En 2012, « À NOUS DE DÉCIDER » tombe pile au Québec.
J’ai vécu le premier mouvement indépendantiste d’après-guerre, celui de l’Alliance Laurentienne fondée en 1957. Il était clair maintenant que le peuple Québécois n’avait pas la mentalité requise pour se lancer dans ce qui paraissait une aventure. Le niveau d’instruction moyen de la population était trop bas et le sens de l’État inexistant à cette époque. L’indépendance n’était que des mots pour des mots, des sentiments et des ressentiments, parler pour parler.
J’ai bien connu René Lévesque avec qui j’ai travaillé. Il sentait bien que la population n’était pas davantage prête qu’elle ne l’avait été avec l’Alliance Laurentienne. À cette époque, pré-crise octobre et celle du FLQ, je me suis retrouvé trois ans au Ghana, envoyé par l’Armée, prêté par le gouvernement Canadian, pour travailler à la fondation du Collège Militaire de Teshie, situé près d’Accra la capitale.
Il s’agissait en formant les futurs officiers de l’Armée ghanéenne, de leur inculquer le sens de la stratégie d’État et de concilier ces exigences avec celles de la Tribu, société familiale non politique.
Pour moi, c’était une révélation, n’ayant reçu au préalable aucune formation en profondeur sur le sujet . Je m’instruisais en même temps que j’enseignais.
À mon retour au Québec, à l’automne 1964, nous avions deux enfants de plus et un de moins, notre fils aîné étant resté dans le cimetière de Christianborg près d’Accra, après avoir été tué par la chute d’un mur au cours d’un tremblement de terre.
En arrivant à l’aéroport de Montréal, j’ai été horrifié de voir qu’il m’était impossible de parler français aux douaniers. Pas un seul ne parlait français et pour nous punir, une vieille douanière nous fit remplir des tonnes de papiers, en anglais seulement, qui nous ont fait traîner des heures pendant que la famille attendait à l’extérieur. Jamais je n’oublierai cet incident. Il était inutile et futile de porter plainte. Je devais prendre mon mal en patience mais je me suis bien promis de travailler encore plus fort pour la cause. Il était évident que la mentalité n’avait pas changé au Québec même s’il avait de l’agitation dans l’air.
De retour à Valcartier, j’apprends que mon bataillon, le Troisième du Royal 22 Régiment, devenait une unité antichar équipé de missiles français ENTAC. Tout un problème parce que nous devions nous défaire des soldats qui n’avaient aucune instruction et les remplacer par d’autres qui avaient complété leur secondaire 5.
Nous avions reçu des manuels d’instruction de l’armée française mais Ottawa nous a demandé de le leur envoyer pour nous renvoyer des manuels écrits exclusivement en anglais. Nous avons décidé de les garder et nous instruire avec ces manuels et nous sommes devenus les meilleurs opérateurs de missiles de l’OTAN.
Depuis ces incidents et bien d’autres dans l’armée, je n’ai pas décoléré au cours de mes 28 ans de service. Je passais pour un rebelle, ce qui signifie que la majorité dans l’armée n’avait aucune formation politique, exception faite de quelques soldats qui appuyaient le FLQ.
J’ai vécu l’élection de 1976 et le référendum de 1980. Encore une fois, le peuple Québécois réagissait sous l’émotion du moment mais n’était pas assez politisé pour comprendre le sens de son action.
J’ai vécu le référendum de 1995. Cette fois, il y avait un léger progrès.
En 2012, je vois un changement majeur dans les mentalités. Cette fois, le peuple Québécois sait que l’indépendance est affaire d’intérêts et de rapports de forces, ceci à cause des nouvelles communications électroniques. Même la jeunesse a changé de mentalité comme on l’a vu avec les manifestations de l’été dernier.
En conséquence, « A nous de décider » s’adresse à un peuple qui a acquis la maturité qui lui manquait pour comprendre le sens de sa décision et son action.
Les définitions superficielles du passé font place à des définitions géopolitiques et stratégiques rigoureuses qui n’avaient pas cours auparavant. Il n’y a qu’à entendre les discours de Madame Marois pour le comprendre. Cette nouvelle manière de s’exprimer est unique dans l’histoire du Québec. Nous sommes prêts pour le statut reconnu d’État.
Même les libéraux de Jean Charest sont perdus dans ce nouveau contexte qui les dépasse.
Car l’indépendance n’est rien d’autre que l’aptitude et la capacité de choisir ses dépendances. Pour y arriver, le Québec doit acquérir les assises de l’État.
