ne me rassure pas du tout. Je crois qu’à partir de maintenant, nous devons passer à l’action pour faire tomber son gouvernement le plus rapidement possible avant que le fédéral ne finisse de nous mettre en faillite. L’histoire des chantiers navals ainsi que celle du pont Champlain sont de belles illustrations qu’il n’y a plus personne à la barre pour dénoncer ce scandale. J’y reviendrai plus tard !
    En plus de surveiller le PLQ, il serait approprié aussi d’ouvrir un autre front contre les médias de masse de l’Oligarchie qui a permis à Legault et son marionnettiste de se hisser au sommet des intentions de vote au Québec. Voilà de la manipulation d’opinion dans toute sa splendeur.
    Il faut agir ! Le 29 octobre marchons pour l’Indépendance !

  • Archives de Vigile Répondre

    24 octobre 2011

    Existe-t-il des juges favorables à la souveraineté du Québec??????? Il fallait voir le bâtonnier hier lors de sa dernière déclaration. Il avait l'air d'un petit garçon pris en défaut par son papa.
    Tous des termites... qui dévorent et dévorent...
    Que deviendra cette commission ???? J'ai bien peu d'espoir.

  • Archives de Vigile Répondre

    24 octobre 2011

    Message à Louis Champagne
    [1] Qu'est ce que cela peut bien vous faire que je numérote mes paragraphes? Tous les juristes le font et c'est une technique qui permet mieux de préciser nos idées. Vous n'allez pas pousser l'imbécillité jusque là, j'espère.
    [2] Nulle part vous n'allez trouver dans mes écrits quelque indication que je suis un partisan de François Legault. Je suis indépendantiste, monsieur Champagne. Indépendantiste, patriote et pour le pouvoir citoyen. Je ne fais pas de politique partisane et je n'ai aucune ambition politique partisane, directe ou indirecte. Est-ce clair? Tout ce que je veux, c'est l'indépendance de ma patrie. La petite politique provinciale de merde avec sa cohorte de petits politiciens professionnels provinciaux ne m'intéresse pas.
    [3] Vous, comme plusieurs maroitistes sur ce forum, êtes pour la plupart des gens qui n'avez jamais mis les pieds au Parti Québécois, dont vous ne connaissez ni l'histoire, ni les divers programmes, ni les statuts.
    [4] Vous ne voulez pas que je parle du congrès de 2005 parce que vous avez peur d'aborder de front la cause de la division actuelle du mouvement souverainiste, c'est-à-dire la mise aux poubelles du "projet de pays" et son remplacement par la doctrine de la gouvernance provinciale déguisée en gouvernance souverainiste. Pour nous, c'est de la trahison et jamais on va se rallier à cette fourberie et cette fumisterie.
    [5] Promenez-vous dans la population et demandez aux gens autour de vous ce qu'ils pensent de Pauline Marois et vous allez avoir votre réponse. On n'a pas besoin des sondages pour le savoir.
    [6] Vous avez la foi des croyants et des catholiques, monsieur Champagne. Tant mieux pour vous et bonne chance.
    [7] Par contre, si le refus obstiné de Pauline Marois de prendre acte de ce qui se passe conduit le PQ à sa disparation, j'espère que vous aurez l'honnêteté intellectuelle d'admettre vos torts.
    [8] Mais je gage ma chemise que vous allez refuser, comme votre ami B-G, de le faire en collant sur le dos des indépendantistes la responsabilité de cet échec. Cela a déjà commencé d'ailleurs. C'est cela qui est le plus troublant et le plus décevant dans la nature humaine.
    [9] On peut toujours se prémunir contre la violence mais contre le bêtise on est toujours désarmé.
    Pierre Cloutier

  • Archives de Vigile Répondre

    23 octobre 2011

    Pas d'accord avec vous. La juge Charbonneau avait tout à fait le droit de refuser le mandat. D'ailleurs, d'autres juges ont dit qu'ils auraient refusé le mandat. De plus, elle avait l'obligation de se conformer aux directives du Conseil de la magistrature à cet effet, i.e. qu'elle aurait dû s'assurer qu'elle avait les pouvoirs nécessaires pour mener à bien son mandat. Or, elle semble avoir omis de se conformer à cette obligation de sa part, ce qu'elle a peut-être fait ensuite, bien tardivement devant le tollé soulevé dans le milieu juridique, choqué à juste titre par le simulacre de commission d'enquête qu'elle avait accepté, et qui risquait de lui faire perdre sa crédibilité.
    Ainsi, elle a peut-être - et ceci n'est qu'une hypothèse - réalisé son erreur, et fait pression auprès du PM pour qu'il lui donne les pleins pouvoirs, sans quoi elle lui aurait remis sa démission. Ceci aurait été une déconfiture totale pour le PM. Il avait le choix: perdre la face complètement, ou accorder à la juge les pouvoirs qu'elle demandait, ce qui constituait pour lui un recul, mais lui permettait de conserver un semblant de contrôle.

