Indépendance ou « bon gouvernement »

(Félicitations à Louis Bernard)

Tribune libre - 2007

Les Églises ont des dogmes, qu’il est interdit de mettre en question et il en est ainsi des partis politiques, sauf que les leurs ne portent pas ce nom. Il arrive même qu’ils ne portent aucun nom et que leur nature échappe aux adhérents jusqu’à ce qu’un impie ose en discuter le bien-fondé.
Le Parti québécois n’échappe pas à cette règle et les choie avec un aveuglement exemplaire, ce qui ne facilite pas son renouvellement ni son adaptation à des circonstances nouvelles. C’est pourquoi la Saisons des idées, où la liberté d’examen devait pourtant être totale, n’a pas donné les résultats escomptés; on n’y a pas soulevé, en particulier, la question de la place relative que devraient avoir un « bon gouvernement » et le projet de société ni celle de l’obligation de tenir un référendum sur l’indépendance.
Après les dernières élections, il faudrait se faire modeste, ce qui n’a jamais été l’apanage des pontes du PQ, et avoir le courage de tout remettre en question, même les dogmes de nos origines; qui s’y aventure risque toutefois de devoir affronter, sans délai, démenti ou même ire et glacial désaveu. Ainsi Bernard Landry s’est-il empressé de s’inscrire en faux contre les récents propos critiques de Louis Bernard et de s’ingénier, tant bien que mal, à rétablir l’orthodoxie, à laquelle il a lui-même toujours adhéré, mais dont on peut légitimement se demander aujourd’hui s’il y a encore lieu de s’y conformer.
Dans un [long article publié dans La Presse du 3 avril 2007 (p. A 23)->5784], Louis Bernard affirme essentiellement que « que le Parti québécois a été créé, d’abord et avant tout, pour faire l’indépendance et non pour gouverner le Québec-province ». C’est bien là ce que j’ai écrit il y a longtemps (je ne sais plus ni où ni quand), car, comme beaucoup de péquistes, je me suis finalement lassé des bons gouvernements, même si notre parti en a produit d’excellents. Partageant, sur ce point, les vues de Louis Bernard, je pense que, si le peuple québécois, ne veut pas majoritairement de l’indépendance, il doit élire un gouvernement issu du Parti libéral ou bien, maintenant, de l’ADQ (qui, soit dit en passant, nous ramène non pas à Duplessis mais, le nom en moins, à la souveraineté-association): « Pour que cela soit bien clair, écrit Louis Bernard, le PQ, d’une part, demanderait aux électeurs de ne pas voter pour lui s’ils ne sont pas prêts à faire l’indépendance[...]. » Il fonde son argument sur le fait que le programme social-démocrate du PQ ne convient pas à tous les indépendantistes et que l’indépendance devra se faire, ce qui est l’évidence, avec tous les Québécois, qu’ils soient de droite, du centre, de gauche, ou d’ailleurs. Pour y parvenir, ajoute-t-il, il faudrait « [...] mettre en veilleuse le programme de gouvernement au profit de la question nationale [...], essayer de combiner les deux ne mène nulle part ». Notons immédiatement, pour éviter toute interprétation abusive, que «mettre en veilleuse» ne signifie pas abolir , mais diminuer l’importance, faire passer au second rang, ne pas présenter comme une façon unique de gouverner, ce qui est essentiel, puisque aussi bien, c’est une fois l’indépendance acquise, et non pas avant, que le peuple québécois aura la liberté de choisir le type de société qui lui convient.
Bernard Landry, comme on pouvait s’y attendre, a immédiatement objecté à la proposition de Louis Bernard (interview à Radio-Canada du 3 avril) que l’on ne pourrait parler seulement d’indépendance que d’une façon répétitive, pendant tout le mois que dure une campagne électorale. Cette objection est pour le moins curieuse de la part d’un professeur, dont le rôle est d’instruire, mais reste bien dans la ligne de conduite suivie par le PQ au cours de ses différents gouvernements, pendant lesquels on s’est abstenu de faire une véritable pédagogie de l’indépendance. Il ne suffit pas en effet d’affirmer ici et là qu’on est en faveur de l’indépendance et de répéter ce mot, ou souveraineté (au choix), un certain nombre de fois, pour que la magie se mette à opérer. Mais que faire?
Tout simplement revenir à la pédagogie des jours anciens, du porte-à-porte et des réunions de cuisine. Mettre alors l’indépendance au premier plan, d’une part, ne mènerait pas à des discours répétitifs et, d’autre part, n’équivaudrait certes pas à se dissocier d’un projet consensuel de société. Car faire la pédagogie de l’indépendance, contrairement à ce que semble penser Bernard Landry, c’est expliquer au peuple québécois en quoi consiste celle-ci, en quoi consiste, pour reprendre les termes de l’historien Maurice Seguin, l’autonomie interne et l’autonomie externe, ce qu’on ne peut effectuer sans toucher à tous les aspects de notre société. Il s’agit en effet d’expliquer que, dans les divers domaines relatifs à la vie québécoise (la liste en est longue, à l’interne comme à l’externe), ce qu’un gouvernement actuel peut offrir est limité, ne serait-ce que parce qu’il dispose d’un budget tronqué, la moitié de nos impôts allant à Ottawa: voici, devrait-on répéter haut et fort, ce que nous pouvons vous procurer maintenant (faire la liste) , nos pouvoirs étant limités, tant à l’interne qu’à l’externe, et voilà tout ce que le gouvernement d’un Québec indépendant pourra vous donner, avec en prime un regain de fierté; voilà en outre tout ce que nous pourrons faire pour développer notre potentiel, dans tous les domaines (affaires, industrie, travail, pauvreté, santé et maladie, éducation, culture, langue, et quoi d’autre?). Or tout ce travail de clarification, qui demandera temps, talent et efforts, offrira certainement de la matière pour plus d’un mois de campagne électorale et pour plus d’un discours.
