Lettre à Pierre Falardeau

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Salut, Falardeau, (manière de Galarneau ombragé!)
Pendant un séjour dans le Bas-du-Fleuve, j’ai appris que vous étiez malade. Je ne sais si ce mal est si grave mais cette nouvelle – que j’espère fausse! - m’a drôlement secouée. Parce que je vous aime, Pierre Falardeau. Depuis que je vous connais comme écrivain, cinéaste, militant!... J’aime votre véracité, votre sans détour, votre sourire multifonctionnel... et j'aime votre humour, même grinçant! Même si, par ailleurs, je n’aime pas toujours la façon que vous retenez pour dire les choses - bien que je puisse très bien la comprendre et que personnellement elle ne me choque pas vraiment - c'est bien plutôt parce que je crains qu’elle ferme ceux/celles qu’elle choque et qui auraient, je crois, le plus besoin de s’ouvrir à la vérité immense derrière votre propos. Et parce que j’aimerais que ceux-là l'entendent au-delà du 1er niveau!
De retour chez-moi, encore sous le choc de ce que je venais d’apprendre, j’ai eu envie de relire la lettre que vous écriviez, le 30 mai 1995*, à votre Ti-cul de 3 mois alors, Jérémie; qui aura donc bientôt 15 ans. Je serais très étonnée qu’il n’ait pas hérité de votre attachement à la cause de notre Indépendance ainsi que de votre lucidité et de votre courage. C’est au fond ce que vous lui proposiez dès lors et c’est ce que je souhaite pour lui. Et pour nous.

Dans cette lettre cependant - peut-être sentiez-vous que c’était important pour parler à votre fils encore immaculé! - votre ton était quelque peu différent de celui que l’on vous accole trop facilement et dont vous êtes peut-être parfois prisonnier malgré vous. Et je vous cite :
« ... C’est vrai que souvent notre seul accès au réel passe par des journalistes à gages (...) qui à force de vouloir avoir l’air objectifs penchent toujours du côté du plus fort. (...) Cette pseudo-objectivité est en soi un choix politique. C’est une trahison. On est d’un bord. Ou de l’autre.
Mais il y a plus grave encore (...) Il y a la mollesse du peuple. (...) Notre propre mollesse. À chacun d’entre nous. Nos querelles intestines. Nos divisions incessantes. (C’est moi qui souligne ici ) Ce ton pleurnichard et enfantin dans la défense corporatiste des petits intérêts de chacun, jeunes ou vieux. Moi. Moi. Moi. Toujours moi. Toujours des consommateurs. Jamais des citoyens responsables.
»
Égoïstes et divisés... Je crois que vous aviez raison!
Et le plus récent exemple - outre les querelles et rivalités Québec-Montréal ou celles étalées sur Vigile – : le court-circuit (apparent?) entre deux manifestations le 13 septembre prochain : celle de l’hommage aux miliciens de 1759-60, organisée par Le comité des sociétés d’histoire et de généalogie de la région de Québec http://www.vigile.net/Hommage-aux-miliciens-qui-ont... , sous la présidence de Jacques Lacoursière, et l’événement du Moulin à paroles, initié avec Locco Locass etc. qui sera tenu parallèlement au Kiosque Edwin Bélanger, sur les Plaines. [www.moulinaparoles.com->www.moulinaparoles.com] ! J’espère me tromper et qu’il y a eu ou qu’il y aura consultation et concertation à ce sujet.
Et votre lettre continue, Falardeau, dans un langage tout aussi combatif, voire plus cru cette fois, et elle se termine ainsi :
"Dans quinze ou vingt ans, Jérémie, - et nous y sommes! - je ne sais pas trop où tu en seras. Mais je sais une chose : aujourd’hui, moi, je vais me battre. Avec passion. Avec rage..."
Vous l’avez fait, Pierre Falardeau. Vous le faites encore. Pour vous, la liberté n’a jamais été une « marque de yogourt ». Et, vous et nous, ne devons pas oublier que « les boeufs sont lents mais la terre est patiente ». Ne lâchez pas. Ne lâchons pas!
Et, tiens donc, Merci pour tout! Tabar... nouche!
Nicole Hébert
* Collectif, Trente lettres pour un OUI, Stanké, 1995.