JRMS
En 2012, je vois un changement majeur dans les mentalités
Car l’indépendance n’est rien d’autre que l’aptitude et la capacité de choisir ses dépendances. Pour y arriver, le Québec doit acquérir les assises de l’État.
Tribune libre 2012
René Marcel Sauvé217 articles
J. René Marcel Sauvé, géographe spécialisé en géopolitique et en polémologie, a fait ses études de base à l’institut de géographie de l’Université de Montréal. En même temps, il entreprit dans l’armée canadienne une carrière de 28 ans qui le conduisit en E...
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J. René Marcel Sauvé, géographe spécialisé en géopolitique et en polémologie, a fait ses études de base à l’institut de géographie de l’Université de Montréal. En même temps, il entreprit dans l’armée canadienne une carrière de 28 ans qui le conduisit en Europe, en Afrique occidentale et au Moyen-Orient. Poursuivant études et carrière, il s’inscrivit au département d’histoire de l’Université de Londres et fit des études au Collège Métropolitain de Saint-Albans. Il fréquenta aussi l’Université de Vienne et le Geschwitzer Scholl Institut Für Politische Wissenschaft à Munich. Il est l'auteur de [{Géopolitique et avenir du Québec et Québec, carrefour des empires}->http://www.quebeclibre.net/spip.php?article248].
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3 commentaires
Archives de Vigile Répondre
17 août 2012Le peuple québécois a gagnée en maturité, soit. Mais est-il devenu suffisamment mature pour accepter d'entendre parler de ces sujets qui débordent des prérogatives provinciales?
C'est l'idée même de fédération que de confier à des gouvernments régionaux des responsabilités qui touchent aux services de base à la population. Tout ce qui touche aux relations entre États souverains est l'apanage du gouvernement fédéral.
Le PQ n'a pas l'intention de changer l'ordre des choses, il se limite donc à parler de ce qui relève de l'État provincial.
C'est quand la population aura acquis encore plus de maturité et qu'elle exigera qu'on lui parle de relations internationales et qu'elle sentira qu'il est vital pour la défense de ses intérêts que le gouvernement du Québec s'en mêle que les choses pourront changer.
Nous n'en sommes pas encore là.
Archives de Vigile Répondre
17 août 2012La constitution de 1867 n'a jamais été respectée par les Canadians et surtout pas en 1982 par les 74 traîtres du parti des commandités.
MICHEL
Archives de Vigile Répondre
16 août 2012M. Sauvé,
L'État fédéré «québécois» est un État membre de la fédération dite «canadienne» depuis 1867. Et justement, jusqu'à preuve du contraire, au sein de cette fédération, les États fédérés sont entièrement souverain en ce qui concerne leurs «assises» territoriales. Du moins, en ce qui concerne leurs «assises» terrestres.
Ce qui manque cependant à cet État fédéré pour qu'il deviennent un État totalement souverain, c'est une volonté ferme de la part d'un parti politique indépendantiste de mettre en marche un processus véritablement souverainiste. Et pour ce faire, un des moyens sera inévitablement de faire renaître cette flamme nationaliste justifiant la réalisation de l'État-nation entièrement souverain.
Car ne l'oublions pas, de par cette adhésion à la fédération dite «canadienne», les États fédérés tel le Québec sont déjà entièrement souverain dans plusieurs domaines tels l'éducation, la culture,la santé, les transports (routiers et fédérés...), les affaires municipales, de l'agriculture, la culture, les politiques d'immigration (... bref, de tout les champs de compétence dont parle le PQ au cours de cette présente campagne (à part l'immigration... sujet tabou par excellence... souvenous-nous qu'il qualifia l'ADQ de parti d'extrème-droite en 2008 parce qu'il aborda ce thème...)
La question que je me pose; Quant es-ce que le PQ arrêtera de «rêver de pays» pour enfin aborder sa vision d'une politique étrangère d'un «Québec» souverain, de sa politique en ce qui concerne l'encadrement des banques, de la monnaie, de l'incorporation des compagnies étrangères, du rôle et de l'influence de l'armée nationale, de la revendication des limites territoriales maritime... de politique véritablement nationale et non «inter-culturel ainsi que de ses politiques d'immigration ?
Parce que comme c'est là, les gens semblent vouloir voter pour le PQ mal plus par dépit que par conviction réelle...
On est encore bien loin d'un «référendum» gagnant... et si jamais ça en viendrait à aller mal en cour de mandat... le PQ serait une fois de plus envoyé dans l'opposition
Sylvain Marcoux