Il n’est donc pas suffisant de faire maintes palabres sur le référendum, sur sa date possible ou la formulation à adopter, pour se qualifier comme indépendantiste. Notons d’ailleurs, à ce sujet, que le seul mot référendum a fini, ce qui n’est pas une brillante réussite, par acquérir une valeur mythique, si bien qu’il remplace souvent indépendance ou souveraineté et qu’on croit avoir tout dit lorsqu’on l’a prononcé. Eh bien non! cela n’est pas assez. Je dirais même qu’il faut remettre en question, les temps étant changés, la nécessité de tenir un référendum sur l’indépendance. Louis Bernard, prudent, se garde bien d’aller jusque là et, pourtant, ce qu’il propose devrait largement suffire à nous concilier la sacro-sainte opinion internationale, qui, de toute façon, finit toujours par respecter la décision ferme d’un peuple.
Si, en effet, le Parti québécois se présente aux électeurs après avoir mis « clairement la souveraineté au centre de son programme [...] et en se refusant d’avance et explicitement à gouverner le Québec-province », on ne voit vraiment pas pourquoi on continuerait à s’encombrer d’un référendum, du moins à ce stade-là, surtout que l’on soutient volontiers que le peuple québécois, ce qui reste à voir, n’en veut pas. Un tel refus ne serait d’ailleurs pas étonnant étant donné la manière dont on le lui présente.
En réalité, si référendum il doit y avoir, ce ne pourrait être que pour l’adoption de la constitution d’un Québec indépendant, qu’une assemblée constituante aurait élaborée après l’élection du Parti québécois.
Résumons-nous! Dans son courageux et intelligent article de La Presse, Louis Bernard fait valoir que le Parti québécois doit revenir à ses sources, à ce pourquoi il a été fondé, réaliser l’indépendance du Québec. Il fut un temps où il fallait prouver que notre parti pouvait former un bon gouvernement. C’est fait. Il fallait également rassurer le peuple québécois par une formule qui ne soit pas trop audacieuse; ce fut la souveraineté-association qui alliait un minimum de souveraineté avec le maintien d’un certaine dépendance à l’égard de la Fédération canadienne; nous savons, après Meech et Charlottetown que ce n’est pas possible, même si Mario Dumont veut nous lancer maintenant dans une aventure qu’il faudrait sans doute appeler l’autonomie-association.
Nous devons donc maintenant revenir à l’essentiel et nous y consacrer, c’est la seule issue digne de nous, en proposant au peuple québécois un programme clair, où il ne s’agira plus d’élire un gouvernement dont le but est de bien gouverner un État-province, ce dont le Parti libéral peut très bien se charger, mais essentiellement de faire l’indépendance. Voilà ce que doit signifier élire le Parti québécois: si le peuple refuse cette condition, qu’il s’arrange avec le Parti libéral, ou, à partir de maintenant, avec l’ADQ; il sait dorénavant à quoi s’en tenir, du moins pour ce qui est du Parti libéral.
Personnellement je vais toutefois plus loin, dans l’impiété, que M. Bernard. En effet, selon toute logique, si le Parti québécois est élu avec la volonté de réaliser l’indépendance clairement exprimée dans son programme et dans sa plateforme électorale, comme le préconise Louis Bernard, on n’a plus besoin de soumettre cette question à un référendum, puisque ceux qui voteront pour lui sauront parfaitement qu’ils font alors le choix de l’indépendance. De cette façon, on évitera la confusion qui subsiste aujourd’hui, dans l’esprit de certains, entre référendum et indépendance.
Au cours de la dernière campagne électorale, l’ambiguïté, d’ailleurs entretenue par les médias, était telle que M. Boisclair a cru qu’il suffisait, en fin de campagne, de prononcer le mot référendum pour parler d’indépendance, ce qui n’était ni très habile, ni convaincant. Est-ce à dire qu’il faut bannir le référendum de notre action politique? Certes pas, mais à condition d’utiliser ce mécanisme opportunément, c’est-à-dire pour l’adoption de la constitution d’un Québec indépendant. C’est de cette façon seulement que, grâce à l’impiété de quelques-uns, auront été réalisées les vraies conditions gagnantes, tout étant devenu clair pour tout le monde, et que nous retrouverons enfin notre dignité de peuple libre, indépendant et souverain.
Gaston Laurion

Montréal


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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    16 avril 2007

    M. Claude Jodoin écrit que M. Louis Bernard est responsable d'une vilaine chose appelée : L'APPROCHE COMMUNE, sans donner de détails. C'est quoi ça ?
    M. Louis Bernard ne va pas avoir raison pour ceux qui veulent gouverner une province comme un bon gouvernement provincial avec les risques que ça comporte pour la souveraineté.
    Les vrais souverainistes vont préférer l'approche de M. Louis Bernard qui est intelligente et pratique.

  • Archives de Vigile Répondre

    15 avril 2007

    Louis Bernard, c'est lui qui nous a fait avaler l'APPROCHE COMMUNE. On ne peut pas lui faire confiance. Maintenant, il nous fait voir son projet de sabordage de notre nation!
    Claude Jodoin