La France interdit l'extraction des gaz de schiste

Gaz de schiste



Paris — Après une nuit de discussions houleuses, l'Assemblée nationale française a adopté hier un projet de loi interdisant l'extraction des gaz de schiste sur tout le territoire français. Les députés favorables à la loi l'ont emporté par 287 voix contre 186. Le texte bannit plus précisément l'extraction par fracturation hydraulique, un procédé qui consiste à injecter de l'eau et des produits chimiques dans le sol pour fracturer la roche. Comme cette technique est la seule connue à ce jour, la loi française devrait donc avoir pour conséquence d'empêcher l'exploitation des gaz de schiste partout, à moins qu'une nouvelle technique plus propre soit découverte. Là-dessus, tous les partis s'entendent.
Les dissensions sont plutôt venues de la nouvelle formulation de l'article 2 proposée par la majorité (UMP). Écologistes et socialistes auraient souhaité, comme le proposait la version initiale du projet de loi, que l'on abroge purement et simplement les permis d'exploration qui avaient été discrètement attribués au printemps dernier. Le texte adopté hier accorde deux mois aux titulaires de permis pour qu'ils déclarent la technique d'extraction qu'ils utilisent. S'ils recourent à la fracturation hydraulique ou s'ils ne se manifestent pas, leur permis sera annulé.
Selon le porte-parole socialiste Jean-Marc Ayrault, la nouvelle formulation est parsemée «d'ambiguïtés» et pourrait permettre aux titulaires de permis de «passer entre les mailles du filet». Le député vert Yves Cochet parle d'une «reculade». «Si cette loi scélérate est votée, les gens vont se révolter», dit-il.
Depuis deux jours, des centaines de militants ont fait le pied de grue devant l'Assemblée nationale. Plusieurs personnalités leur ont prêté main-forte, comme les écologistes José Bové et Nicolas Hulot, ainsi que Danielle Mitterrand, épouse de l'ancien président élu pour la première fois il y a justement 30 ans.
Éviter les poursuites
Selon la majorité, la nouvelle formulation de l'article 2 permettra d'abroger les permis et vise surtout à éviter les poursuites en dommages et intérêts qui pourraient s'abattre sur le gouvernement. L'ancien ministre Jean-Louis Borloo et l'actuelle ministre de l'Environnement, Nathalie Kosciusko-Morizet, ont qualifié d'«erreur» les permis accordés en 2010 sans souci de l'environnement. Il s'agit d'«éviter de prêter flanc à des demandes financières qui n'ont pas de raison d'être, mais qui pourraient suivre une rédaction peu sûre», a déclaré la ministre.
«On demande aux entreprises d'envoyer une belle lettre au ministère de l'Énergie en lui disant quelles vont être les techniques employées, a répondu le député européen José Bové. S'ils n'emploient pas le mot "fracturation hydraulique", leurs permis vont continuer. Là, on essaie de nous faire un enfant dans le dos. Aujourd'hui, il n'y a pas d'alternative possible à l'abrogation des permis.»
Selon Serge Grouard, député-maire UMP d'Orléans, une abrogation pure et simple des permis entraînerait des poursuites judiciaires. Elle pourrait même être l'objet d'un recours devant le Conseil constitutionnel, car aucune loi française ne peut être rétroactive.
Il y a six mois à peine, pratiquement personne en France n'avait encore entendu parler des gaz de schiste. Les premières manifestations organisées en janvier ont rapidement attiré l'attention des médias. À un an des présidentielles et après des élections cantonales catastrophiques pour la droite, les députés de tous les partis n'ont pas tardé à se mobiliser. Le projet de loi doit être à nouveau examiné au Sénat le 1er juin, mais l'interdiction de l'extraction par fracturation hydraulique semble acquise. Si certains permis passaient entre les mailles de la loi, les socialistes ont prévenu qu'ils déposeraient un nouveau projet de loi dans quelques mois afin de les abroger.
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Correspondant du Devoir à Paris


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