Et si... Robert Lepage, qui abonde dans le sens de Tremblay, avait raison? Et si... Michel Tremblay n'avait pas tout à fait tort?
D'abord, dans cette entrevue accordée à la Presse Canadienne, le dramaturge a déclaré qu'il avait été souverainiste par orgueil et fierté d'être d'un peuple représentant la francophonie en Amérique du Nord, par sentiment identitaire reposant sur une langue et une culture.
Il déplore que ce sentiment ait été remplacé par une obsession de l'économie qui est en train de faire perdre son âme au Québec. Résultat, Michel Tremblay n'est plus souverainiste, mais il refuse de rire de son rêve. Pendant ce temps à Tout le monde en parle, le journaliste fédéraliste Alain Dubuc, lui, ne parle que d'argent et reconnaît publiquement que ce Québec est bel et bien riche, mais qu'en dépit de cette richesse, le Jello-O de la créativité québécoise ne prend pas.
Et si... l'élément susceptible de faire prendre le Jell-O était justement ce dont parle Tremblay: la fierté identitaire, celle sans laquelle il est impossible d'accéder à une quelconque souveraineté.
Ce n'est jamais le fric qui donne à un peuple son indépendance, mais plutôt sa culture propre et sa volonté d'être libre.
On ne peut en vouloir à certains souverainistes de la première heure d'être fatigués, découragés, démotivés. J'ai même connu des «penseurs» de cette souveraineté qui l'ont été.
Au fait, dans cette entrevue plutôt bien sentie, Tremblay n'a jamais affirmé être fédéraliste. Il a juste précisé qu'il n'était plus souverainiste, en ajoutant cette mise en garde: «Tant et aussi longtemps que l'économie sera en première place, on ne fera jamais la souveraineté.»
L'erreur à ne pas commettre serait de lui jeter la pierre et de lui faire dire ce qu'il n'a pas dit, comme, par exemple, que l'idée de souveraineté est dépassée.
Et rappelons-nous surtout que la souveraineté n'est pas une religion et qu'il vaudrait mieux parfois, plutôt que d'excommunier, écouter; même ceux qui ont perdu, non la foi, mais l'espoir.
Avec toutes ces décennies de lutte pour la souverai- neté, deux échecs référendaires et les interminables batailles constitutionnelles, peut-être qu'une lassitude s'est installée, mais est-ce que ça en fait pour autant une idée obsolète?
Est-ce que les 191 pays indépendants aux Nations unies rêvent de retrouver des chaînes? Si 191 peuples, même les plus petits, trouvent normale leur indépendance, nous, de notre côté, devrions-nous trouver anormale cette liberté? Est-ce que l'idée de vouloir contrôler impôts et taxes est archaïque? Et celle d'être l'égal des autres? Et celle de passer de minorité à majorité? Et celle de maintenir et renforcer notre identité culturelle en Amérique du Nord dans le cadre de la diversité?
Et celle de protéger notre langue? Et celle de prendre nos responsabilités sans toujours accuser autrui? Et celle de faire valoir notre point de vue dans les nouvelles ententes économiques internationales et américaines? Et celle d'être un pays plutôt qu'une province? Et celle d'établir nos politiques dans tous les domaines selon nos propres intérêts? Et les pays européens, eux, désormais unis, ne sont-ils pas d'abord des pays souverains?
Souverain, on a les gouvernements qu'on veut. Si on ne l'est pas, on a ceux qu'on peut. L'idée de la souveraineté n'est pas surannée, mais peut-être n'est-elle plus incarnée, comme l'a déclaré Robert Lepage.
Les leaders souverainistes ne peuvent rester sourds aux propos de ces intellectuels ou même se contenter de répondre diplomatiquement comme ils l'ont fait hier.
«L'indépendance n'est pas une récompense, c'est un effort.» Or l'effort, surtout dans les moments de lassitude et de découragement, exige plus que jamais écoute, ouverture et persévérance.
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