Magnifique recueil de lettres! À relire souvent!


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11 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    1 septembre 2009

    Bonjour,
    Je prends quelques minutes, Mme Hébert pour vous féliciter de vous être soucié de notre Pierre Falardeau...
    Vous avez contribué, il semblerait, à en sensibiliser plusieurs autres, puisque des hommages lui sont rendus présentement :
    - « Falardeau - hommage au courage d’un héros », à l'autre midi à la table d'à côté... le 30 mai 2005.
    Lien :
    http://www.radio-canada.ca/audio-video/pop.shtml#urlMedia%3D/Medianet/CBF/LautreMidiALaTableDaCote200507040000_m.asx
    - Et surtout « Hommage à Pierre Falardeau par le RRQ », 1er septembre 2009.
    Merci pour ce texte si touchant, Mme Hébert.
    Jean-Renaud Dubois
    Sainte-Adèle
    N.B. Je me suis aperçu au moment d'écrire ce texte, que le lien plus haut, était déjà sur Vigile...

  • Louis Lapointe Répondre

    1 septembre 2009

    Bonjour Mme Hébert,
    C’est l’intention qui compte.
    Louis Lapointe

  • Archives de Vigile Répondre

    31 août 2009

    @ Louis Lapointe
    Monsieur Lapointe,
    si vous avez la conviction profonde de traduire ci-haut les ressentis de Pierre Falardeau ou si l'on vous a demandé, dans son entourage intime, de témoigner de sa répugnance à ce que l'on parle de lui, je demande alors à M. Frappier de retirer cette lettre de Vigile. Mais pour ma part, cela m'étonnerait et je crois qu'il n'y a pas vraiment de ressemblance entre la froideur - qui ne lui enlève rien - de M. Chartrand et la fine sensibilité - très perceptible - de Falardeau et je serais surprise qu'un hommage sincère le contrarie. Mais, le cas échéant, que l'on retire ce texte car je n'avais surtout pas l'intention de blesser M. Falardeau et, bien sûr, je souhaite qu'il vive encore longtemps car des êtres intègres, c'est une denrée rare. On en a besoin.
    Nicole Hébert

  • Louis Lapointe Répondre

    31 août 2009

    Si on en a si peu entendu parler, c’est parce que Pierre Falardeau ne veut pas que ça se sache trop. C’est un de ses meilleurs amis qui me l’a dit au début de l’été. Il ne veut pas que ses ennemis l’enterrent trop vite et fassent son oraison funèbre avant l’heure en disant de lui qu’il était finalement un grand cinéaste qui parlait vrai. Il ne veut pas leur donner l’occasion de se réjouir prématurément de son vivant. Il ne veut surtout pas se faire récupérer par les charognards fédéralistes qui vont se servir de sa maladie pour se faire du capital de sympathie sur son dos. Il ne veut pas qu’on parle de lui au passé en disant qu’il était extraordinaire, même ses amis, c'est à dire nous. Comme disait Michel Chartrand à Bernard Derome, le Human Interest, ça le fait chier ! Jusqu’à preuve du contraire, il est toujours vivant.
    Tout comme vous, Mme Hébert, j’espère qu’il le demeurera longtemps!
    Louis Lapointe

  • Archives de Vigile Répondre

    31 août 2009

    Merci Mme. Hébert,
    Merci de nous avoir rappelé ce grand bonhomme qu'est Pierre Falardeau et dont on entend plus parler depuis quelques temps. Moi aussi j'avais oui-dire qu'il était malade. J'espère de tout cœur que ce soit une fausse rumeur. Je n'oublierai jamais le culot, que dis-je, le courage qu'il a fallu à ce monument de la québécité pour aller filmer au Reine-Élisabeth une réunion annuelle du Beaver Club. Ce petit film, le Bal des Bouffons, date maintenant de quelques années mais est toujours d'actualité. Il n'y a qu'à changer les noms des bouffons représentés. C'était et c'est toujours un ramassis de profiteurs, de prédateurs, de faux-culs rampants devant les dominateurs anglophones d'Ottawa. Il faut entendre Roger Landry se nommer lui-même « Rodgerrr Lanndréé » avec cet accent anglais de pur roi-nègre. Notre Falardeau national a réussi à amener ses caméras dans l'enceinte de ce nid de charognards et de filmer leurs pitreries; « ….elle avait de tout petits tétons, Valentine, Valentine....ha...ha...ha! » de leur gros rire gras.
    Ça été le coup d'envoi mais aussi les débuts de gros problèmes pour Pierre à faire financer des films plus importants.
    Quoi qu'il en soit, encore une fois, merci Mme. Hébert de souligner l'existence de ce grand bonhomme qui a su traverser les limites des pleutres, des critiqueux professionnels et des bien-pensants, dans un langage coloré certes, mais fondamentalement vrai.
    Ivan Parent

