Justice en français pour tous!

Chronique de Louis Lapointe

J’ai lu cette lettre de Me Allali à la juge Kear-Jodoin, trouvant moi aussi inconcevable que le juge en chef de la Cour supérieure ait pu porter plainte au syndic du Barreau contre un avocat parce qu’il avait demandé qu’un jugement soit traduit en français.

Dans cette lettre, Me Allali se plaint non seulement du fait qu’un jugement soit rendu en anglais dans une cause où toutes les parties sont francophones, mais aussi de la lenteur de la juge Kear-Jodoin à rendre jugement en prenant à témoin le juge en chef François Rolland.

Il semonce la juge pour sa mauvaise attitude dans le dossier.

Imaginez, vous êtes juge en chef et un de vos juges se fait sermonner par un avocat qui est lui-même passé deux fois en comité de discipline au cours des dernières années.

Le juge en chef ne l’a tout simplement pas pris et a décidé de porter plainte contre cet avocat qui ne faisait que rappeler à la juge et son juge en chef une vérité qui aurait sauté aux yeux de n’importe quel avocat ou juge consciencieux: après s'être traîné les pieds dans le dossier la juge a réussi à insulter toutes les parties en rendant jugement en anglais.

Une attitude irrespectueuse qui déconsidère la justice.

Si la juge Kear-Jodoin avait rendu jugement en français avec célérité, rien de tout cela ne serait arrivé.

De la même façon, Me Allali n’aurait probablement pas été l’objet d’une telle plainte de la part du juge en chef s’il avait respecté la hiérarchie en demandant simplement un jugement en français à la juge Kear-Jodoin en évitant de faire des commentaires, tout en portant plainte auprès du juge en chef au sujet de la mauvaise attitude de la juge Kear-Jodoin.

Mais voilà, Me Allali a plutôt choisi de se faire justice et placé le juge en chef dans une position intenable en s’arrogeant certaines de ses prérogatives administratives. Le genre de situation dans laquelle un avocat respectueux de la justice évite de placer un juge en chef.

La suite des événements le prouve bien.

Or, si le Barreau avait eu un processus disciplinaire plus transparent, le juge en chef et le syndic adjoint au dossier auraient pu expliquer la nature exacte de la plainte.

Dire la vérité, toute la vérité…c’est tellement plus simple, il me semble que des juges et des avocats devraient comprendre cela.

Lorsque la magistrature et le Barreau donnent à penser que toute vérité n’est pas bonne à dire, on ne doit pas s’étonner que les tribunaux perdent encore un peu plus de leur autorité.

En portant plainte au syndic du Barreau sans pouvoir s’expliquer publiquement en raison d’un processus disciplinaire occulte, la plainte du juge en chef a eu pour effet d’insulter tous les Québécois qui sont en droit de recevoir justice en français.

Featured bccab87671e1000c697715fdbec8a3c0

Louis Lapointe534 articles

  • 880 731

L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





Laissez un commentaire



2 commentaires

  • Chrystian Lauzon Répondre

    6 avril 2015

    Encore le cadre fédéraliste qui contamine tous nos services et institutions. Lorsque le système juridique lui-même sort le couperet d'assimilation, c'est que cette dernière est en mode accélée. Eh! histoire d'ajouter à la lenteur du judiciaire, pourquoi pas déposer une plainte en cour suprême, histoire de tester si la charte des droits canadian s'applique aussi en français, pour les français... du Québec? Qui mise sur quel côté la balance pencherait? On pèse pas lourd en valeur canadian : c'est ça l'insoutenable légèreté de notre Être national flottant.

  • Archives de Vigile Répondre

    6 avril 2015

    Non seulemement nous devons être bilingues, au Québec, sur le plancher d'une usine et ce dans le cas hypothétique d'être questionné par un client anglophone, maintenant nous devons être bilingues dans l'éventualité d'un jugement rendu par un juge anglophone.
    Il y a ici un sérieux manque de sérieux.
    En 1975 les contrôleurs aériens du Québec trainent leur syndicat (CATCA, Canadian air traffic controlor association) devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique du Canada, car leur syndicat refusait de signer la version française de leur convention collective.
    Plus ça change, plus c'est pareil.