L’ADQ et les néocaciques au Québec

Le caciquisme, réseau de pouvoir et de clientèles locales dont dispose un « homme fort », le cacique, spécifique à l’Amérique latine, à l’Espagne… et au Québec, depuis la grande noirceur

Tribune libre 2008


" M. Taillon avait formellement nié avoir tenu de tels propos mercredi, en
entrevue à Radio-Canada. Il avait dit avoir ‘été le premier en caucus de
l'ADQ à plaider qu'il ne fallait pas que la famille soit dans la business’
".
Le caciquisme, réseau de pouvoir et de clientèles locales dont dispose un
« homme fort », le cacique, spécifique à l’Amérique latine, à l’Espagne… et
au Québec, depuis la grande noirceur.
Le mot casik est entendu pour la première fois par Christophe Colomb de la
bouche des mythiques Taïnos, en décembre 1492. « Cacique » désigne d’abord
le chef indien qui accepte de servir de relais à la couronne espagnole dans
la domination des sociétés indigènes survivantes ou reconstituées. Aux XIXe
et XXe siècles, à l’intérieur des nouveaux États indépendants
latino-américains, le terme se métamorphose pour être attribué aux
potentats locaux, les criollos, qui bénéficient d’une influence régionale
considérable.
À la base du caciquisme se trouvent donc le pouvoir local et régional, et
l’« homme fort » qui en détient les rênes. Celui-ci incarne la puissance
socio-économique de l’hacienda et des propriétaires terriens. Il doit se
faire craindre et obéir par ses subordonnés ; cependant, il peut assumer le
rôle du protecteur généreux et être apprécié, voire aimé de ses sujets. Le
cacique est parfois un homme instruit et cultivé, mais il peut aussi être
un propriétaire rustaud, chef de bande, à peine alphabétisé, proche des
Indiens de son hacienda qu’il appelle « mes enfants ». Sous l’influence «
tellurique » de la petite patrie commune, il peut lui-même « s’indianiser
».
***
Sur le plan politique, le caciquisme est bien la contrepartie de la
faiblesse représentative des États indépendants, longtemps restés des
bureaucraties parasitaires, institutionnellement proches de l’Ancien
Régime, loin des projets démocratiques et modernisateurs des élites
républicaines. Les manifestations les plus dramatiques du caciquisme
apparaissent lors des crises internes (économiques, religieuses, etc.),
après des guerres civiles ou à la suite de défaites militaires, comme celle
du Mexique après sa débâcle de 1848 face aux États-Unis, ou celle du Pérou
et de la Bolivie, après leur défaite militaire, en 1883, face au Chili.
Manifestations qui se traduisent par la déconcentration (involontaire) du
pouvoir politique de l’État, par l’hégémonie des régions, voire par le
danger de désintégration territoriale, avant d’assister à un mouvement
réactif de refondation de la République ou de « restauration nationale ».
Habituellement partisan du fédéralisme, tantôt libéral, tantôt
conservateur -- comme au Québec par rapport au pouvoir fédéral -- le cacique
devient souvent un représentant parlementaire, siégeant dans les « congrès
régionaux » ou dans les assemblées nationales. Mais il peut aussi devenir
caudillo, militaire -— ou soutien des caudillos -— et se hisser
occasionnellement à la tête de l’État. L’insurrection militaire du
caudillo, étroitement associé aux caciques de sa région, devient une forme
spécifique du rapport de forces et de la négociation avec la « capitale »
ou avec l’« État central », dans une société peu habituée à la démocratie,
à l’alternance politique, ou vivant dans la crainte de conquérir sa pleine
liberté politique.
L’action du caudillo, même lorsqu’elle vise la magistrature suprême du
pays, a toujours comme but la recherche de nouvelles clientèles pour
élargir son assise régionale et celle des potentats qui l’ont soutenu ;
ceci parce que le caciquisme traduit aussi la sociabilité rurale du
clientélisme, c’est-à-dire le maintien de réseaux de fidélité et de
dépendance dans les campagnes, grâce aux liens personnels entretenus par le
cacique avec ses sujets. Ainsi, la force militaire du caudillo ou du
député-cacique et la loyauté des clientèles sont deux des leviers du
caciquisme.
Le caciquisme contemporain en quelques mots :
Il y a une vaste littérature académique concernant le caciquisme dans
l’Espagne de la Restauration (1875-1923), très souvent considéré comme un
phénomène clé pour le comportement électoral des Espagnols, d’autres
peuples à la dérive, tel le peuple Québécois-français, et l’évolution du
système politique español, comme celui du Québec lors de l’époque
libérale/conservateur pro-fédéral-centraliste. L’on y explique et démontre
le phénomène du caciquisme par l’analyse et la critique politique
contemporaine, ainsi que par différentes interprétations des premières
historiographies en la matière. L’objectif de cette littérature consiste à
réviser les principales tendances historiographiques dans l’étude du
caciquisme — appelées «nouvelle histoire politique», «histoire agraire
sociale» ou «histoire mafio-partisan» —, particulièrement en ce qui a trait
à des conceptions opposées sur le caciquisme en tant que type spécifique de
clientélisme et aux descriptions des élites politiques et des liaisons
entre pouvoirs politiques et économiques. Ces tendances partagent toutefois
un langage commun et des conclusions qui permettent de les comparer à des
phénomènes similaires retrouvés dans plusieurs autres pays.
Vive le Québec libre de caciques, de trileros de la politique, de traîtres
et de pilleurs des ressources fiscales et naturelles
Jean-Louis Pérez


