Ce texte approfondit des réflexions présentées dans deux conférences, d’une part « Histoire, identité et démocratie », au Symposium L’Histoire à l’épreuve de la diversité culturelle, organisé par la CREQC, à l’UQAM, le 15 novembre 2006 et d’autre part, « Les sophismes de Jocelyn Létourneau », à La Nuit de la philosophie, UQAM, 24 mars 2007
Le Québec devrait se comporter comme une marmotte
-- Jocelyn Létourneau1
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Je propose d’examiner de plus près la pensée d’un historien célèbre, Jocelyn Létourneau. Sa pensée m’intéresse sous un angle particulier, qui concerne tous les Québécois : l’enseignement de l’histoire du Québec et la mémoire nationale. Jocelyn Létourneau a développé dans une longue série d’articles, d’ouvrages et d’interventions publiques, une position sur la nation et la mémoire québécoises, ainsi que sur l’enseignement de l’histoire qu’on peut qualifier de fondement théorique du nouveau programme d’histoire nationale du Québec au secondaire. Cette proposition de réforme est l’aboutissement d’un long travail de persuasion dont Létourneau s’est fait le héraut principal par ses travaux2, outre l’autre facteur, plus passif, celui de la réceptivité du ministère de l’Éducation à tout ce qui fleure le postmodernisme et la réinvention de la roue. La présente analyse se concentrera sur ce volet actif, rhétorique, dont Létourneau est l’éminence grise. Car c’est de « postnationalisme » qu’il s’agit et c’est ce prétendu « postnationalisme » que Létourneau défend dans le cas de l’histoire et de la mémoire du Québec.
On sait que ce programme scolaire se proposait d’évacuer la notion nationale elle-même de l’enseignement, dans le programme réformé d’histoire de Secondaire III et IV, prétextant de diverses manières qu’elle était désuète ou déplacée, bien qu’il s’agisse du programme d’histoire nationale du Québec3. Il est devenu au passage le programme « histoire et éducation à la citoyenneté ». Par un autre paradoxe, la citoyenneté en question n’est plus tant une citoyenneté québécoise qu’une bien-pensante et fantasmagorique « citoyenneté du monde ». Je vais donc aborder les implications d’un tel programme – même s’il a été quelque peu modifié suite au tollé qu’il a suscité, cette réflexion doit être poursuivie. Les questions de fond demeurent entières. Cela implique de revenir sur l’importance de la nation politique moderne du point de vue culturel et démocratique, et sur le rôle de l’école et de l’enseignement scolaire de l’histoire, d’un point de vue québécois.
Ensuite, je décortiquerai l’argumentaire de Jocelyn Létourneau qui en est, ai-je avancé, le socle théorique. Enfin, je tenterai de répondre à la question suivante : est-ce que l’argumentation Jocelyn Létourneau repose sur un habile déploiement de sophismes et de syllogismes, digne des grands Sophistes de l’Antiquité ?
La nation politique moderne : ni ethnique, ni civique, mais culturelle et politique
La nation politique moderne, historiquement indissociable dans son avènement de l’autodétermination des peuples, est la représentation du peuple souverain : elle s’impose véritablement à partir de la fin du XVIIIe siècle, avec les Républiques américaine et française et l’élan nationalitaire dont ces deux révolutions sont les catalyseurs en Amérique et en Europe au XIXe siècle, élan qui s’est poursuivi au XXe siècle et singulièrement après chacune des deux guerres mondiales puis après la chute de l’URSS. Et pourtant, malgré cette victoire de la démocratie sur le totalitarisme, il n’est pas à la mode d’invoquer la nation : elle est mal vue d’un certain cosmopolitisme et de deux progressismes distincts, l’un de gauche, l’autre libéral et même néo-libéral, dont les actions se rejoignent contre les souverainetés nationales. Paradoxalement, un certain « droit-de-l’hommisme » s’est même érigé en contradiction avec la démocratie et l’autodétermination des peuples. « BHL » est sans doute la figure emblématique de ce discours puisqu’il incarne une combinaison des deux discours postnationalistes, libéral et gauchiste, qu’on rencontre habituellement sous deux formes distinctes – schématiquement, disons qu’il y a La Presse ou The Gazette d’un côté, et Libération de l’autre4.
La souveraineté nationale paraît menacée par la mondialisation et la continentalisation qui font que de plus en plus de pouvoirs socio-économiques semblent échapper aux peuples. La nation politique est aussi le siège de la diversité culturelle véritable de l’humanité. En effet, la diversité culturelle de l’humanité repose avant tout sur un ensemble de foyers nationaux, bien vivants, avant de pouvoir s’échanger. Cette diversité culturelle, dans son sens profond, repose sur des peuples capables d’une forme d’autonomie pour être5. Une erreur très actuelle est de confondre diversité culturelle et multiculturalisme, alors qu’ils sont quasiment opposés : si toutes les grandes métropoles modernes ressemblaient demain à Londres et New York, quelle serait la diversité culturelle ? La diversité culturelle du multiculturalisme dans une grande ville cosmopolite et anglophone est à la diversité culturelle des nations ce qu’un jardin zoologique est aux aires naturelles du globe. Sans les secondes, il dépérira. Charité bien ordonnée commence par soi-même, dit le proverbe, qui s’applique à merveille aux peuples et aux nations engagés par la Convention sur la diversité culturelle. La diversité culturelle de l’humanité exige que les nations aient le courage de porter leur identité, au lieu d’un cosmopolitisme superficiel, voire anglicisateur.
On ne rencontre pas la culture grecque dans un restaurant de l’avenue du Parc qui propose de faux souvlakis au porc, mais en apprenant le grec, en visitant la Grèce, en s’imbibant de ses écrivains, cinéastes, musiciens, en expérimentant son art de vivre. Cette illusion du cosmopolitisme doit donc être combattue avec énergie, car elle fait prendre le faux pour du vrai, et menace en réalité une diversité des cultures, au sens plein du terme, au moins à l’échelle de l’Occident. Le multiculturalisme encourage, outre cette illusion, une ghettoïsation qui sape la solidarité commune, une des vertus nécessaires au bon fonctionnement de la République, au maintien d’une société civile saine.
Or, qu’est-ce que la nation aujourd’hui ? La nation moderne se définit par un ensemble de caractéristiques culturelles et politiques qui font son unité : une langue, un territoire, des lois, une histoire commune, une volonté de vivre ensemble et de durer manifestes, et une représentation politique généralement dotée de pouvoirs souverains. La nation englobe une diversité ethnique dans une culture et une langue communes, comme en France ou aux États-Unis, très fréquemment, puisqu’au fond, la plupart des grandes nations démocratiques modernes sont des métissages spécifiques liés par une matrice culturelle commune particulière. Pour Sieyès, la nation se définit par une loi et une représentation communes, que manifeste l’Assemblée nationale. Il faut d’ailleurs prendre la mesure de la portée républicaine du choix de nommer ainsi notre Assemblée depuis 1968. Pour Sieyès aussi, la nation française se définit par la langue française.
