Le premier ministre, François Fillon, vient de le découvrir à ses dépens lors de la visite qu'il a effectuée au Canada, du 2 au 4 juillet : lorsqu'un responsable politique français s'exprime en cette terre, ses propos sont disséqués et la moindre équivoque est assimilée à une " bourde ".
A deux reprises, M. Fillon a évoqué des relations entre " deux pays " en parlant de la France et du Québec (province canadienne dont les aspirations indépendantistes ont été mises en échec par deux référendums, en 1980 et 1995).
" VIVE LE QUÉBEC LIBRE ! "
M. Fillon a reconnu son " écart de langage " et fait amende honorable : " J'aurais dû dire : entre deux nations ", mot qui a cessé d'être diplomatiquement suspect depuis que la Chambre des députés d'Ottawa, capitale fédérale canadienne, a reconnu que le Québec formait une " nation dans un Canada uni ". Mais M. Fillon a ajouté : " Pour moi, pays est un mot qui a plusieurs sens et chez moi, c'est un endroit où il y a des paysans ". Les francophones québécois ont toussoté...
La presse anglophone canadienne s'est, elle, offusquée de l'allusion faite par M. Fillon au " Vive le Québec libre ! " du général de Gaulle en 1967, qui avait provoqué une grave crise entre Paris et Ottawa et donné une impulsion au mouvement nationaliste québécois.
Lors de la cérémonie du 400e anniversaire de la fondation de la ville de Québec (et donc de la Nouvelle France) par l'explorateur français Samuel de Champlain, M. Fillon a déclaré jeudi : " Le fait français ne s'est jamais éteint en Amérique. Voilà quarante ans qu'une grande voix, une voix historique l'a tiré - pour reprendre un mot qui vous appartient - de son hivernement dans l'esprit de nos compatriotes ".
M. Fillon a dû se livrer à une nouvelle explication de texte : il n'a " en aucun cas " voulu se mêler des affaires de ses hôtes, mais il ne lui a pas semblé " anormal " d'évoquer ainsi " un événement historique qui a eu pour effet, en France, de braquer les projecteurs sur la relation franco-québécoise ", entraînant la création de nombreux organismes de coopération bilatérale.
Pourtant fédéraliste, le premier ministre du Québec, Jean Charest, a volé à son secours en estimant qu'on pouvait maintenant évoquer le Général sans " tomber dans les traumatismes du passé ". Las ! Dans un éditorial, le quotidien Globe and Mail de Toronto a reproché samedi à M. Fillon une incursion " inutile et imprudente dans des questions d'unité nationale qui ne le regardent pas ".
La Presse de Montréal rappelle, ironique, que Ségolène Royal s'était aussi " pris les pieds dans les lys du tapis " québécois. Interrogée, en janvier 2007, sur la souveraineté du Québec, la candidate socialiste avait alors répondu : " Le rayonnement du Québec et la place qu'il occupe dans le coeur des Français va dans ce sens ". Mais sur ce thème, la présidente de région, invitée à Québec à ce titre, est cette fois restée d'une prudence de Sioux.
Martine Jacot (Québec, envoyée spéciale)
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