Gaz de schiste, les dessous de la polémique

Gaz de schiste

L'Expansion.com - publié le 22/04/2011 à 17:58

Un site d'exploration de gaz de schiste à Kozienice, en Pologne.
REUTERS/Kacper Pempel

Le gaz de schiste, c'est quoi ?

Alors que le gouvernement vient de faire marche arrière, un rapport d'experts préconise de continuer les expérimentations de forage du gaz de schiste. Le point sur une polémique qui enfle.
Il s'agit de gaz disséminé dans la roche et non concentré dans des poches. Les techniques d'extraction sont donc très différentes des méthodes traditionnelles. Au lieu de forer dans une cavité et d'aspirer le méthane, le gaz de schiste doit être libéré de la roche où il est emprisonné. Pour ce faire, il faut forer entre 2000 et 4000 mètres de profondeur à la verticale, puis à l'horizontale. La roche est ensuite fracturée à l'aide d'un puissant jet d'eau envoyé sous haute pression, et chargée de plusieurs centaines de produits chimiques.
Le méthane ainsi extrait est dit "non conventionnel". Aux Etats-Unis, leur essor exceptionnel a fait considérablement chuté les prix du gaz. Alors qu'en France, le gouvernement peine à encadrer la montée inéluctable des prix du gaz (indexés sur les cours du pétrole). Selon une récente étude, 2 380 milliards de mètres cubes de gaz seraient coffrés dans les sols hexagonaux. De quoi alimenter la France jusqu'en 2060, ainsi que l'appétit des industriels... Mais, attention, ceci n'est qu'une mesure théorique, et chacun s'accorde à dire que le potentiel exploitable serait sans doute nettement inférieur.
Pourquoi fait-il polémique ?
Les opposants aux gaz et huiles de schistes s'inquiètent de l'impact pour l'environnement et la santé de l'exploitation de ces gisements. En plus d'être hautement émettrice de CO2, l'exploitation des gaz de schistes serait aussi très consommatrice d'eau: environ 200.000 mètres cubes pour forer les douze puits d'une plate-forme. Par ailleurs, les additifs injectés lors des forages font craindre pour la santé. Selon les opposants aux gaz de schistes, ces additifs risquent de passer dans les nappes phréatiques et donc de contaminer les eaux souterraines. Selon le Réseau Environnement Santé, qui a identifié 944 produits chimiques dans les solutions de forage, la moitié au moins de ces substances serait toxique ou cancérigène. Aux Etats-Unis plusieurs cas de maladies graves, à côté des infections et allergies, ont été déclarés. Enfin, les écologistes reprochent à la France de vouloir investir dans la recherche de gaz de schistes plutôt que dans les énergies renouvelables.
En France, les autorisations de forage accordées en mars 2010 à Total et Schuepbach ont donc suscité un véritable tollé. Notamment dans les régions concernées. L'incontournable José Bové est monté au créneau, suivi de nombreux députés et élus locaux. Trois propositions de loi ont même été déposées pour proscrire l'exploitation des hydrocarbures de schiste en France. Acculé, le gouvernement a donc fini par reculer. Le Premier ministre a annoncé la semaine dernière qu'il fallait "tout remettre à plat", et que les permis déjà accordés seraient abrogés. Une des propositions de loi doit être examinée le 10 mai en procédure d'urgence. Entre temps François Fillon a demandé un rapport d'expertise sur le sujet.
Qu'en pensent les experts ?
Expertiser avant de s'affoler... ce jeudi, les quatre scientifiques ont rendu leurs conclusions. Qui ne vont pas dans le sens des récentes tergiversations gouvernementales. Loin de clore la polémique, les quatre ingénieurs mandatés par François Fillon estiment qu'il ne serait pas raisonnable d'interrompre aujourd'hui le programme de recherches et d'expérimentations de forages des gaz de schiste. "D'un point de vue technique et économique, la probabilité que l'accès à ces gisements permette à notre pays, à un horizon temporel à préciser, de réduire très sensiblement ses importations d'hydrocarbures et de limiter d'autant le déficit de sa balance commerciale n'apparaît pas négligeable", estime le rapport, qui rappelle que la France importe aujourd'hui quasiment 100% du gaz qu'elle consomme. Les formations géologiques comparables laisseraient même à penser que notre pays est "parmi les pays les plus prometteurs au niveau européen en huiles dans le bassin parisien (100 millions de m3 techniquement exploitables) et en gaz dans le sud du pays (500 milliards de m3)", précisent les experts. En clair, il serait très dommage de se passer de cette nouvelle manne d'énergie.
Néanmoins, les scientifiques se veulent extrêmement prudents, et appellent à continuer les recherches dans un cadre très strict. Le texte préconise en effet l'interdiction temporaire de la technique tant redoutée qui a permis le boom de la production de gaz de schiste. "La mission recommande que, en l'attente des résultats de ce programme de recherche (...) la fracturation hydraulique ne soit pas utilisée hormis pour le programme scientifique indiqué ci-dessus", peut-on lire dans le rapport. Difficile dans ces conditions de savoir quelle sera la position des députés le 10 mai prochain. "La France ne renonce pas à la recherche scientifique sur un possible recours aux gaz de schiste dans l'avenir", a seulement réagi vendredi Eric Besson. Le suspens se poursuit...


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