  • Robert Bertrand Répondre

    30 août 2009

    Quoi qu'il arrive, Pierre Falardeau a marqué notre temps.
    Il n'a jamais hésité à dire les vraies choses comme il les voyait, comme il les comprenait.
    Il a vécu son temps, il a été présent en son temps et il saurait nous dire d'en faire autant.
    On a le droit de rêvé. La vie est ainsi faite.
    Le saluer et le remercier de son vivant, n'est-ce pas la meilleure façon de faire ?
    Merci Pierre. Une vie bien remplie.

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    30 août 2009

    Tant qu'à citer Michel Chartrand, il y a des gens qui parlent de revenu minimum garanti dans leur programme sans toutefois rappeler que Michel Chartrand a basé sa vie sur ce principe:
    Un revenu que touche tout citoyen, pour lui assurer le gîte et le couvert. Structure moins humiliante que l'aide sociale ou les cuisines populaires. Ça parle de dignité humaine!

  • Archives de Vigile Répondre

    30 août 2009

    Madame Hébert,
    c'est très bien dit. Bravo! Falardeau est un vrai de vrai. Lui et Michel Chartrand et peut-être quelques autres trop peu nombreux dans notre société, sont des gens intègres et très démocrates. Ce sont des gens comme eux qui devraient gouverner le peuple mais à la place, nous sommes trop souvent gouvernés par des exploiteurs, des traîtres, des corrompus, des petits politiciens qui ne pensent qu'à leurs intérêts et ceux de leurs proches. Quel enfer!

  • Serge Charbonneau Répondre

    30 août 2009

    Je partage entièrement les propos de Mme Hébert et j'espère tout comme elle que cette "nouvelle" de maladie soit une mauvaise rumeur.
    J'ai beaucoup d'admiration pour ce front de bœuf qu'a Pierre Falardeau. Ouf! Il faut être fait fort pour affronter ainsi les langues de bois et les cravates empesées, sans parler des fesses pincées qui nous font accroire qu'elles sentent toujours la rose.
    Oui, pour Pierre Falardeau, «la liberté n’a jamais été une « marque de yogourt ».
    Et c'est important de se le faire dire et de le répéter.
    Mme Hébert a bien raison de dire que nous ne devons pas oublier ce que ce Falardeau de malheur nous a appris, c'est-à-dire: que « les boeufs sont lents mais la terre est patiente ».
    «Ne lâchez pas. Ne lâchons pas !»
    Merci pour tout Monsieur Falardeau
    ou en d'autres mots (qui pour certains croit que ces mots jugés vulgaires ne peuvent pas transmettre l'émotion et le sentiment humain et ceux qui ne voient que la vulgarité des mots sans jamais voir la vulgarité ailleurs), eh bien, je te dis:
    « Merci tabarnak de Falardeau! »
    Et surtout ne nous fait pas le coup d'être malade, hostie!
    Serge Charbonneau
    Québec

  • Raymond Poulin Répondre

    29 août 2009

    Voilà, c’est dit pour nous tous, qui oublions trop souvent la reconnaissance au profit des petitesses de l’intelligence et de l’ego. Sans barguiner. Du fond du coeur. Cela repose des colletaillages pour savoir qui est le plus unioniste, le plus séparatiste, le plus à gauche, à droite, sur la tangente, alouette. Falardeau, c'est comme Miron, comme Chartrand: intègre.

  • Archives de Vigile Répondre

    29 août 2009

    « Le plus souvent, on se querelle pour vivre, pour se prouver qu'on existe, qu'on est encore capable de lutter, de tenir une idée, même folle. »
    Yvon Paré
    Poète et romancier québécois
    Extrait de Le Violoneux