"Les Français, à force d'immigration incontrôlée, ont parfois le sentiment de ne plus être chez eux, ou bien ils ont le sentiment de voir des pratiques qui s'imposent à eux et qui ne correspondent pas aux règles de notre vie sociale." En énonçant cette phrase au micro d'Europe 1, jeudi 17 mars, Claude Guéant savait-il qu'elle allait générer une polémique ?
La phrase est prononcée dans un contexte de montée du FN, de durcissement de la loi sur l'immigration et de polémique autour du débat identitaire sur la laïcité et l'islam. Elle traduit la position difficile de la majorité, obligée d'évoquer une "immigration incontrôlée" pour justifier la nécessité d'un débat sur cette question, au risque de porter préjudice à son propre bilan en matière d'immigration depuis 2002. La gauche a immédiatement fustigé la vision du nouveau ministre de l'intérieur et ex-secrétaire général de l'Elysée.
"LARMES DE CROCODILE"
Martine Aubry, la première secrétaire socialiste, a vite réagi. En visite à Clichy-sous-Bois, elle a dénoncé une manœuvre électoraliste, à quelques jours du premier tour des cantonales. "Avoir les propos qu'a Claude Guéant à trois jours du premier tour et nous faire pleurer des larmes de crocodile en nous disant que le FN augmente, c'est vraiment se moquer des valeurs de la République", a-t-elle lâché.
Pour François Hollande, son prédécesseur à la tête du PS, "le meilleur service que pourrait rendre Claude Guéant serait aujourd'hui de se taire et d'éviter d'utiliser les mots qui sont généralement ceux qui heurtent quand ils sont émis par les leaders du Front national".
Enfin, Harlem Désir, n° 2 du Parti socialiste, a dénoncé une tentative de "doubler le FN sur sa droite", ajoutant, en guise de réponse : "C'est quand l'Etat n'est plus dirigé par des républicains que 'les Français ne se sentent plus chez eux'".
Le Parti communiste a également réagi, fustigeant une "minable petite phrase indigne", estimant que Claude Guéant était devenu un "rabatteur de voix pour le FN". "Mis en pièce dans les sondages par une opinion publique qui n'en peut plus de leur politique, le pouvoir sarkozyste tente de nous refaire le coup du bouc-émissaire, l'immigré responsable de tout ce qui ne va pas dans le pays", juge le PCF.
"ADHÉRENT D'HONNEUR" DU FN
Même à droite, les propos de Claude Guéant ont choqué certains. Jean-Pierre Grand, député villepiniste, a qualifié cette phrase "d'insupportable" et "politiquement suicidaire" et dénoncé "une lepénisation au sommet de l'Etat".
Marine Le Pen, elle, a saisi l'occasion pour décerner un satisfecit plein d'ironie à Claude Guéant. Selon elle, le ministre de l'intérieur, en tenant de tels propos,"pourrait être adhérent d'honneur du FN puisqu'il est touché par la grâce, sauf que cela n'annonce que les prochaines élections". Mais elle estime qu'il ne s'agit que de "l'enfumage habituel sarkozyste", d'un essai de récupération politique "gros comme un câble".
Le Monde.fr
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