Gérer le rêve

PQ - XVIe congrès avril 2011



Il est sans doute difficile pour le ministre des Affaires intergouvernementales, Pierre Moreau, d'imaginer la vie dans un parti politique dont les congrès sont l'occasion de véritables débats.
Malgré sa discipline légendaire, il fut un temps où le Parti libéral du Québec ne craignait pas les remises en question, mais l'époque du rapport Allaire est révolue depuis longtemps. Depuis que M. Moreau est entré en politique, les assemblées libérales relèvent plutôt de la formalité.
Le PLQ a atteint un sommet dans le non-débat au conseil général de novembre 2010, à Lévis, quand aucun délégué n'a voulu appuyer la proposition d'un militant de Groulx, Martin Drapeau, qui voulait simplement discuter de l'à-propos d'une enquête publique sur la corruption dans l'industrie de la construction, que tout le monde au Québec réclamait.
Les médias commencent à s'intéresser aux congrès du PQ des mois, voire des années à l'avance. Les libéraux en tiendront un l'automne prochain, et personne ou presque n'y a encore prêté la moindre attention, sinon pour se demander si le premier ministre Charest sera toujours là ou s'il faudra plutôt tenir un congrès au leadership.
Les votes de confiance ne sont jamais problématiques au PLQ. En novembre 2000, M. Charest était un objet de risée, ce qui ne l'avait pas empêché d'obtenir l'appui de 95 % des délégués au congrès. Quatre ans plus tôt, Lucien Bouchard, qui était encore la coqueluche des Québécois, était venu bien près de démissionner parce qu'il avait reçu l'appui de seulement 76,7 % des militants péquistes.
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Le PQ est nettement moins turbulent qu'il l'a déjà été. On semble bien loin des grands psychodrames d'antan. Il y aura peut-être un débat sur la hausse des droits de scolarité au congrès, mais la lettre sur l'éducation que les jeunes péquistes ont publiée dans Le Devoir d'hier était si ambiguë qu'après l'avoir lue, on se demandait ce qu'ils voulaient au juste.
Prétendre que Pauline Marois devrait obtenir un vote de confiance de 95 % au congrès de la fin de semaine prochaine pour assurer son leadership constitue toutefois une autre de ces énormités qui tendent à devenir la marque de commerce de M. Moreau.
Même s'il s'est passablement assagi, le PQ demeure probablement la formation politique la plus difficile à diriger au Canada. En général, les membres d'un parti n'exigent pas davantage de leur chef que de les mener au pouvoir. Au PLQ, c'est même tout ce qui compte. Au PQ, c'est loin d'être suffisant.
Tous les chefs péquistes ont fait l'expérience de l'extrême difficulté de gérer ce qui est, pour bien des militants, le rêve d'une vie. Il faut cependant que M. Moreau ait la mémoire courte pour affirmer sans rire que le PQ est devenu «plus radical» qu'il ne l'était à l'époque de René Lévesque, de Jacques Parizeau ou de Bernard Landry.
Qu'aurait-il dit du congrès de décembre 1981, qui s'était terminé sur une ovation au péquiste Jacques Rose, après avoir remis l'élection référendaire à l'ordre du jour? En 1993, M. Parizeau avait assisté impuissant au défoulement des délégués, furieux du rétablissement du bilinguisme dans l'affichage, qui avaient résolu de rétablir la loi 101 dans ses dispositions originelles.
Encore hier, M. Charest a accusé Pauline Marois de vouloir tenir un référendum le plus vite possible, alors qu'elle s'est employée depuis quatre ans à se libérer de l'obligation en ce sens que M. Landry avait accepté de voir inscrite dans le programme au congrès de juin 2005.
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Jusqu'à présent, Mme Marois s'est opposée à ce que les délégués puissent débattre la proposition de la circonscription de Crémazie, inspirée par Jacques Parizeau, qui prévoit la création d'une «commission de préparation à la réalisation de la souveraineté», composée de députés et de militants, qui devrait régulièrement rendre compte de ses travaux à la Conférence nationale des présidentes et présidents. La chef du PQ y voit une sorte de mise en tutelle que M. Parizeau lui-même n'aurait jamais acceptée. Il est vrai que personne ne voyait la nécessité de le placer sous surveillance.
Mme Marois semble toutefois avoir réalisé qu'il est préférable de faire en sorte que la proposition soit rejetée par les délégués, plutôt que de se livrer à un jeu de coulisses qui donnait précisément l'impression qu'elle craint l'emprise que l'ancien premier ministre pourrait conserver sur son parti. De toute manière, il vaut sans doute mieux vider la question sur le plancher du congrès que de laisser les militants en disposer lors du vote de confiance.
Peu importe l'appui que Mme Marois recueillera samedi prochain, M. Moreau trouvera sûrement à redire. Si elle ne fait pas mieux que M. Landry (76,2 %), il dira qu'elle n'a pas la confiance de ses troupes. Si jamais elle passe la barre des 90 %, ce sera parce qu'elle a cédé aux radicaux. Au bout du compte, le score idéal se situe sans doute quelque part entre les deux.
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mdavid@ledevoir.com


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