Élus: les revenus seront divulgués

L'opinion du jurisconsulte a produit son effet à Québec

Salaire des élus

Québec -- Craignant pour la réputation des parlementaires québécois, le gouvernement a tenté de calmer le jeu, hier, dans le débat des primes spéciales versées aux chefs Jean Charest et Mario Dumont.

Le leader Jean-Marc Fournier s'est présenté devant les journalistes, avant la période de questions, pour suggérer que les trois partis adoptent au plus vite un nouveau code d'éthique qui comprendrait la divulgation annuelle des sources «de tous les revenus, notamment de salaires», au jurisconsulte, lequel verrait ses pouvoirs augmenter.
«Le "timing" est probablement bon pour en discuter et ça va être plus constructif que ce qu'on a entendu au cours des dernières semaines», a déclaré hier matin le premier ministre Jean Charest.
M. Fournier a fait valoir que ces propositions faisaient partie d'un projet de réforme parlementaire qu'il avait lui-même déposé en novembre dernier dans l'indifférence générale. Il rencontrera aujourd'hui les deux autres leaders pour explorer des façons d'accélérer
l'adoption de celui-ci. La rencontre était prévue «depuis longtemps», a souligné l'entourage de M. Fournier, mais «disons qu'elle tombe bien», admettait-on hier. Les deux partis d'opposition ont donc accepté l'ordre du jour présenté par téléphone hier matin par M. Fournier, mais le PQ, par la voix de son leader François Gendron, a continué de réclamer la publication de l'entente qui lie le Parti libéral à Jean Charest et qui a permis à ce dernier de toucher 75 000 $ annuellement depuis 1998.
Selon M. Fournier, ajouter maintenant un code d'éthique qui contraindra M. Charest à révéler sa rémunération supplémentaire n'implique en rien que ce qui a été fait en secret depuis 10 ans «n'était pas correct». Au contraire, a-t-il dit, «ça veut dire que, dès le mois de novembre [moment du dépôt du projet de réforme], nous souhaitions qu'il y ait un code d'éthique pour tout le monde».
Société distincte
Répondant aux questions du Devoir vendredi et lundi, le jurisconsulte, l'ancien juge Claude Bisson, a mis en relief le fait que le Québec était le dernier endroit dans la fédération canadienne où les élus n'étaient pas tenus de divulguer toutes leurs sources de revenus. Dans le document sur la réforme parlementaire, on peut d'ailleurs lire: «Les députés de l'Assemblée nationale sont les seuls, dans l'ensemble des législatures au Canada, à ne pas avoir à se soumettre à un code d'éthique ni à remplir une déclaration d'intérêt.» Notons que, dans le texte de la proposition de réforme, il n'est pas clairement question de divulgation de revenus, mais bien de «tout cadeau ou avantage». En conférence de presse hier, cependant, M. Fournier a spécifié qu'il souhaitait que la divulgation soit une «déclaration financière complète».
Comme le soulignait au Devoir le jurisconsulte lundi, au Nouveau-Brunswick, il est spécifié dans une loi que les élus doivent divulguer «tout salaire, aide financière ou autre avantage que le député ou le membre du Conseil exécutif a reçu d'un parti politique enregistré ou d'une association de circonscription enregistrée dont il est membre au cours des douze mois précédents ou qu'il est susceptible de recevoir au cours des douze mois suivants».
Plus poli
Extrêmement cinglant en Chambre la semaine dernière, notamment dans ses accusations à l'endroit de Claude Blanchet, le mari de Pauline Marois, Jean-Marc Fournier a radicalement changé de ton hier. C'est lui qui, en conférence de presse, a enjoint aux partis d'opposition d'avoir des «discussions dans un climat de construction plutôt que d'insinuation».
De l'avis général, le débat a dégénéré lundi lorsque Mario Dumont lui-même est entré dans la mêlée. Souhaitant rétorquer à Pauline Marois -- qui, dimanche, avait mis en parallèle sa proposition de donner 100 $ par enfant âgé de moins de cinq ans avec la prime de 50 000 $ qu'il reçoit de l'ADQ depuis mai 2007 --, M. Dumont avait multiplié les insultes et les insinuations à l'endroit de la chef péquiste. Il l'a traitée, sur les ondes de RDI, de «madame dézonage», a ensuite soutenu qu'elle avait acheté le «bol de toilettes» le plus cher jamais payé par les contribuables. Enfin, il avait cité une rumeur selon laquelle Mme Marois n'avait pas quitté le conseil des ministres lorsque celui-ci avait bonifié la prime de son mari.
Visiblement inquiet de la tournure du débat (à l'envenimement duquel il a pourtant contribué), M. Fournier a dit hier vouloir établir un «climat de construction» pour que les élus puissent «améliorer les choses», ce qui sera «à l'avantage de tous les parlementaires», a-t-il insisté.
En Chambre, lorsque le PQ est revenu sur le sujet, M. Fournier a dit se retenir pour ne pas retourner à ses stratégies passées. «Remarquez que je fais un effort particulier, aujourd'hui, pour que nous puissions montrer à l'ensemble du Québec que nous sommes capables de travailler ensemble dans un climat où il n'y a pas d'insinuation», a-t-il dit en serrant les dents.
M. Fournier a aussi rappelé qu'il n'y avait «rien d'illégal» dans le versement d'une telle prime et que le jurisconsulte a déclaré lundi que «l'intégrité du premier ministre n'était pas remise en question, qu'il n'y avait aucun conflit d'intérêts là-dedans».
En point de presse après la période de questions, M. Gendron a souligné que le PQ allait «participer avec sérieux aux discussions», mais qu'un problème demeure: «Ça va garder un méchant flou sur les 10 dernières années, avec l'entente du chef du Parti libéral», a-t-il dit. Questionné sur le silence de l'ADQ, en Chambre, sur cette question, M. Gendron a répondu qu'à partir du moment où le chef de l'opposition officielle bénéficie du même type de prime, «c'est-à-dire une double rémunération», il était difficile pour lui de parler du sujet.


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