***
Pour plus d’information concernant ces néocaciques de l’ADQ et leurs
complices, voir : http://www.vigile.net/Le-plan-Harper-un-piege-pour
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --


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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    1 mai 2008

    L'ADQ représentait un vide politique au Québec. Celle-ci l'a comblé. Mais l'ADQ elle-même semble être une coquille vide, sans direction, sans vision claire et sans moteur. Une journée c'est blanc et l'autre c'est noir. Une journée on se tient fièrement debout et le lendamain on ne dit rien. L'ADQ va se désintégrer aux prochaines élections. Mario Dumont aurait pu jouer un rôle positif de rassembleur. A bien regarder ce qui se passe, je ne serais pas surpris que Dumont perde une bonne partie de ses députés au dépens des autres partis aux prochaines élections. Dans le fond l'ADQ ressemble beaucoup à l'Union Nationale de Daniel Joghnson père juste avant qu'elle ne disparaisse.

  • Archives de Vigile Répondre

    12 avril 2008


    Sujet fascinant monsieur PÉREZ.
    Nous devons étudier cette
    question à fond afin d'en trouver des solutions permanentes.
    J'étais au courant du phénomène en Amérique latine mais
    pas dans la mesure et les détails que vous décrivez.

    Vous êtes sans doute au courant de situations analogues en
    Europe et en Russie. J'ai été informé par des intellectuels
    russes de la manière dont l'Église orthodoxe s'était fait
    soudoyer par les Tatares Mongols et a servi de courroie de
    transmission au pouvoir de Khan pendant toute la durée de
    cette domination.
    Ayant comme géographe spécialisé étudié l'histore ancienne
    et récente des Ligues Hanséatiques, j'ai appris que l'Église
    catholique avait été soudoyée par les Ligues. Plus tard,
    avec la réforme protestante en Allemagne, les nouveaux
    pasteurs n'ont pas perdu de temps pour se laisser acheter
    à leur tour. Leur colloboration avec le pouvoir se
    traduisant par une prédication orientée, non vers Dieu et le
    Christ mais vers une casuistique simpliste et réductive
    du bien et du mal. Au Québec, une casuistique similaire
    a fini par provoquer un rejet massif de la pratique
    religieuse.
    Depuis les débuts de l'occupation anglaise,
    les autorités britanniques ont exploité le haut clergé
    pour se maintenir au pouvoir sans difficulté. De cette
    manière, les Anglais ont créé une caste de collabos
    demi-instruits et dépourvus de sens critique, des
    demi civilisés, comme les appelés Jean Charles Harvey dans
    un roman qui fit scandale au cours des années trente. Ces
    gens ont pris l'habitude de s'adresser au peuple en termes
    superficiels, chargés de clichés commodes qui suspendent le
    jugement critique, comme s'ils avaient affaire à des
    imbéciles. Cette philosophie des phrases toutes faites,
    du prêt à porter intellectuel, je l'ai bien connue
    dans l'armée.
    Il existe une solution que j'ai commencé à investiger: Le
    système des préfectures comme au Japon. Le préfet est un
    haut fonctionnaire de l'État envoyé sur place pour satisfaire
    aux exigences d'une politique à la fois générale et décentra-
    lisée, ce qui n'est pas facile vous en conviendrez.Lui et
    ses fonctionnaires, civils et militaires, doivent avoir une
    formation poussée en géopolitique et stratégie d'État, de
    même qu'en administration bien entendu, afin d'une part
    de s'occuper de sa préfecture avec compétence et intégrité,
    de l'autre de communiquer avec le gouvernement central afin
    d'apporter à la politique les changements et modifications
    qui s'imposent. On ne peut réussir un tel système qu'avec des
    gens dont la formation et l'instruction sont poussées au
    delà de la dernière limite. Il leur faut leurs classiques.
    On ne gouverne pas un État avec des technocrates.
    La Suisse dispose également d'un système de gouvernement
    assez analogue à celui du Japon, système qui sort le bureau-
    crate de ses retranchements et exige beaucoup de travail et
    d'études.
    Dans tous les cas, il s'agit pour l'employé de l'État
    responsable de travailler sur place dans une préfecture
    de discerner entre l'universel et le singulier, l'essentiel
    et l'accessoire, le contingent et le nécessaire, le
    permanent et le transitoire, la fin et les moyens, le statut
    de facto et le statut de jure. C'est une énorme responsabilité
    et il faut l'introduire pour le bien général.
    Salutations
    René Marcel Sauvé