Jeans et marketing pour l'équipe Charest

Le premier ministre promet de s'assurer lui-même que les ministères réduiront leurs dépenses

JJC - chronique d'une chute annoncée

Le premier ministre s’est présenté à son bureau sans cravate et en jean pour le Conseil des ministres spécial tenu hier à Québec.

Photo : Clément Allard - Le Devoir

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Québec — À l'issue du Conseil des ministres spécial tenu hier, Jean Charest a fait savoir qu'il avait averti les membres de son cabinet: c'est lui qui veillera «personnellement» à ce que chacun d'entre eux atteigne les objectifs du Plan de réduction des dépenses du gouvernement, présenté il y a un mois.
«J'ai l'intention de superviser la mise en oeuvre des mesures prises par chaque ministère», a déclaré le premier ministre, soutenant qu'il avait établi un «contrat» avec les Québécois de faire 62 % du chemin vers le retour à l'équilibre budgétaire. Dans un effort de relations publiques manifeste visant à reprendre le contrôle de l'ordre du jour politique, après plusieurs semaines de tourmente, le premier ministre s'est présenté à son bureau hier, vers 9h30, sans cravate et portant un jean. La ministre Kathleen Weil a révélé qu'une directive demandant de se présenter en tenue décontractée avait été expédiée aux ministres.
Le but était de réunir l'«équipe» de ministres dans un contexte où ils ne seraient pas dérangés — comme c'est le cas lors des réunions normales — par les «allées et venues» imposées par la participation des ministres aux commissions parlementaires — d'autant plus que l'étude des crédits commence cette semaine.
Pas de mesure nouvelle
Dans un point de presse, un peu avant 15h30, Jean Charest s'est borné à réitérer les éléments phares d'un document déposé le 30 mars (en même temps que le budget), le Plan d'action pour la réduction et le contrôle des dépenses 2010-2014. Celui-ci annonçait une réduction de 25 % des coûts de publicité, de formation et de déplacements; de nouvelles règles pour les primes au rendement; une extension de la règle du «un remplacement sur deux départs à la retraite» au personnel administratif, «incluant les cadres», dans le système de santé et d'éducation; et des compressions de 10 % des dépenses dans l'administratif.
Aucune mesure nouvelle n'a été dévoilée hier, et la mise en oeuvre annoncée du plan de réduction (qui contient plusieurs intentions, mais peu de cibles précises) n'a pas été davantage explicitée par les Jean Charest, Raymond Bachand (Finances) et Monique Gagnon-Tremblay (Conseil du Trésor), lors du point de presse. M. Charest a tout juste fait savoir que des «directives claires» seraient émises sur les réductions de 25 % (dans la publicité, la formation et les déplacements) et sur les compressions de 10 % dans l'administration.
Décret adopté
Le conseil des ministres, qui s'est terminé à 17h25, a du reste adopté un seul décret par lequel le gouvernement étend aux réseaux de la santé et de l'éducation la suspension des primes au rendement pour les années 2010-2011 et 2011-2012. D'autres éléments de cette mesure seront précisés dans la loi omnibus faisant suite au budget qui sera déposée incessamment. La nouvelle règle sur les primes exclura les sociétés d'État dites «commerciales», où bonus et autres suppléments font partie de la rémunération normale et admise. C'est le cas à la Caisse de dépôt et placement, par exemple, a indiqué le premier ministre. Le ministre Bachand sera chargé de rencontrer les dirigeants de ces sociétés pour voir comment ils feront un «effort comparable». «On veut s'assurer qu'on ne jette pas le bébé avec l'eau du bain», a précisé M. Charest. Les nouvelles règles sur les primes ne permettraient toutefois qu'une économie de 9 millions.
À terme, pour l'ensemble des mesures incluses dans le plan de réduction, ce sont 500 millions de dépenses récurrentes qui seraient retranchées au budget annuel de l'État. (Cela semble peu puisque, dans le courant de l'année 2009-2010 seulement, le Conseil du trésor a effectué des compressions de 900 millions de dollars.) C'est quelque six milliards que le gouvernement doit toutefois trouver pour honorer son objectif de 62 % du chemin vers le retour à l'équilibre budgétaire.
En matinée, la ministre de l'Environnement, Line Beauchamp, a soutenu que les coupes ne se feraient pas «de façon aveugle, avec la tronçonneuse, comme parfois les partis d'opposition nous invitent à le faire». À son point de presse, M. Charest a précisé que «l'objectif que nous poursuivons, c'est [de couper] dans les structures et dans l'administration. Pas dans les services». Depuis sept semaines déjà, a insisté Jean Charest, un ministre qui veut proposer une nouvelle mesure doit financer celle-ci «à partir de ses budgets». Bref, il doit faire des compressions ailleurs s'il veut l'adopter.
Scepticisme
En matinée, Raymond Bachand a expliqué que le gouvernement avait choisi de ne pas faire de geste «spectaculaire» (comme mettre 20 000 personnes à la retraite) pour revenir à l'équilibre budgétaire. C'est ainsi qu'il a expliqué le scepticisme de la population quant à la capacité du gouvernement de réduire ses dépenses d'une façon telle qu'il fera 62 % du chemin vers l'équilibre budgétaire. «Je les comprends d'avoir un certain scepticisme. Je ne les blâme pas. Parce qu'on ne fait pas un geste spectaculaire. [...]. Ils vont probablement le croire quand ils vont voir les chiffres dans six mois, à la mise à jour annuelle, et dans 12 mois», a-t-il soutenu, insistant sur le fait que 18 ministères vont voir leur budget gelé cette année.
Notons que le ministre de l'Agriculture et des Relations intergouvernementales, Claude Béchard, qui combat une récidive d'un cancer, a visité ses collègues, hier, ce qui a été qualifié de «belle surprise» par le premier ministre Charest: «On lui a rappelé que son fauteuil l'attendait», a-t-il dit, notant que M. Béchard avait beaucoup maigri.
Cynisme
Le critique en matière de Finances de l'ADQ, François Bonnardel, a qualifié le Conseil des ministres dominical de «cynisme à son meilleur». Il a déploré que les mesures de réduction des dépenses demeurent pour la quasi-totalité non quantifiées. En Chambre, la semaine dernière, il avait développé cette même critique avant d'inciter les libéraux à aller «se cacher» plutôt que de se présenter au vote sur le budget. Au moment où Monique Gagnon-Tremblay lui répliquait, un commentaire de la conjointe de M. Bonnardel, la vice-première ministre Nathalie Normandeau, voisine de banquette de Mme Gagnon-Tremblay, a été capté par le micro de cette dernière: «C'est trop insignifiant!» M. Bonnardel a précisé le commentaire de sa conjointe, hier: «C'était mes propos qui étaient qualifiés d'insignifiants, pas moi!»


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