Que signifie donc ce principe républicain ? Il affirme clairement la valeur nationale de l’État québécois. En 1968, les Québécois ont signifié leur volonté de définir l’État québécois comme le siège d’une nation, un État défini par la culture de la majorité et établi pour elle. Ce choix républicain impliquait d’assumer pleinement l’État du Québec et son pouvoir au nom de la nation, qui s’émancipait ainsi de sa position de repli ethnique héritée du choc de 1840 et quittée de façon graduelle et partielle avant 1960. Ce choix républicain signifiait aussi que l’appartenance à la nation serait définie par l’identification au Québec plutôt que par le critère plus ethnique, d’identité canadienne-française : la minorité ethnique n’a pas les mêmes pouvoirs qu’un État défini par une nation, fût-il provincial. Assumer pleinement ces pouvoirs est essentiel à l’émancipation nationale et à la bonne continuation de la nation.
Cette identification au Québec passe nécessairement par une forme de patriotisme mais aussi de culture commune, ce que vinrent confirmer et expliciter les lois consacrant le français, langue de la vaste majorité, langue officielle du Québec, en 1974 et 1977. Une langue et une culture s’apprennent : en l’occurrence, on peut devenir Québécois, alors que la conception courante est que l’on naît canadien-français. Dans les fait, l’identité canadienne-française n’était pas aussi fermée à un métissage ethnique que certains ne le croient, mais toujours est-il que la nouvelle dénomination de la nation, québécoise plutôt que canadienne-française, manifeste une identité politique majoritaire enfin assumée et du même coup, son corollaire, le droit d’assumer aussi, comme les autres nations démocratiques occidentales, l’assimilation de son immigration à la nation – ce que font, en pratique, le Canada, les États-Unis ou la France, depuis fort longtemps.
Bref, la nation québécoise désigne un ensemble culturel et politique, doté de représentations manifestes, telle l’Assemblée nationale du Québec. Elle a bel et bien une Histoire et un territoire, clairement définis – on célèbre le 400e de Québec et les frontières du Québec sont officielles. Au-delà du choix des meilleures options politiques pour leur avenir, les Québécois s’entendent largement sur le maintien de cet État-nation québécois et la perpétuation de leur nation – le consensus minimal étant sa perpétuation comme État-membre de la Confédération canadienne reconnu comme une nation. Qu’ils soient fédéralistes, autonomistes, souverainistes, au moins les trois quarts des Québécois s’entendent sur ces principes. Et pourtant, cette nation, on lui contesterait le droit de se nommer dans ses cours d’histoire scolaires ?
Le faux argument ethnique
L’instauration d’un programme d’histoire dite « postnationale » a superficiellement été justifiée par la diversité ethnique des Québécois6. Le cours d’histoire est aussi un cours d’enseignement à la citoyenneté. Jean-François Cardin, le didacticien recommandé au ministère par Létourneau lui-même (dixit Létourneau), arguait que l’histoire québécoise enseignée était « trop québécoise » pour l’enseignement à la citoyenneté : « Mais la notion de citoyenneté entre 1959 et aujourd’hui a énormément changé. Elle est beaucoup moins ethnique, beaucoup moins nationale ». Ainsi, pour suivre l’argument de Cardin, la citoyenneté, pour être nationale, devrait reposer sur une uniformité ethnique qui n’existerait plus et par conséquent, l’histoire québécoise enseignée devrait être « moins québécoise ». La confusion entre ethnique et national est à la hauteur du produit. Imagine-t-on le Brésil prétexter de son immense diversité ethnique pour écarter le référant national ? La diversité ethnique y est pourtant plus grande, plus massive qu’elle ne le sera jamais au Québec !
Les minorités nationales du Québec sont historiquement définies : premières nations et minorité anglophone, fragment de la nation voisine. Il serait fallacieux de comprendre la politique d’immigration du Québec comme une politique visant à additionner de nouvelles nationalités sur le territoire québécois, plutôt que d’augmenter le nombre de Québécois. Quel serait l’intérêt d’une telle politique d’immigration ? Ce ne serait pas l’intérêt national des Québécois, ni du point de vue culturel, ni du point de vue politique, ni dans l’intérêt de leur démocratie.
Impossible de forcer l’adhésion des cœurs, objectera-t-on. Certes, mais la question est de savoir ce que l’État du Québec doit favoriser par ses politiques. Dans les faits, une culture commune absorbera la progéniture de l’immigration : reste à savoir si cette « culture seconde », (pour employer une définition dumontienne), si cette identité culturelle et politique sera canadian ou québécoise.
Le Québec a réaffirmé son droit et sa volonté de durer en 1867 en récupérant l’autodétermination en éducation. L’école, notamment l’enseignement de l’histoire, est justement un élément clé de la construction des États-nations depuis le XIXe siècle. Cette volonté de durer s’est confirmée et mise à jour, en veillant à l’intégration de l’immigration, désormais appelée à être un élément important de la croissance démographique nationale, avec la Charte de la langue française en 1977. La laïcisation des commissions scolaires poursuit cette logique avec cohérence. Logique qui entre en opposition frontale avec la prétention selon laquelle la nation serait caduque à cause de l’immigration.
Or les manuels québécois, selon J.-F. Cardin, étaient jusqu’ici trop « québéco-québécois7 » (sic) ! Si les manuels québécois n’enseignent pas un point de vue québécois, qui donc le fera ? Le point de vue québécois a-t-il droit de cité au Québec, et donc dans le monde, oui ou non ? Je crois que les Québécois répondront sans ambages que oui ! Sans mémoire, donc sans conscience québécoise, la culture québécoise et sa démocratie se déliteraient. Or, selon la Charte de la langue française, il revient précisément à l’école québécoise d’intégrer : les enfants d’immigrants ont le droit d’être inclus et de s’inclure dans le Nous québécois. On peut même dire que l’ouverture se définit par leur inclusion à ce Nous, et non pas par leur exclusion de la communauté nationale. Ainsi, l’argument voulant que la mémoire nationale québécoise doive être marginalisée, sous prétexte que tous ne sont pas de même origine ethnique, paraît irrecevable. Ce serait du nationalisme ethnique à l’envers. On tenterait de figer des identités minoritaires et d’empêcher l’identification à une culture commune sur la base des origines ethniques.8
Quels objectifs pour l’histoire nationale à l’école québécoise ?
Comment devrait-on intégrer cette diversité, à l’école, dans nos programmes d’histoire ? Les enfants issus de l’immigration sont admis comme tout le monde, (sauf les deux exceptions nationales qui ont leurs propres écoles publiques), au système scolaire commun, pour être adoptés et élevés comme des Québécois. S’ils se trouvent à l’école publique française, c’est qu’ils ont vocation à être élevés en tant que Québécois par l’État québécois. Faire le contraire serait intégrer la philosophie du multiculturalisme canadien à l’éducation québécoise, auquel le Québec n’adhère pas, multiculturalisme canadien imposé en 1982 par une constitution dont le Québec est exclu9. Au contraire, le Québec a affirmé son propre modèle, qui mise sur la culture commune10.
Tous les écoliers du système scolaire québécois sont de futurs citoyens québécois et appelés à élire leurs représentants à l’Assemblée nationale. À ce titre, la culture et la mémoire nationales sont leur patrimoine à tous, l’identité québécoise est à eux autant qu’aux autres. Dans les faits, il se trouve justement que les « enfants de la loi 101 » s’identifient pour la plupart au Québec, comme leurs camarades de vieille souche, parce qu’ils ont assimilé la culture commune à l’école. Pour dépasser mon expérience personnelle, qui confirme cette donnée, je citerai l’étude parue dans L’Annuaire du Québec 2004 : « Il est intéressant de constater que cette partie de la population, bien qu’arrivée au Québec récemment, adhère fortement à l’idée de nation québécoise.11 » N’est-il pas dans l’intérêt québécois de développer cette identification en enseignant l’histoire du Québec ?
