L'autonomisme de l'ADQ : plus de sens que prévu

ADQ - De l'identité à l'autonomisme - La souveraineté confuse

Les adversaires de l'ADQ n'ont pas hésité à présenter sa position autonomiste sur le dossier constitutionnel canadien comme étant vide de sens. André Boisclair s'en est moqué lors du débat des chefs en affirmant que "si ça existait, on l'aurait". Une lecture des résultats électoraux suggère que pour plusieurs électeurs l'autonomisme a plus de sens que les adversaires de l'ADQ lui en ont accordé.
Les électeurs types qui ont voté pour l'ADQ le 26 mars sont avant tout francophones, nationalistes et ne ils vivent pas sur l'île de Montréal. Si plusieurs d'entre eux sont favorables à plus de libéralisme économique, cela n'a pas été leur première motivation pour appuyer l'ADQ. Aux élections précédentes, ils votaient pour le Parti libéral du Québec s'ils rejetaient la souveraineté ou pour le Parti québécois s'ils ne la rejetaient pas.
Le pouvoir montréalais
Dans un cas comme dans l'autre, ils étaient inquiets du pouvoir des Montréalais sur leur parti, comme sur l'ensemble du Québec. Les fusions municipales, comme les défusions, ont été perçues par ces électeurs comme des solutions montréalaises appliquées sur l'ensemble du territoire, ce qui n'a pas manqué d'attiser leur inquiétude. Et cette inquiétude a donné plusieurs de sièges à l'ADQ le 26 mars. Elle permet aussi de comprendre le sens de la position autonomiste de cette formation politique.
Une identité nationale se construit dans le cadre d'un rapport avec l'autre et souvent en fonction de la menace que représente l'autre. Pour les indépendantistes, qui votent pour le Parti québécois depuis 1970, l'autre est l'anglophone nord-américain qui menace la culture francophone du Québec. Pour protéger cette culture, disent ces indépendantistes, les Québécois doivent avoir leur propre pays. Leur statut minoritaire au sein du Canada ne suffit pas. Pour les nationalistes qui ont appuyé l'ADQ, l'autre est le Montréalais cosmopolite. Plus que l'anglophone hors Québec, ce Montréalais constitue la véritable menace pour l'identité québécoise.
Trop tolérants
Cela a été évident lors de la controverse entourant les accommodements raisonnables. Ce sont surtout des citoyens de l'extérieur de Montréal qui se sont offusqués de la trop grande tolérance du Montréalais cosmopolite à l'endroit des minorités. Pour ces Québécois de l'extérieur de Montréal, la menace à la culture francophone de la province ne provient pas de Toronto ou de la Chambre des communes majoritairement anglophone. La menace provient plutôt des Montréalais trop tolérants.
D'ailleurs, les électeurs qui ont appuyé l'ADQ lors de la dernière élection pourraient très bien voir une coloration montréalaise à la querelle entre fédéralistes et souverainistes. Il suffit de regarder la carte des résultats électoraux sur l'île, élection sur élection : l'ouest est rouge et l'est plutôt bleu. Les péquistes de l'est craignent que les anglophones de l'ouest modifient le paysage linguistique de la ville, et les fédéralistes de l'ouest méprisent l'étroitesse des craintes provenant de l'est et les politiques qu'elles inspirent.
Pour les électeurs adéquistes qui ne vivent pas sur l'île de Montréal, la menace au paysage linguistique apparaît lointaine, au mieux, et archaïque au pire. Du point de vue de ces électeurs, la force politique des anglophones de Montréal faiblit alors que les communautés issues de l'immigration imposent de plus en plus leur volonté. Les nationalistes de l'extérieur de Montréal n'arrivent pas à comprendre l'aveuglement, voire la tolérance, des nationalistes montréalais face à cette nouvelle menace. Pas surprenant que les partisans de l'ADQ aient dépeint l'opposition entre fédéralistes et souverainistes comme une "vieille" querelle.
La voie de sortie
Pour ces partisans, l'autonomisme offre une voie de sortie de cette querelle trop montréalaise. En prenant le parti du fédéralisme, l'autonomisme rassure les électeurs qui ne voient plus les anglophones comme une menace pour l'identité francophone du Québec. En réclamant la fin des interventions fédérales dans les domaines de compétences des provinces et une limite au pouvoir de dépenser du gouvernement central, l'ADQ réconforte aussi les électeurs soucieux des responsabilités particulières du gouvernement provincial en matière de protection de l'identité québécoise.
Pour les nationalistes adéquistes, le Canada a été inventé pour permettre la cohabitation pacifique de deux peuples, un anglophone et l'autre francophone. Ce dernier peuple vit principalement au Québec et puisqu'il est représenté par le gouvernement de cette province, celui-ci doit être jaloux de son autonomie. C'est d'ailleurs parce que le Québec y a un statut de province comme les autres que l'ADQ propose l'abolition du Conseil de la fédération, créé à l'instigation d'un PLQ dirigé par un chef dont le nationalisme soulève des doutes. Puisque l'ADQ est un parti non montréalais, ses partisans sont susceptibles de croire que l'autonomie regagnée par un gouvernement adéquiste pourra être utilisée pour contrer la vraie menace que représente le Montréal cosmopolite.
Éric Montpetit, professeur agrégé*, département de science politique, Université de Montréal - auteur du livre Le Fédéralisme d'ouverture : La Recherche d'une légitimité canadienne au Québec paru récemment chez Septentrion.

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Éric Montpetit2 articles

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Professeur agrégé*, département de science politique, Université de Montréal - auteur du livre {Le Fédéralisme d'ouverture : La Recherche d'une légitimité canadienne au Québec} paru récemment chez Septentrion.





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