On peut changer tant qu'on veut l'enseignement de l'histoire, mais pas l'Histoire, seule la vision qu'on en a peut, à la rigueur, être modifiée.
Le programme du cours Histoire et éducation à la citoyenneté, qui remplacerait le cours d'histoire Canada-Québec donné actuellement, peut bien occulter la conquête, la conscription, le rapatriement de la Constitution, etc. à la façon des Minutes du Patrimoine, d'Historica et de Scully, mais rien ne changera la réalité et ce qui s'est vraiment passé. On peut parler de l'arrivée des idées libérales et d'accession à la démocratie dans la colonie britannique, mais il y aura toujours une bataille des plaines d'Abraham. On peut simplifier au max la conquête en expliquant que le pouvoir de la Nouvelle-France a été cédé en 1763, par l'opération du Saint-Esprit, au représentant du souverain britannique. On peut.
La façon dont nous est présenté ce nouveau programme d'histoire qui semble, heureusement, laisser le ministre de l'Éducation plutôt froid est quand même provocante. Ses instigateurs manichéens veulent, disent-ils, rassembler et déjà, ils divisent. Nul n'accuse l'Histoire, tout n'est qu'une question d'approche et d'enseignement.
Ce n'est pas d'hier qu'on tente d'établir des liens entre le mouvement séparatiste et l'enseignement de l'histoire. Or, cette histoire si menaçante a été si peu enseignée dans le secteur public. Alors? Il y a longtemps aussi qu'on évoque la possibilité d'un manuel unique pour tout le Canada, une des bibittes de l'historien Marcel Trudel. L'idée remonte même aux années 1930. Comme si nous devions avoir une seule et même vision. Un tronc commun, d'accord, mais pas un même programme. Impossible. On ne peut avoir le même enseignement de l'histoire à l'est et à l'ouest, ne serait-ce que parce qu'à l'ouest, tout a commencé beaucoup plus tard.
Wolfe et Montcalm, des potes, finalement, voulaient seulement se partager les plaines? Et ailleurs, loin, là-bas, Waterloo, la fameuse morne plaine, a-t-elle eu le même impact pour Wellington que pour Napoléon? Nous avons un Code civil unique au monde, et voilà que personne ne nous dira plus d'où il vient?
On peut essayer d'occulter, de cacher pour sortir d'une structure historique conflictuelle dans l'espoir de voir naître une «histoire citoyenne». C'est quoi, ça, une histoire citoyenne ?Quessaco?
La démarche de l'historien est de dénicher les documents, de les décortiquer, de les analyser, de les faire parler. Simple. Ce n'est pas le révisionnisme. Si on a un seul et même programme, un seul et même cours, une seule et même vision de l'histoire, est-ce que quelqu'un peut alors m'expliquer pourquoi on parle français et d'autres anglais ? Pourquoi, à Terre-Neuve, on est convaincu que c'est Giovanni Caboto qui a découvert le Canada et qu'au Québec, quand j'étais petit du moins, avant qu'on ne nous dise que c'était les autochtones, c'est à Jacques Cartier que revenait l'honneur de cette découverte?
Cette volonté de faire une histoire rassembleuse a de quoi inquiéter. Le cours d'histoire ne peut devenir l'arme d'une cause. Qu'on le veuille ou non, il y a la France et il y a l'Angleterre. Il y a les francophones d'Amérique et les anglophones.
Or, depuis longtemps déjà, ce pays est sensible à l'arrivée de gens originaires d'autres cultures. On s'est enrichi à leur contact. Mais on n'est pas obligé pour autant de faire disparaître le noyau intégrateur.
Le but de l'enseignement de l'histoire, ni maintenant, ni jamais, ni ici, ni ailleurs, n'est pas de niveler les conflits pour la rendre rassembleuse mais, au contraire, c'est d'apprendre aux jeunes à comprendre l'aujourd'hui.
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