L’école est même la principale institution québécoise à qui incombe l’intégration dans le modèle québécois – les autres compétences d’intégration appartiennent pour l’instant au Fédéral, comme d’ailleurs la citoyenneté était jadis britannique. L’argument postnational, s’il était admis à l’école, mettrait donc en pièce toute ambition québécoise d’intégrer l’immigration, avec les conséquences néfastes que cela implique pour la démocratie et la culture québécoise, bref pour la continuité de la nation. La véritable diversité culturelle, celle des foyers nationaux où vivent pleinement des cultures distinctes, qu’incarne le Québec en Amérique du Nord, serait sacrifiée à la diversité culturelle de pacotille qu’est le multiculturalisme dans un Dominion anglophone.
La culture, essence même de l’humanité, est un héritage, elle repose sur une transmission, comme le rappelle Alain Finkielkraut (La défaite de la pensée). C’est même la transmission qui fonde la capacité de civilisation. Notre propre civilisation hérite d’une responsabilité particulière, celle d’une civilisation originale, la civilisation de l’Amérique française : sa transmission est un des devoirs sacrés de nos institutions, en particulier de l’État québécois. Cette transmission, cette civilisation dépend d’une institution en particulier, l’école publique, où la transmission culturelle passe notamment par les cours de français et d’histoire. Paul Gérin-Lajoie disait en 1964, au moment de re-créer le ministère de l’Éducation du Québec, que le sort national, dans le contexte nord-américain, dépendait d’un système d’éducation de toute première qualité. Devant les faiblesses de notre système d’éducation et de sa dernière réforme, il est plus que temps de réhabiliter un humanisme moderne et modernisé.
Demandons-nous ici ce que l’enseignement historique scolaire devrait assurer quant à l’Histoire nationale du Québec. À l’enjeu de connaissance et mémoire nationales s’ajoutent sens critique et repères internationaux, qui font partie de ce qu’un cursus porté maintenant à 4 ans au secondaire doit aussi développer. L’oblitération de l’histoire nationale pose un problème en soi, inséparable de cet autre enjeu, le sens critique. Il paraît évident que le développement du sens critique de l’élève est rudement mis à l’épreuve si on le prive de la connaissance des événements clés de l’histoire nationale qui devraient éclairer sa réflexion citoyenne, ainsi que par le lavage de cerveau politiquement correct que tente de plaquer ce programme à l’évaluation du passé. Le passé, dans son altérité, est refusé et censuré, s’il ne semble pas en parfait accord avec la nouvelle catéchèse de rectitude politique. La réforme scolaire cède dangereusement à la tentation de créer un homme nouveau, et non un Québécois cultivé, dans trop de domaines pour ne pas dénoncer ce dérapage.
Pensons par exemple à cette « compétence » évaluée au primaire : « développer sa conscience citoyenne à l’échelle planétaire ». C’est une contradiction dans les termes (car qui vote à un gouvernement mondial ?) et mettre la charrue avant les bœufs : la conscience de la place dans le monde se développera au secondaire avec quatre années d’Histoire, même qu’un cours de Secondaire IV est prévu à cet effet, Problèmes du monde contemporain (sa caractéristique historique est compromise)12.
Avec le programme d’histoire proposé en 2006, le Québec, son histoire et la citoyenneté deviennent totalement irréels. La nomenclature originale des chapitres avait en effet un petit côté orwellien, préférant parler de « l’avènement de la démocratie sous le régime britannique » que de Conquête. Former l’esprit critique par une telle réécriture de l’histoire, c’est du propre… L’avènement de la démocratie au Québec résulte d’un combat, et non d’un cadeau, et ne fut pas consentie sans l’imposition préalable d’une annexion à l’Ontario et donc d’une minorisation, rappelons-le.
Dans le cas de l’histoire nationale québécoise enseignée, c’est la trame nationale qu’on voudrait évacuer. L’élève devrait ainsi être formé à « interpréter les réalités sociales », en fonction d’un credo politiquement correct, plutôt que formé par la connaissance du passé québécois. Est-ce bien pour cela qu’on avait confié à la commission Lacoursière de structurer un enrichissement du cursus scolaire en histoire ? Dans son rapport, cette commission parlait de l’histoire comme culture, pour « acquérir des connaissances qui constituent la base de l’alphabétisation sociale13 ». Or, en censurant des événements, comme la Conquête, et le pan central, la trame nationale, de l’histoire du Québec, le programme proposé en 2006 ne contribue point à acquérir des connaissances fondamentales sur notre société, ni à transmettre une culture, mais à une acculturation et à l’ignorance. L’histoire du Québec doit transmettre la mémoire d’une nation, à travers la connaissance de ses grands événements, ce qu’on appelle la trame nationale, dont la pertinence n’est qu’accrue par la volonté de faire une histoire de la démocratie, puisque cette trame est en bonne partie jalonnée de moments marquants d’une lutte pour les droits, l’autonomie et l’émancipation nationaux.
Intégrer cette diversité des origines que représente l’immigration, à l’école, dans nos programmes d’histoire exige de ne pas considérer les enfants des immigrés comme des étrangers mais comme des Québécois, à qui appartiennent la culture, la langue et la mémoire québécoise, tout simplement, sans discrimination selon les origines de leurs géniteurs14. La trame nationale fait bien sûr partie des exigences d’une alphabétisation de base de l’élève québécois et, devant l’importance actuelle de l’immigration, il est intéressant de relever aussi tout au long de cette trame les épisodes majeurs d’intégration de la diversité. Une diversité existait parmi les colons de la Nouvelle-France dont l’espace impérial fut de surcroît un havre pour les peuples amérindiens contrant l’élan de refoulement états-unien. Puis, une quantité massive d’Irlandais s’assimilèrent à la culture québécoise, donnant les Émile Nelligan et Daniel Johnson de notre histoire. Cette assimilation d’immigrants se poursuit, et nous donne aujourd’hui des figures courantes de notre vie culturelle et politique dont le patronyme ou l’origine immédiate viennent de tous les continents.
La philosophie sous-jacente à la réforme et la légitimité de son application
Nous avons vu que la diversité des origines ethniques ne peut justifier le « postnationalisme » dans une démocratie qui, comme le Québec, est définie par et pour une nation. Voire, la récente controverse entourant les accommodements raisonnables démontre, si besoin était, que les Québécois veulent que l’on mette toujours plus l’accent sur la culture commune et l’intégration, voire l’assimilation, plutôt que mettre le cap sur un multiculturalisme débridé. Comme le prescrivent la Charte de la langue française et la logique, l’école doit intégrer et non exclure ou fragmenter, si nous voulons demeurer cohérents avec la volonté québécoise de durer qui fonde notamment l’autodétermination québécoise en matière d’éducation.
