«Il faut soulager le capital» - La gauche péquiste dénonce les propos d'André Boisclair

Crise de leadership au PQ


Le club politique de gauche du Parti québécois,[ Syndicalistes et progressistes pour un Québec libre (SPQ libre)->2253], n'a pas du tout apprécié les récents propos «capitalistes» du chef André Boisclair. En revanche, il ne s'inquiète pas publiquement de la prise de distance du chef par rapport au programme du parti.



Rappelons qu'il y a une semaine, [à l'émission L'autre midi à la table d'à côté, à la Première Chaîne de Radio-Canada->2202], M. Boisclair, en conversation avec Réjean Thomas, avait déclaré ceci : «Il faut soulager le capital, il faut que le Québec devienne l'endroit au monde où le capital est le mieux accueilli possible, créant de l'emploi et donnant de la richesse aux gens.»
Déçu de ces propos, le président de SPQ libre, Marc Laviolette, a résumé hier l'émission par cette formule : «Deux petits bourgeois du Plateau qui discutent de comment refaire le monde.» Il dit avoir sursauté en entendant M. Boisclair regretter le rejet du projet de déménagement du Casino de Montréal au bassin Peel. Ces déclarations de M. Boisclair font partie des «retombées» du débat lancé par la Chambre de commerce du Québec, estime M. Laviolette : «C'est bien beau, les grands projets, mais quand ça nuit du point de vue social ou du point de vue environnemental, ça ne va pas. Ce n'est pas l'économique qui doit primer dans une société. L'économique doit être au service du social et de l'environnement», a-t-il soutenu.
Communiqué grinçant
Le SPQ libre a rétorqué aux propos du chef hier avec un communiqué grinçant signé par M. Laviolette et le secrétaire du club, Pierre Dubuc (ancien candidat à la direction du PQ, qui a recueilli 1,2 % des voix).
«Quarante ans d'histoire du PQ nous ont appris que les courbettes devant le capital étranger ne se sont jamais traduites par des appuis à la cause souverainiste. À chaque élection, à chaque référendum, le grand capital a appuyé les libéraux et les fédéralistes. D'ailleurs, M. Parizeau n'a-t-il pas dit que nous avions perdu le référendum de 1995 "à cause de l'argent" ?»

Ceux qu'il faut «soulager», ce sont «les travailleurs et les travailleuses», écrivent MM. Laviolette et Dubuc, et, pour ce faire, il faudrait mieux répartir «le labeur nécessaire à la production des biens et services entre tous les membres de la société». Paraphrasant encore leur chef, le SPQ libre écrit que le Québec doit plutôt devenir «l'endroit au monde où les travailleuses et les travailleurs sont les mieux traités».
Le SPQ libre se réjouit que M. Boisclair se réfère à René Lévesque, lequel, rappelle-t-on, «parlait plutôt de "civiliser le capital"». Le club de gauche croit aussi que le PQ a toujours tiré sa force de ses liens avec le «peuple travailleur, qui forme la majorité de la population... et de l'électorat». Enfin, il soutient que M. Boisclair était «beaucoup mieux inspiré» lorsqu'il a dénoncé jeudi la loi 142, par laquelle le gouvernement a décrété les conditions de travail des employés de l'État.
M. Boisclair a refusé de commenter la sortie du SPQ libre. «Le PQ est une coalition de souverainistes, c'est normal qu'il y ait ce type de discussions. On n'a pas toujours les mêmes idées, mais on a toujours le même objectif», s'est borné à dire son attaché de presse, Joël Simard-Ménard.
Programme
Par ailleurs, M. Laviolette n'a pas semblé s'inquiéter des déclarations de M. Boisclair de jeudi où il a pris ses distances du programme du PQ. «Au-delà de l'analyse fine des textes, il y a des réalités politiques [...]. Les grands objectifs l'emporteront sur l'analyse fine», avait dit M. Boisclair. Lorsque le programme a été adopté au congrès de juin 2005, a rappelé M. Laviolette hier, «on ne savait pas encore qu'on allait changer de chef». Ainsi, le temps qui aurait dû être accordé -- avant l'élection, comme le programme le stipule -- à la préparation de la souveraineté (rédaction d'une constitution, etc.) «a été consacré en grande partie à la course à la chefferie». Ce qui fait en sorte qu'aujourd'hui, le PQ commence à manquer de temps pour réaliser cette partie -- que M. Laviolette considère essentielle -- du programme. «C'est ce qu'a voulu dire M. Boisclair, je pense», a déclaré le président du SPQ libre hier en précisant que la commission politique avait mis sur pied des groupes de travail pour réaliser cette partie du programme.
Des sources à l'intérieur du Parti québécois ne semblent cependant pas rassurées et ont confié hier au Devoir s'inquiéter des déclarations de M. Boisclair à propos du programme du parti : «Évidemment, personne ne dira rien publiquement parce qu'à l'approche d'une élection, on ne veut pas nuire au chef», a dit l'une d'elles.
Pour contrer cette critique -- même si elle est sourde pour l'instant --, le député de Joliette, Jonathan Valois, a fait parvenir hier une lettre au Devoir intitulée «Boisclair a raison». M. Valois soutient que le chef n'a fait jeudi que «réitérer ce que d'autres avaient dit avant lui, c'est-à-dire qu'il n'appartient pas au Parti québécois de rédiger une constitution du Québec souverain car cette responsabilité doit appartenir au peuple».


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