Collusion

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Commission Charbonneau



Dans un document interne du Conseil du trésor rendu public par Le Devoir en 2004, on pouvait lire: «L’État québécois doit apprendre à faire confiance et à déléguer. [...] N’écoutez pas ceux qui vous disent qu’on taille dans la pierre sacrée, et jugez-nous à la fin sur la qualité de la sculpture». Le temps est venu de juger...
Le plan d’«Actions concertées pour renforcer la lutte contre la corruption et la collusion» annoncé 24 heures avant le congrès du PLQ, admet candidement que l’embauche de 1000 nouveaux fonctionnaires au seul ministère des Transports permettra «d’économiser 34 millions par année»! Pourquoi avoir mis tant d’énergie à démolir ce qui coûtait moins cher?
En point de presse, jeudi dernier, la présidente du Conseil du trésor, Michelle Courchesne, a tenté d’expliquer la diminution désastreuse de l’expertise observée au ministère des Transports par l’existence de fortes pressions pour réduire les dépenses de l’État, et ce, même du temps du gouvernement péquiste.
Elle n’a pas tort: tous les gouvernements en Occident ont emprunté des avenues semblables depuis une vingtaine d’années. Mais la présidente du Conseil du trésor doit aussi admettre que le gouvernement Charest a voulu aller plus loin que le PQ, convaincu qu’il était que la délégation de pouvoir au secteur privé allait faire économiser des milliards sans influer sur la qualité des services.
Certains diront que personne n’avait prévu les effets les plus pervers de cette réingénierie, soit la perte d’expertise, la collusion et la corruption. Faux, puisque déjà, du temps du maire Pierre Bourque (1995), ces risques avaient été exposés par les opposants à la privatisation de l’eau à Montréal, les exemples de France et d’Angleterre à l’appui. Et fait à noter au passage, ce sont les mêmes firmes de génie-conseil que l’on retrouve aujourd’hui au cœur des problèmes qui ébranlent toute l’industrie des infrastructures.
Il a cependant fallu attendre le scandale des compteurs d’eau sous l’administration Tremblay-Zampino, vingt ans plus tard, et l’effondrement des viaducs de la Concorde et du Souvenir pour se rendre compte qu’avec la collaboration des élus municipaux et provinciaux et l’appui d’une presse complaisante, le privé était parvenu à mettre la main sur d’importants volets de la mission de l’État, vidant du même coup la fonction publique de son expertise professionnelle en génie d’abord, mais aussi en informatique, en droit et en communications.
Et comme si cela n’était pas suffisant, au lieu de se satisfaire de la croissance phénoménale de leur chiffre d’affaires, plusieurs de ces firmes privées proches des partis au pouvoir ont profité de leur nouveau statut privilégié pour créer des cartels illégaux dont on commence à comprendre le fonctionnement.
L’annonce, jeudi dernier, de l’embauche de 1000 professionnels supplémentaires d’ici cinq ans pour préparer et surveiller les travaux d’infrastructures constitue l’admission d’une faute sans contrition. Et si les tergiversations récentes du premier ministre ont au moins eu l’avantage de précipiter la mise en place de mesures de contrôle et de lutte contre la corruption avant même le début des travaux de la commission Charbonneau, il appartient maintenant à celle-ci de dresser le portrait exhaustif de la situation, de ses causes et de ses responsables pour que le Québec exorcise le mal qui ébranle la confiance des citoyens.
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j-rsansfacon@ledevoir.ca


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