Passons à cette heure à l’autre argument utilisé pour justifier cette tentative d’imposition du « postnationalisme ». Une philosophie politique sous-tend la dissolution radicale de la mémoire nationale qui est proposée. Cette philosophie se dit « postnationaliste », et défend une histoire « postnationale » au nom d’une prétendue libération des Québécois de leur condition nationale. Elle n’est donc pas favorable à la représentation du Québec comme une nation, quarante ans après la proclamation de l’Assemblée nationale, entrant ainsi en contradiction avec ses institutions démocratiques. À l’université Laval, un colloque l’automne dernier se demandait encore, « La nation québécoise existe-t-elle ? » intitulé dont Christian Dufour a bien montré le caractère oiseux, voire la veulerie15. L’auteur principal du « postnationalisme » au Québec, que consomment plusieurs administrations québécoises à l’heure actuelle – au ministère de l’Éducation et dans les musées d’histoire, notamment – est sans doute Jocelyn Létourneau. Son argumentaire postnational se trouve concentré dans son recueil Passer à l’avenir, né d’une réaction au rapport Lacoursière qui devait guider la réforme de l’enseignement de l’histoire.
Le rappel de la trame nationale, selon Létourneau, entretiendrait un sentiment de frustration et reviendrait à persuader les Québécois de la nécessité de l’indépendance alors que le « postnationalisme » les mettrait en accord avec leur état d’ambiguïté. État d’ambiguïté que Létourneau prétend « quintessentiel » aux Québécois, ce qui justifierait, selon lui, de tout faire pour favoriser son maintien, comme de passer d’une histoire nationale à une histoire post-nationale.
L’essentiel des thèses ambiguës et alambiquées de Jocelyn Létourneau est exposé dans Passer à l’avenir. Dans le jargon abscons qui lui est propre, il part en guerre contre feu Notre maître le passé de Lionel Groulx16, pourtant enterré depuis le credo moderniste de la Révolution tranquille, et il propose de substituer à la mémoire nationale – du « Je me souviens » - le concept de « se souvenir d’où l’on s’en va ». Abscons, disons-nous, parce que les intentions de l’auteur se cachent derrière des termes ésotériques de son cru.
Létourneau déplore que la mémoire québécoise, celle d’une lutte nationale que couronne une émancipation à la Révolution tranquille, soit largement répandue. Il l’appelle « l’histoire tabarnaco17 » pour signifier toute l’estime qu’il a pour cette identification à la nation québécoise, qu’il s’échine à limiter de manière ethniciste. Létourneau voit dans cette conscience un excès de mémoire18. Pourquoi ? Parce qu’il prétend ouvrir les consciences à une « prédisposition à un recommencement régénérateur19 ». C’est donc une révolution culturelle que, tel un nouveau Mao, Létourneau voudrait imposer. Au nom de quelle légitimité, serait-on tenté de demander ? Létourneau a découvert, tel un devin, notre avenir, et nous devons suivre ses prescriptions pour arriver à cet avenir « meilleur ». Il est donc étrange de voir Létourneau prétendre être étranger à la politique et fustiger les intellectuels engagés, quand il prend sur lui de définir pour la nation son avenir, plutôt que de laisser ces choix à une délibération démocratique.
Létourneau tente par tous les diables dans Passer à l’avenir d’ethniciser la mémoire nationale et de fragmenter ethniquement les Québécois en désignant les « Québécois d’ascendance canadienne-française » comme les seuls que le récit national concerne, ce que le programme scolaire proposé prend, malgré leur majorité, comme une raison pour oblitérer cette histoire au nom de l’ouverture. En réalité, au lieu d’une ouverture, il s’agit d’une exclusion ethniciste des néo-Québécois de la nation québécoise qui est particulièrement perverse et néfaste pour le vivre-ensemble démocratique et la perpétuation de la culture québécoise.
Je le répète, si la mémoire québécoise n’a pas droit de cité au Québec, où logera-t-elle ? En revanche, en quoi est-ce que le Québec aurait vocation à transmettre une mémoire chinoise, grecque, italienne, etc. ? À la lumière de la convention sur la diversité culturelle, son devoir est au contraire de défendre et perpétuer sa part de la diversité culturelle de l’humanité. Enfin, au nom de l’ouverture à de prétendues mémoires ethniques qui uniraient des individus sur le territoire québécois qui sont, en réalité, en voie d’assimilation à la nation québécoise, on ne donnerait plus droit de cité à la mémoire majoritaire, celle dont la culture définit le Québec, celle que Létourneau identifie aux seuls Canadiens français qui forment une majorité écrasante de Québécois, qu’ils soient de souche canadienne-française, canadienne-française mixte, ou assimilés. Étrange conception de la démocratie en vérité.
Seule la gent d’ascendance canadienne-française pourrait se sentir concernée, avance Létourneau, et il l’isole toujours dans ses recherches sur la mémoire. L’expérience démontre au contraire que les « enfants de la loi 101 » s’identifient aisément à la trame historique nationale, nous l’avons vu. L’aveuglement volontaire à l’identification culturelle au Québec, qui dépasse les critères ascendance en réalité, nous rapproche davantage des représentations du type des quarterons de noblesse de l’Ancien Régime que de l’analyse sérieuse d’une culture moderne et de la mémoire qui l’anime. Cette faiblesse est donc une faiblesse dans la définition des prémisses. Voyons maintenant l’argument.
« Se souvenir d’où l’on s’en va » ?
Le passé québécois, la mémoire nationale, bloqueraient selon Létourneau l’avenir, et l’historien devrait au contraire laisser l’avenir ouvert. On se demande bien ce que veut dire Létourneau, puisqu’en fait, l’avenir se conçoit comme ouvert et indéfini par définition. En fait, l’avenir dépendra de nos débats et de nos choix. Ce doit donc être un avenir bien précis que Létourneau croit bloqué par cette mémoire, le frustrant au point de vouloir programmer un reformatage de la mémoire québécoise ?
En fait, à la question « pour quel avenir, en effet, se souvenir ? » qu’il pose en conclusion de son premier chapitre de Passer à l’avenir, Létourneau répond au chapitre trois, intitulé « Quelle histoire pour l’avenir du Canada ? » L’avenir se confond donc avec un certain Canada. Dans ce chapitre, Létourneau demande aux intellectuels de forger « une narration de médiation et de conciliation plutôt que de séparation », nouveau devoir des clercs. Ici, le jupon dépasse, l’orientation politique trudeauiste de cette opposition construite saute aux yeux. On comprend mieux à présent l’insistance de Létourneau, dans le premier chapitre, sur l’oubli, l’oubli nécessaire, pour pouvoir pardonner. Citons-le : « Il s’agit plutôt de l’aboutissement d’un deuil, qui s’étant mué en pardon, ouvre un univers d’avenir20 », c’est-à-dire l’avenir bien précis que souhaite Létourneau, soit « l’avenir du Canada », et dont il craint que les Québécois ne se détournent à cause de leur mémoire. Le deuil est-il celui du Québec, tout simplement ? Or lobotomie imposée et pardon ne sont en rien identiques : seul le second est volontaire.
