Gaz de schiste - Un moratoire nécessaire

Gaz de schiste



Le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement se mettra au travail dès mardi pour proposer au gouvernement Charest un «cadre de développement» pour l'industrie du gaz de schiste qui devrait pouvoir être adopté le printemps prochain. D'ici là, les détenteurs de permis d'exploration pourront néanmoins poursuivre leurs activités sans contraintes particulières. Il faut poser la question: pourquoi?
Le gouvernement Charest fait dans le dossier du gaz de schiste comme il a fait dans celui de l'industrie de la construction. Alors qu'une vaste majorité de Québécois réclamait la tenue d'une enquête approfondie permettant de se pencher sur la question du financement des partis politiques, il créa plutôt la commission Bastarache avec un mandat restreint au processus de nomination des juges. Dans le cas présent, il fait aussi le service minimum. Il décrète d'emblée que le gaz de schiste représente «une formidable opportunité» et refuse d'engager une réflexion préalable sur l'ensemble de la filière gazière.
L'exercice qui s'engage ne sera pas inutile puisque n'existe pas présentement de cadre légal et réglementaire propre à l'exploitation du gaz de schiste. Nous avons vu les entreprises d'exploration, plusieurs venues du Far West, profiter de ce vide juridique pour écumer la plaine du Saint-Laurent, bousculant au passage citoyens et municipalités. Les réactions vives venues de partout auront fait comprendre au gouvernement qu'il lui fallait calmer minimalement le jeu.
Le mandat confié au BAPE est étroit. Il aurait été préférable qu'avant de définir les paramètres de l'exploitation du gaz de schiste, il y ait une réflexion sur les grands enjeux liés à celle-ci. Il n'y a pas de doute qu'il y a ici une «opportunité». Mais avant de la qualifier de «belle», comme le fait la ministre de l'Énergie et des Ressources naturelles, Nathalie Normandeau, il faudrait au moins prendre le temps d'en faire l'évaluation.
Ce à quoi fait référence la ministre, ce sont des emplois pour des travailleurs et des revenus sous forme de redevances pour le gouvernement. Leur valeur réelle doit toutefois être déterminée en prenant d'autres facteurs en compte. Il faut d'abord déterminer si on a besoin de cette ressource dans notre bilan énergétique, puis évaluer les coûts sociaux et environnementaux de son exploitation. Ce n'est qu'après avoir fait ce bilan que nous saurons si la ministre a raison. Le cas échéant, nous l'appuierons. Sinon, nous l'inviterons à modérer son enthousiasme.
La décision du gouvernement de sauter cette étape est déplorable. Il en ressort une impression de précipitation que vient renforcer l'existence de liens multiples entre le gouvernement et l'industrie du gaz de schiste. Le recrutement par celle-ci de plusieurs apparatchiks libéraux révélé ces derniers jours, s'il n'a rien d'illégal, ajoute à cette perception. Tout cela dans un contexte où, d'une part, la confiance envers le gouvernement Charest est près du degré zéro et où, d'autre part, le degré d'inquiétude de la population touchée par les projets d'exploration est très élevé. Pour de nombreux citoyens, ces projets perturbent leur vie. Faut-il le rappeler, cela se passe non pas dans notre cour arrière que sont les zones quasi désertiques du Grand Nord, mais sur notre parterre avant qu'est la plaine du Saint-Laurent, où vivent les deux tiers de la population du Québec.
Ces considérations relatives à la confiance auraient dû conduire le gouvernement Charest à déclarer un moratoire sur toutes les activités d'exploration, le temps que le BAPE fasse son travail et que soit adopté ensuite un nouveau cadre réglementaire. Encore ici, on le voit faire prévaloir les intérêts de l'industrie. Le temps, c'est de l'argent, dit-on en évoquant les 200 millions déjà investis. Un moratoire de six mois à un an entraînera certes des coûts supplémentaires, qu'il faut voir par contre comme faisant partie du risque que prenaient ces entreprises en se lançant dans des programmes d'exploration accélérée. Toutes les entreprises du secteur de l'énergie ne sont-elles pas d'ailleurs habituées à ce genre de risque que constituent les contrôles gouvernementaux? Certes, beaucoup de gouvernements sont complaisants envers cette industrie. Ce n'est pas ce qu'on attend du nôtre.
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bdescoteaux@ledevoir.com


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