Indépendance du Québec : les raisons d'un reflux

Québec 400e - vu de l'étranger


"Si je vous ai bien compris, vous êtes en train de dire : à la prochaine fois !" : au soir de l'échec du référendum de mai 1980 sur la souveraineté du Québec (assortie d'une offre de partenariat avec le reste du Canada), l'indépendantiste René Lévesque - fondateur du Parti québécois et alors premier ministre de la province francophone - ne se trompait pas sur le fond. Une autre consultation sur la même question a été organisée en octobre 1995, à l'issue de laquelle l'option a été rejetée de justesse (par 50,58 % des voix, contre 60 % en 1980).

En dépit de ces deux échecs, nul ne pense, pas même l'actuel premier ministre (fédéraliste) de la province, Jean Charest, que l'idée de l'indépendance s'est définitivement éteinte. "Il y aura toujours des Québécois qui vont proposer de séparer le Québec du Canada. Et il faut le respecter", nous a-t-il déclaré.
Reflux des indépendantistes. Depuis la "Révolution tranquille" (transformations accélérées du Québec sur le plan social, politique, économique et religieux dans les années 1960), l'option souverainiste connaît d'amples fluctuations. Les sondages les plus récents lui accordent entre 35 % et 42 % d'appuis, suivant la question posée. Par ailleurs, 51 % des Québécois se disent satisfaits de l'actuel gouvernement libéral.
Ce reflux s'explique en grande partie par plusieurs avancées "historiques".
Progrès du français. Seule langue officielle du Québec depuis 1974, le français a été imposé trois ans plus tard comme le seul idiome de l'affichage public et des affaires, notamment. "On a fait de grands progrès", reconnaissent les souverainistes. Ils déplorent cependant, comme Jean-François Lisée, ex-conseiller des dirigeants "péquistes", et actuel directeur d'un centre d'études universitaire (Cérium), "une baisse d'énergie dans notre volonté de francisation", auprès des immigrants notamment (quelque 45 000 chaque année). Mais l'anxiété identitaire de la société québécoise a baissé de quelques crans. Du haut des siècles, la progression est impressionnante : les francophones canadiens n'étaient que 60 000 âmes au Traité de Paris.
Reconnaissance en tant que nation. Le Québec n'a toujours pas formellement signé la Constitution canadienne rapatriée de Londres (ancienne puissance tutélaire) en 1982 sans son aval. Un accord subséquent (dit du "lac Meech") lui reconnaissant un statut de "société distincte" au sein du Canada n'a pas été ratifié par les provinces.
Défenseur d'un "fédéralisme d'ouverture", le premier ministre canadien, Stephen Harper, au pouvoir depuis 2006, a néanmoins fait adopter au Parlement d'Ottawa une motion reconnaissant que le Québec formait une "nation". Son gouvernement a mieux accepté que les précédents le rôle du Québec sur le plan international. Et il a accédé à certaines de ses demandes ancestrales en matière fiscale. Au total, les tensions entre la province et le gouvernement fédéral ont diminué.
La souveraineté sous le boisseau. Tirant les leçons du dernier scrutin (mars 2007) où il n'a obtenu que 26 % des suffrages, le Parti québécois, dirigé par Pauline Marois, se cherche un projet social-démocrate. Il a renoncé pour le moment à promettre un référendum s'il revenait au pouvoir, au grand dam des indépendantistes "purs et durs". "Sur le plan économique au moins, on l'a bien réussie, notre Révolution tranquille", se consolent-ils, en attendant des jours meilleurs.
Martine Jacot


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