Au fond, en minorisant la mémoire québécoise, Létourneau propose de réécrire le récit national en fonction d’un avenir canadien : c’est ce que signifie – et camoufle – l’expression « se souvenir d’où l’on s’en va »21. Au lieu de proposer ouvertement aux Québécois de pardonner quelque chose au Canada, par exemple après un geste conséquent de celui-ci, Létourneau propose de manière couverte de programmer cet oubli au nom d’une noble fin qu’il a lui-même définie pour tout un peuple, « l’avenir du Canada ».
L’unité canadienne devrait donc être reprogrammée dans l’esprit des Québécois, parce qu’apparemment leur mémoire et la conscience nationale qui en découle, les inciteraient à la séparation. Ici, Létourneau se révèle déterministe : la mémoire québécoise serait un appel presque irrésistible à l’indépendance. La contradiction paraît grande : la mémoire nationale est une conscience de soi, et cette conscience est essentiellement ambiguë selon Létourneau, mais d’un autre côté cette conscience est nécessairement séparatiste. La mémoire québécoise n’est-elle pas plutôt, et avant tout, porteuse de l’identité nationale ? Si l’histoire nationale empêchait en soi, de façon absolue, les Québécois d’accepter la Confédération, il me semble qu’ils auraient depuis longtemps réalisé leur indépendance. Comme l’a très bien montré l’historien A. I. Silver22, la conscience nationale des Québécois était nette en 1867, identifiant le Bas-Canada avec la nation canadienne-française et exigeant l’autonomie provinciale pour adhérer au projet de Confédération en tant que nation capable de se perpétuer culturellement et d’une forme d’autonomie.
La conscience nationale n’est pas, en soi, un conditionnement indépendantiste, mais d’une certaine autonomie, certes. La meilleure option pour cette nation, autonomie provinciale, autonomie accrue, souveraineté-association, indépendance, fait l’objet du débat démocratique. D’ailleurs, l’option indépendantiste est bien concrète et cincrétisable depuis quelques décennies seulement. L’histoire nationale a été longtemps rédigée et enseignée au Québec, parfois dans un sens souverainiste, mais le plus souvent dans le sens d’un nationalisme fédéraliste. Lisez un manuel classique du XXe siècle comme le Farley et Lamarche des Clercs de Saint-Viateur, vous y trouverez un récit national, un patriotisme québécois [canadien-français] tout à fait fédéraliste cependant. En réalité les Québécois sont de nos jours partagés sur la souveraineté, et non sur l’existence, l’autonomie québécoises, depuis longtemps consensuelles23.
Il serait plus juste de dire, d’après notre Histoire nationale, que la mémoire québécoise est porteuse d’une volonté de durer comme ensemble culturel et politique distinct, que de nécessairement réaliser la séparation (à date), pour parler comme Létourneau. Reprogrammer cette mémoire nationale selon les vœux de Létourneau serait donc faire courir à la nation québécoise un risque bien plus grand que l’hésitation sur les options politiques. La lobotomie prescrite est une ablation de l’identité québécoise. L’indépendance demeure une possibilité d’avenir, comme il demeure possible que les Québécois choisissent le fédéralisme, le fédéralisme renouvelé ou l’État autonome. Ce débat-là est politique, il se fait sur la place publique. Il n’est pas déterminé par le fait d’enseigner un cours d’Histoire nationale, qui existe depuis bien plus longtemps que les partis souverainistes, puisque la volonté de préserver l’autonomie en matière d’éducation s’est exprimée avec succès en 1867.
Létourneau reconnaît lui-même que l’entreprise est très risquée24 : en vérité cet oubli, s’il était profond, entraînerait la disparition du sujet québécois de l’histoire, de toute représentation du Québec comme ensemble culturel et politique. Ce risque, il voudrait le faire courir dans l’espoir d’obtenir « l’accomplissement complet […] de la dualité structurante du Canada25 », accomplissement dont l’indépendantisme serait le vrai frein. Peut-être, mais d’où sort soudain cet impératif catégorique ? Est-ce que les Québécois ont un jour choisi pareille fusion, en 1867 ou en 1995 ?
En reprogrammant notre mémoire pour obtenir cet accomplissement, Létourneau tente ainsi de choisir en lieu et place des Québécois entre les diverses options qui s’offrent à eux, l’option la moins autonomiste et la plus canadianiste. C’est un programme trudeauiste dépourvu de légitimité du point de vue de l’Assemblée nationale et de l’État québécois. Ce n’est plus un avenir ouvert, mais déterminé canadien, obligatoirement canadianiste, que Létourneau veut imposer cavalièrement aux esprits par l’histoire officielle et scolaire. Or pareil choix relève de l’ordre de la volonté politique et, avancé à visage découvert, ne serait défendu ni défendable par aucun des trois partis politiques de l’Assemblée nationale, PLQ y compris. Il n’est guère défendable autrement que par la ruse et n’aurait que peut de chances d’être accepté dans une délibération ouverte à la société québécoise – prenons l’exemple ici des élucubrations « post-bilinguisme » de Justin Trudeau en mai 2007.
Létourneau n’avance pas à visage découvert sa volonté de passer à une histoire qui efface l’identité québécoise et fasse place à du neuf, place qui serait très accueillante pour le multiculturalisme canadien en pratique. Car, la nature ayant horreur du vide, en sapant la capacité d’intégrer les enfants à une identité québécoise, pareil diktat entraînerait à terme une fusion dans l’ensemble canadien, fusion dont Létourneau lui-même reconnaît que les Québécois n’ont jamais voulu ni ne veulent. Comment peut-on l’imposer alors au programme scolaire sans une délibération extensive et démocratique qui mette en lumière les risques qu’elle fait courir au « noble désir québécois de durer » ? Plutôt que noblesse, Létourneau y voit d’ « anciens et fatigants canons identitaires26 » - on se demande alors pourquoi il juge incompréhensible que Hubert Aquin parle de « fatigue culturelle »27.
La voie de la marmotte
Létourneau a bien sûr été irrité par le débat entourant la reconnaissance du Québec comme nation par le Canada. Létourneau enjoigna même le Québec d’abandonner cette revendication pour plutôt se « comporter comme une marmotte » (sic). Lorsque Létourneau prétend favoriser une troisième voie, ni fédéraliste ni souverainiste, qu’il appelle lui-même la voie de la marmotte, il oublie trop facilement que l’abolition de la nation québécoise et de sa mémoire, dans le cadre confédéral canadien, n’aurait rien d’une troisième voie. Bizarrement, tout en citant la marmotte, Létourneau use d’un exemple pour confirmer sa conception de l’ambiguïté québécoise, qui est que le PLQ est surtout populaire quand il se montre nationaliste28. Et comment un parti québécois pourrait-il être nationaliste sans nation aujourd’hui, et encore plus demain sans mémoire nationale ?
Une troisième voie véritable serait confédérale, c’est-à-dire qu’elle favoriserait une logique de Confédération au sens plein, tel le modèle exemplaire suisse, ce qui signifierait clarifier davantage la représentation politique de la nation québécoise par une constitution et une citoyenneté propres, à l’instar d’un Canton suisse. Mais Létourneau ne vise pas à clarifier davantage, bien au contraire. À l’inverse, abolir la nation, réduire l’identification au Québec, dans un contexte où de surcroît l’immigration est appelée à être importante, c’est plutôt pencher la balance entre les voies de Trudeau et Lévesque très fortement, et ce n’est pas dans le sens de Lévesque, ni même des Québécois fédéralistes de la tradition du PLQ de Lesage et Bourassa. Ce serait passer à un avenir canadien à la mode trudeauiste.