  • Louis Champagne Répondre

    23 octobre 2011

    Cher Maître Cloutier,
    Je vais vous avouer quelque chose. Je m’amuse à prévoir vos commentaires, qu’ils soient numérotés ou non. La pensée Maman Fonfon (copier-coller) a l’avantage de la rapidité, mais l’inconvénient de la prévisibilité. J’avais donc prévu le début de votre commentaire, à peu près identique à celui que vous m’avez fait pour mon dernier texte sur Pierre Curzi, en remplaçant le nom de Curzi par celui de Charest. De même la tirade anti-Marois, une véritable obsession. Mais je dois vous avouer ma surprise quand vous nous faites part de vos sentiments sur François Legault. Ici-même, sur Vigile, vous m’avez écrit il n’y a pas si longtemps que vous pouviez vivre avec Legault pendant quatre ans. Très cher Maître, vous progressez, et dans le bon sens. De même, je ne vois plus de référence au programme 2005. Bravo, encore un petit effort, et nous y serons. Je ne prétends pas vous transformer en président du fan club de Mme Marois, pas plus qu’en admirateur, quand même, mais vous finirez bien par comprendre qu’il n’y a pas grand choix en dehors du PQ, ce mal nécessaire, avec tous ses défauts.
    Je sais que vous ne vous appuyez que sur les sondages pour décréter le PQ et le parti libéral finis. Les Ontariens sont les derniers à nous donner des leçons à propos des sondages, cette nouvelle astrologie. Il y a six mois à peine, les Libéraux ontariens étaient donnés pour morts, ils finissaient en queue du peloton des sondages, les Conservateurs bons premiers. Les Libéraux ont fini premiers, les Conservateurs …. derniers. Vous pouvez continuer à les invoquer comme les Gaulois leurs druides, ça ne m’impressionne pas beaucoup. Et tout le monde sait que le 2 avril, un mois avant les dernières élections fédérales, aucun sondage, même le plus scientifique, ne donnait plus de cinq sièges aux néo-démocrates au Québec. Je vais arrêter ici, je ne veux pas vous mettre en rogne, Dieu sait où vous conduirait votre colère. Continuez à progresser en grâce et en sagesse, vous ne vous en porterez que mieux, et nous aussi.
    Réfléchissez sur le concept de volatilité de l'électorat. Le Parti québécois et sa chef doivent tenir bon pour être prêts à cueillir les fruits de leur persévérance quand le vent aura changé de direction. Maintenir le bateau à flot dans la tempête aura été une prouesse que les citoyens auront l'occasion d'admirer.
    Louis Champagne

  • Archives de Vigile Répondre

    23 octobre 2011

    Démission de Jean Charest
    24 janvier 1990 – Le ministre des Sports Jean Charest démissionne du Cabinet fédéral lorsqu’on révèle qu’il a tenté de parler à un juge qui s’apprêtait à juger une affaire liée aux sports. Jean Charest est le dixième ministre du gouvernement de Brian Mulroney à démissionné.
    Ma question:
    Est-ce que John James Charest communique personnellement comme au bon vieux temps avec la juge Charbonneau intervenant ainsi dans le processus judiciaire?

  • Archives de Vigile Répondre

    23 octobre 2011

    La juge France Charbonneau JCS est comme tous ses acolytes issus d'une nomination partisane. Elle accéda à la magistrature sous l'administration de Paul Martin alors que la VG Sheila Fraser déposait un rapport de vérification qui allait entraîner la mise en branle de la commission Gomery. Devant le juge Gomery, Benoît Corbeil est venu nous raconter comment fonctionnaient les nominations de juges sous l'administration libérale. En outre, dans un dossier où l'ordre des Ingénieurs est mis-en-cause, la juge Charbonneau nous a démontré, hors de tout doute raisonnable, n'avoir aucun respect envers l'institution de la justice qu'elle a pourtant fait le serment de servir avec honneur et intégrité.
    http://bit.ly/bDsxFE

  • Archives de Vigile Répondre

    23 octobre 2011

    Encore une fois, je pense tout à fait comme vous, monsieur Cloutier.
    L'avenir du PQ (et indirectement le nôtre) est dans les mains de Mme marois. Qu'elle démissionne au plus vite!

  • Archives de Vigile Répondre

    23 octobre 2011

    Le problème c’est Legault. (M. Pierre Cloutier)
    Je rajouterais que Legault c’est aussi Sirois.
    Pour connaître Legault et ses intentions, il faut aussi connaître Sirois. Il y a toujours la lumière et l’ombre.
    Les québécois qui veulent du changement vont encore une fois se faire éclairer par l’ombre au lieu de la lumière. Les vieilles pensées économiques et autres qui les animent ne conduiront pas les québécois aux changements profonds qu’ils désirent voir se produire, ici comme dans le reste du monde.
    Et, en plus, les médias québécois ont déjà démontré leur soutien à cet homme et à son parti à naître bientôt. Ces mêmes médias qui à une époque récente nous avaient enfoncer dans la gorge un Mario Dumont et son parti. Ces journaux nous démontrent que nos oligarques sont depuis plusieurs mois en campagne électorale.

  • Archives de Vigile Répondre

    23 octobre 2011

    On s'en fout de Charest. Il est brûlé dans l'opinion publique. Cela ne donne rien de répéter ad nauseam que c'est un gros méchant. On le sait.
    Le problème c'est Legault. C'est encore la droite affairiste qui va se retrouver au pouvoir.
    Le PLQ et le PQ vont se faire laver et QS risque d'être le parti de l'opposition.
    Si Marois tirait sa révérence et qu'un vrai leader indépendantiste prenait la tête d'une Coalition indépendantiste/souverainiste, il y aurait peut être un espoir.
    Mais Marois va préférer saborder le PQ plutôt que de démissionner. C'est comme cela.
    Pierre Cloutier