Immigration: comment Québec accueille des francophones fantômes et de futurs chômeurs

Immigration — une politique de dénationalisation

Ahurissant : on sait depuis des années qu’il est essentiel pour l’avenir du Québec de bien choisir, puis de bien intégrer les immigrants. On discute avec une intensité renouvelée depuis trois ans de leurs difficultés d’intégration et de l’impact de leur faible connaissance du français sur nos équilibres linguistiques.


Avait-on tort de croire que quelqu’un prenait des notes, au ministère de l’Immigration ?
De toute évidence, oui. Le Vérificateur général a remis, ce mercredi, un bulletin chiffré désastreux au ministère de l’Immigration. Selon les vérifications de son équipe, le ministère n’a pas la note de passage :
• Entre 40 et 57 p. cent des dossiers (de 11 826 à 16 853 dossiers) comportaient des erreurs dans l’attribution des points de la grille de sélection ou ne contenaient pas tous les éléments nécessaires pour justifier les points attribués.
C’est grave à au moins deux titres : pour l’avenir linguistique du Québec et pour le succès de l’intégration économique des nouveaux arrivants.
Des francophones fantômes ?
D’abord, cet extrait du rapport taille en pièce la crédibilité des chiffres du ministère quant à la connaissance réelle du français chez les immigrants choisis :
À défaut de tests linguistiques reconnus ou d’autres évidences pour évaluer les connaissances linguistiques du candidat, le conseiller les apprécie lors de l’entrevue de sélection. Encore une fois, les points attribués (maximum de 22 points : 16 pour le français et 6 pour l’anglais) sont laissés au jugement du conseiller à l’immigration et les informations dans le dossier ne permettent pas toujours de justifier l’attribution des points.
Par exemple, il est difficile de comprendre pour quelle raison un candidat a obtenu 6 points sur 16 en français quand les notes du conseiller mentionnent que l’entrevue de sélection s’est déroulée essentiellement en anglais et que le candidat comprenait à peine le français.
Il est tout aussi difficile de justifier l’attribution de 16 points à un candidat qui a été sélectionné sur dossier, alors que son dossier ne contenait aucun commentaire du conseiller ni aucune autre évidence de sa connaissance avancée du français.

Comment importer des chômeurs
Selon le VG, le ministère fait un travail médiocre quand il s’agit de bien apparier les candidats à l’immigration avec les besoins de main-d’œuvre du Québec. Il indique :
• Seulement 9 p. cent des candidats sélectionnés présentaient un profil répondant aux exigences dans les domaines de formation privilégiés par le Québec ;
• 65 p. cent des travailleurs qualifiés sélectionnés n’ont eu aucun point pour le domaine de formation.

Le VG ne se gène pas pour faire un lien entre ce tri fautif et le taux de chômage élevé des immigrants au Québec.
Le ministère de l’Immigration est particulièrement inepte, dans un contexte international ou beaucoup d’autres pays, aux prises avec des défis semblables — mais sans la précarité linguistique que vit le Québec — ont montré beaucoup plus d’intelligence et d’efficacité dans leurs politiques.
Voici le tableau où le VG compare les politiques du Québec avec celles, beaucoup plus rigoureuses, y compris en matière linguistique, de pays… anglophones !


Je le dis avec tout le sérieux dont je suis capable : mal gérer l’immigration, c’est, pour les nouveaux arrivants, échouer à notre tâche d’assurer la réussite de leur intégration, donc leur qualité de vie; c’est, pour le Québec, prendre un risque inacceptable pour l’avenir du français.

Squared

Jean-François Lisée296 articles

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Ministre des relations internationales, de la francophonie et du commerce extérieur.

Il fut pendant 5 ans conseiller des premiers ministres québécois Jacques Parizeau et Lucien Bouchard et un des architectes de la stratégie référendaire qui mena le Québec à moins de 1% de la souveraineté en 1995. Il a écrit plusieurs livres sur la politique québécoise, dont Le Tricheur, sur Robert Bourassa et Dans l’œil de l’aigle, sur la politique américaine face au mouvement indépendantiste, qui lui valut la plus haute distinction littéraire canadienne. En 2000, il publiait Sortie de secours – comment échapper au déclin du Québec qui provoqua un important débat sur la situation et l’avenir politique du Québec. Pendant près de 20 ans il fut journaliste, correspondant à Paris et à Washington pour des médias québécois et français.





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