On comprend alors pourquoi Létourneau voudrait tant que nous cessions de parler de nation québécoise, pour n’user plus que de termes politiquement impuissants, tels que « groupe » ou « société ». La nation a une valeur politique et culturelle qui représente l’autodétermination du peuple, la démocratie, ce que ne peuvent rendre groupe ou société, qui sont des agrégats assez neutres d’individus ayant peu de rapport avec le demos de la démocratie. Imagine-t-on les Québécois représentés par une « Assemblée groupusculaire », célébrer le 24 juin une « fête sociétale » ?29
Rappelons le lien entre les réflexions de Passer à l’avenir et le rapport Lacoursière : le rapport offrait un « prétexte remarquable » à la remise en cause de la mémoire québécoise (sic). Létourneau entreprit de déployer une rhétorique apte à déconstruire la logique québécoise des nouveaux cours d’histoire du Québec, pour proposer une rupture avec la transmission de la mémoire québécoise – « une révolution de la mémoire collective »30. Cette proposition invraisemblable semble pourtant avoir reçu une écoute attentive au ministère de l’Éducation du Québec, à tel point que le programme « histoire et éducation à la citoyenneté » présenté l’an dernier, plaisait davantage à Létourneau qui se porta à sa défense, qu’il ne semblait répondre aux intentions exprimées lors de la création de la commission Lacoursière, qu’il était censé matérialiser.
Il est vrai que ce rapport avait déjà « entrouvert la porte » à une « négation du fait français », se félicite Létourneau : « par souci de rectitude politique, par conviction, par sagesse […] par discernement […] pour toutes ces raisons ensemble ».31 On remarquera que ces raisons n’en sont guère et que cette commission accoucha de ce résultat essentiellement pour cause de faiblesses politiques. Entre autres, une conception pré-loi 101 de l’immigration y prévalut, représentée par de prétendues « communautés » et leurs médiateurs ethniques. Or, arrivées avant l’adoption de la loi 101, elles ne sont pas représentatives des vagues suivantes. Le vice du rapport est de parler d’inclure « le rôle historique des communautés culturelles32 » dans les manuels d’histoire du Québec plutôt que de l’immigration dans l’histoire du Québec. Néanmoins le discours de Létourneau pousse bien plus loin, en proposant de ne plus parler du tout de la communauté nationale et de sa mémoire.
Sans surprise, ce discours « postnationaliste » ressemble énormément à celui qui était tenu par d’anciens dédaigneux de la démocratie, marxistes, qui n’accordaient pas d’importance à cette structure politique. Par exemple, jadis, (dans une autre vie), Gilles Bourque, dans un ouvrage placé sous le signe de l’orthodoxie marxiste, enjoignait les intellectuels à refuser de parler de nation. L’État national et le nationalisme seraient un pur effet du « MPC », le mode de production capitaliste. Cet internationalisme est éloigné de la pratique des puissances communistes, mais passons. Voici ce qu’écrivait Gilles Bourque : « Nous préférons pour notre part, évacuer les notions de nation et de nationalité […] et leur substituer les termes de formation sociale et de groupe linguistique.33 »
Les termes employés par Létourneau pour ne pas parler de nation n’ont donc rien de nouveau, ils sont identiques à ceux des anciens intellectuels marxistes détracteurs de la démocratie et de la nation. Étant donné l’importance démocratique et culturelle de cette représentation, qui s’appuie sur une mémoire collective nationale enseignée à l’école, son élimination ne devrait se faire, selon un processus éthique et démocratique, que si la nation choisissait publiquement d’abdiquer son autonomie et son identité. Autrement dit, il faudrait un référendum sur l’abdication nationale !
Car un enseignement véritablement « postnational », par le danger de l’éclatement de la mémoire et de l’identification à la nation québécoise, serait une décision grave, lourde de conséquences pour notre démocratie et la continuité de notre culture nationale. Qui veut remettre en question cette continuité, fière volonté de durer en face de toutes les adversités, qui est une caractéristique de notre histoire depuis toujours ? Pareille décision serait en contradiction avec la déclaration unanime de l’Assemblée nationale que le Québec forme une nation. Sa légitimité démocratique paraît donc nulle. La nation québécoise n’a pas abdiqué. Rien ne nous permet de croire que la volonté populaire des citoyens québécois est de mettre fin à cette aventure.
L’identification culturelle et politique au Québec, comme dans toute démocratie, aux efforts que requièrent le bien commun et la perpétuation de sa culture unique, seraient grandement diminués, s’ils étaient privés de la mémoire nationale. Si, en revanche, l’éducation favorise l’identification à la nation par la connaissance, dans le partage, au-delà des origines diverses, et favorise l’ouverture de la nation aux échanges d’une humanité mondialisée par une identité solide et non pas menacée, alors le peuple, la nation, la démocratie des Québécois en seront renforcés, au profit de la portion de la diversité culturelle de l’humanité qui nous incombe. C’est ainsi que nous pourrons nous construire un avenir, et non devenir du passé !
Car au fond, tel est le programme de Létourneau, qui propose de « passer à l’avenir » et de « faire son deuil ». À l’échelle globale, la proposition « postnationale » pourrait sembler assez oiseuse, voire ridicule. Il est assez improbable que dans un futur prévisible, les Norvégiens cessent de vouloir être norvégiens, les Japonais, japonais, les Saoudiens, arabes. Les positions de dépassement d’une identité nationale, concrètes aujourd’hui comme dans le passé, sont celles qui poussaient ou poussent à la fusion dans un empire ou une structure semblable, vers une autre nation. Ainsi, d’aucuns tentent-ils de fusionner les Européens autour d’une langue commune, l’anglais, et la menace la plus réelle de dépassement du national n’est-elle pas absolue, mais relative : ce serait celle d’une fusion dans une culture occidentale dite cosmopolite, en réalité anglo-saxonne. Mais même au sein de l’Union européenne, il est manifeste que les peuples ne veulent pas de cette forme d’union, qu’il s’agisse d’anciens membres, comme la nation française, ou de nouveaux, comme la nation lithuanienne. Pourquoi cet attachement ? La nation incarne l’identité culturelle, dans un cadre viable, dimension culturelle qui est le propre de l’Homme. Elle est aussi le cadre viable de l’autodétermination d’un demos - identifié précisément par une culture, lien fondant la solidarité essentielle à son existence.
Létourneau, un grand Sophiste ?
Maintenant, examinons l’argumentation « postnationaliste » en cause, à la lumière de la sophistique. Peut-on comparer Létourneau à un grand Sophiste de l’Antiquité ? D’emblée, on pourrait le comparer, parmi les contemporains de Socrate, maîtres dans l’art rhétorique, à Prodicos, pour la grande maîtrise du vocabulaire et du jeu sur les définitions : nous l’avons vu, Létourneau use à l’envi d’un vocabulaire de son cru, enveloppant ses propositions d’un voile d’opacité qui fait souvent son petit effet, comme Prodicos en usait et en abusait pour en imposer aux Athéniens.
On pourrait aussi comparer Létourneau à Protagoras, le relativiste (« L’homme est la mesure de toute chose »), l’aïeul du postmodernisme en quelque sorte ! Protagoras se faisait passer pour un maître de sagesse reconnu : Létourneau a été richement décoré par la Fondation Trudeau en 2006, « pour sa Sagesse ». Létourneau joue comme Protagoras sur la relativité qu’on peut appliquer à tout et à rien pour l’appliquer à l’identité nationale québécoise – épargnant comparativement l’identité canadienne, par exemple, puisqu’il s’interroge et s’aligne sur une mémoire nécessaire à l’avenir du Canada tel qu’il le conçoit.
Ou alors on pourrait comparer Létourneau à Gorgias, maître de l’art de la persuasion. Ces grands Sophistes étaient tous trois professeurs de rhétorique. Dans le dialogue Gorgias de Platon, Socrate demande à Gorgias (454-455), des deux sortes de persuasion, celle qui produit la croyance sans la science et celle qui produit la science, quelle est celle qui est propre à la rhétorique ? Gorgias répond qu’il s’agit de la première, art qui permet aux maîtres rhéteurs, devant l’opinion ou une assemblée délibérative, de l’emporter, même sur les spécialistes dans des matières où ces spécialistes seraient seuls compétents, et leur permet ainsi de faire adopter ce qu’ils prônent (456).34 C’est l’art de persuader, à distinguer de la recherche de la vérité. Ainsi, l’avenir canadianiste que Létourneau se propose d’imposer par un reformatage de la mémoire québécoise, serait difficilement défendable devant une assemblée délibérative et aurait bien peu de chances de l’emporter, sans l’art de la rhétorique déployé par Létourneau dans Passer à l’avenir - dont le succès d’estime est comparable à celui des grands Sophistes à l’époque socratique.
Au-delà de ces cas particuliers de grands Sophistes, il me paraît pertinent d’examiner la rhétorique de Létourneau à la lumière de la sophistique. Parce qu’il use et abuse de sophismes pour faire adopter ses mesures en embrouillant ses intentions derrière un vocabulaire abscons, à l’instar de ces maîtres rhéteurs. Il joue ainsi sur l’évolution du nom de la nation québécoise, sur le fait qu’on nommait autrement la même réalité en 1867, pour faire semblant que cette réalité n’existe pas, alors qu’elle est déterminante de notre histoire politique et culturelle, déterminant et définissant l’identité québécoise en tant que telle, aujourd’hui comme à travers notre histoire. La ruse prime donc sur le dialogue, la dialectique qui permet la recherche du bien commun. L’intention qui se cache derrière cette sophistique doit nous interroger. Nous avons décortiqué cette ruse qui consiste à adopter la posture de « passeur de l’avenir », comme si c’était une donnée neutre, scientifique, dans « Se souvenir d’où l’on s’en va », ainsi que la rhétorique habituelle de Létourneau, masquant le choix délibéré d’un avenir spécifique, trudeauiste, dévoilé dans « Quelle histoire pour l’avenir du Canada ».
Aussi, si on définit un sophisme comme un « argument ou un raisonnement faux malgré une apparence de vérité », je crois avoir indiqué combien l’argument selon lequel enseigner l’histoire nationale des Québécois aux Québécois les conditionnait à l’indépendance était manifestement faux, d’après une expérience séculaire. Enseigner l’histoire nationale revient surtout à partager la conscience et la mémoire d’une communauté politique et culturelle bien définie, le Québec, qui a exigé et obtenu en 1867 l’autodétermination en matière d’éducation précisément à cette fin.
De plus, cet argument est particulièrement incongru, parce qu’il semble supposer que l’indépendantisme n’a pas droit de cité au Québec. Or, les Québécois optent en fait soit pour la souveraineté, soit pour le fédéralisme à parts quasi égales depuis 1995 et ces deux options devraient donc avoir droit de cité dans nos débats intellectuels. Davantage, ce n’est pas l’indépendantisme comme possibilité d’avenir qui est visé par cette réforme, ce qui serait déjà tendancieux et déplacé, mais la simple identification à la communauté nationale québécoise par la connaissance de sa mémoire, ce qui est outrancier. L’école québécoise conserve son rôle essentiel de transmission, d’éducation et d’intégration québécoises.
Létourneau se justifie par une assertion assez vaporeuse selon laquelle l’essence des Québécois serait ambiguë depuis toujours et en revanche leur mémoire nationale serait indépendantiste. Voilà une autre contradiction flagrante. En outre, le souverainisme mettrait en danger la nature profonde des Québécois qui auraient une nature profonde spécifique, sans pourtant être un peuple spécifique ? Autre argument spécieux, d’autant plus que l’option souverainiste n’est réellement offerte à l’opinion comme option applicable en élection que depuis les années 1960-70. L’idée est très ancienne, mais un parti capable et dédié à la réaliser n’existe que depuis une génération grosso modo. Il est présomptueux de juger nos ancêtres sur une option qu’ils n’avaient guère la possibilité d’examiner concrètement dans le système colonial britannique où leurs options étaient plus restreintes. L’ambiguïté du présent, manifeste depuis une génération sur cette question d’avenir politique, impose au contraire de ne pas trancher, dans nos cours d’histoire, entre fédéralisme et souverainisme, encore moins en faveur d’un canadianisme trudeauiste. En revanche, la volonté de durer et d’assurer une perpétuation de l’identité nationale ne souffre d’aucune ambiguïté, ne serait-ce que depuis 1867, ce que Létourneau contourne en parlant d’indépendantisme (sujet à débat) au lieu de la transmission d’une identité (légitimée depuis 1867, voire 1774). L’argumentaire ne recherche donc guère la cohérence, mais sème la confusion.
Cela s’applique à toute la rhétorique déployée ensuite pour défendre le programme d’histoire postnationaliste qui répond, en somme, aux critiques adressées par Létourneau au rapport Lacoursière, demandant que la déconstruction postmoderne aille plus loin. Ce nouveau programme semble dévoyer les intentions premières de cette réforme scolaire pour imposer un contenu plus que contestable, déterminé en catimini en fonction de visées guère présentables à découvert, ayant donc recours aux artifices des maîtres rhéteurs pour brouiller les pistes de l’examen dialectique public.
Autre déploiement de sophistique, la rhétorique lancée pour justifier un programme d’histoire « postnationaliste » me semble reposer sur un syllogisme en même temps que chercher à miser sur une apparence de rectitude politique pour s’imposer. Si on définit un syllogisme comme un raisonnement purement formel qui tire de deux prémisses une conclusion sans rapport avec le réel, alors la proposition suivante me paraît être un syllogisme manifeste : « Les Québécois ne sont pas tous de même origine ethnique [majeure]. Pour enseigner une histoire nationale à des élèves, il faut qu’ils aient tous la même origine ethnique [mineure]. Donc, il est déplacé d’enseigner l’histoire nationale du Québec aux élèves québécois [conclusion]. » C’est la prémisse mineure qui insère dans ce syllogisme un sophisme flagrant qui donne une conclusion sans rapport avec le réel.
Il me semble, par conséquent, qu’il est pertinent de parler ici de l’art que l’on a coutume d’appeler sophistique, pour qualifier l’édifice théorique et rhétorique dont Jocelyn Létourneau a posé les fondations, et étayé plus largement pour imposer une conception « postnationaliste » de l’histoire québécoise, et tenter de réaliser, de cette façon originale, habile et très en phase avec le postmodernisme et la bien-pensance, d’assouvir un vieux rêve de nationalistes canadiens ultras par rapport à l’enseignement de l’histoire au Québec. L’inquiétant, dans cette histoire est donc, plus encore que l’œuvre de Létourneau, l’accueil qui lui est réservé, en particulier au ministère de l’Éducation. « Le temps n’approche-t-il pas où le nettoyage de ces écuries d’Augias deviendra nécessaire ? » demandait Jean Éthier-Blais en 199335. Ce temps est arrivé.
1 Dixit Létourneau, in Antoine Robitaille, entrevue avec Jocelyn Létourneau : « Le débat sur la nation, une perte de temps ! », Le Devoir, 6 nov. 2006.
2 Cf. Jocelyn Létourneau, « Rectifications et précisions à l’égard d’un texte assassin – Un débat mal parti », Le Devoir, 1er mai 2006 et la réponse du journaliste Antoine Robitaille à l’auteur.
3 Cf. « Débat sur le programme d’enseignement de l’histoire au Québec », Bulletin d’histoire politique, vol. XV, no 2, hiv. 2007.
4 Voir à ce sujet, l’entretien avec Mathieu Bock-Côté dans le présent numéro.
5 Cf. D. Parenteau, « La question nationale québécoise et le principe de la diversité culturelle », L’Action nationale, vol. XCVI no 9, nov. 2006, p.46-52.
6 J.-F. Cardin, in Antoine Robitaille : « Cours d’histoire épurés au secondaire », Le Devoir, 27 avril 2006. Voir aussi les critiques dans Antoine Robitaille : « Fournier rejette l’histoire épurée », Le Devoir, 28 avril 2006.
7 Jean-François Cardin : [« Enseignement de l’histoire – les programmes d’histoire nationale, une mise au point »->1056], Le Devoir, 29 avr. 2006.
8 Pour un plus ample débat sur la fragmentation ethnique dont certains se font les thuriféraires, voir « Sur La Société des identités, de Jacques Beauchemin », Bulletin d’histoire politique, vol. XV no 3, print. 2007.
9 Cf. le manifeste « En finir avec le multiculturalisme », L’Action nationale, vol. XCVII no 3, mars 2007, p. 49-54.
10 Cf. Guillaume Rousseau, La nation à l’épreuve de l’immigration, Québec, Le Québécois, 2006.
11 Isabelle Beaulieu, « Le premier portrait des enfants de la loi 101. Sondage auprès des Québécois issus de l’immigration récente », L’Annuaire du Québec 2004, p.262.
12 Cf. Robert Comeau, « La disparition du cours d’histoire du XXe siècle en 5e secondaire », L’Annuaire du Québec 2008, p.197-202.
13 Ministère de l’Éducation du Québec (MEQ), Se souvenir et devenir. Rapport du groupe de travail sur l’enseignement de l’histoire, Gouvernement du Québec, 1996, p.3, cité par Robert Martineau, « Le rapport Lacoursière : une relecture dix ans après », Bulletin d’histoire politique, vol. 14 no 3, print. 2006, p.14.
14 Cf. Charles Courtois, « Histoire d’une confusion », L’Action nationale, vol. XCVI no 6, juin 2006, p.16-28.
15 A. Robitaille, « Charge contre une certaine élite qui continue à douter de l’existence de la nation », Le Devoir, 7 déc. 2006.
16 J. Létourneau, « Se souvenir d’où l’on s’en va », in [Passer à l’avenir. Histoire, mémoire, identité dans le Québec->10132], Montréal, Boréal, 2000, p.38 : « Le passé ne peut en effet être érigé en maître ».
17 « Se souvenir d’où l’on s’en va », Passer à l’avenir, p.36.
18 op.cit., p.37.
19 Ibid.
20 Ibid.
21 Cf. J. Létourneau, « Quelle histoire pour l’avenir du Canada ? », Passer à l’avenir, p.79-108.
22 The French-Canadian Idea of Confederation, 2e éd., Toronto, University of Toronto Press, 1997.
23 Dans une proportion des trois-quarts, ils estiment former une nation et sont favorables à participer avec une équipe nationale propre aux championnats, à l’instar de l’Écosse. Sur la nation, sondage Ekos d’août 2006, cité par Jeffery Simpson, « It’s Divisive to Talk About Quebec Nation », Globe and Mail, 15 sept. 2006. Sur Équipe Québec, sondage Léger Marketing à l’automne 2006, cité notamment par François Parenteau : « Go, Équipe Québec ! », Voir, vol. 20, no 42, 19 oct. 2006.
24 J. Létourneau, « Se souvenir d’où l’on s’en va », Passer à l’avenir, p.38 : « Or […] cette opération délicate […] voire dramatique par les risques qu’elle comporte ».
25 « Quoi transmettre ? », Passer à l’avenir, p.158.
26 « Quoi transmettre ? », Passer à l’avenir, p.159.
27 Cf. Hubert Aquin : [cinq questions aux nationalistes d’aujourd’hui->2398], colloque de la semaine du 6 nov. 2006, paroles de J. Létourneau, émission du 26 déc. 2006 : http://www.radio-canada.ca/radio/profondeur/27486.html .
28 A. Robitaille, « Le débat sur la nation, une perte de temps ! », Le Devoir, 6 nov. 2006
29 Voilà pourquoi le gouvernement du Québec ne voulait plus, en 2006, parler de politique nationale de l’agriculture : le PLQ de Charest se ferait volontiers plus trudeauiste que bourrassiste, mais en douce car cela se défend malaisément en public. Récemment, un nouveau panneau de la Capitale nationale, omettant l’épithète national, a refait la démonstration de cette intention.
30 Passer à l’avenir : « Se souvenir d’où l’on s’en va », p.16 et « Pour une révolution de la mémoire collective. Histoire et conscience historique chez les Québécois d’héritage canadien-français », p.115-140.
31 « Se souvenir d’où l’on s’en va », Passer à l’avenir, p.15-16.
32 MEQ, Se souvenir et devenir, encadré 2, cité par R. Martineau, « Le rapport Lacoursière : une relecture dix ans après », Bulletin d’histoire politique, vol. XIV no 3, print. 2006, p.20-21.
33 L’État capitaliste et la question nationale, Montréal, PUM, 1977, p.147.
34 Platon, Gorgias ou sur la Rhétorique, cf. trad. d’É. Chambry, « Notice », p.4 : http://classiques.uqac.ca/classiques/platon/Gorgias/Gorgias.html
35 Le siècle de l’abbé Groulx. Signets IV, Montréal, Leméac, 1993, p.257
Examen d’un programme d’histoire «post-nationaliste»
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Charles-Philippe Courtois29 articles
Charles-Philippe Courtois est docteur en histoire et chercheur postdoctoral à la Chaire de recherche en rhétorique de l'Université du Québec à Trois-Rivières. Il prépare la publication de La Conquête: une anthologie (Typo, automne 2009).
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Charles-Philippe Courtois est docteur en histoire et chercheur postdoctoral à la Chaire de recherche en rhétorique de l'Université du Québec à Trois-Rivières. Il prépare la publication de La Conquête: une anthologie (Typo, automne 2009).
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