Élection automnale ?

Chronique de Patrice Boileau


Avant de frotter ma boule de cristal et de jouer à « madame Minou » comme beaucoup d'autres observateurs de la scène politique québécoise, permettez-moi de vous souhaiter d'abord un automne à la hauteur de vos attentes. J'espère que la période estivale vous fut agréable et apaisante.
Plusieurs annonces en provenance de Québec laissent croire que le gouvernement libéral de Jean Charest songe à appeler les Québécois aux urnes avant Noël.
De nombreux reports de hausses tarifaires ont en effet été communiqués en provenance de la capitale: Hydro-Québec a révélé soudainement qu'elle révisait à la baisse sa requête de majorer le prix de l'électricité.
Puis, ce fut au tour de la SAAQ de déclarer que le coût du permis de conduire augmenterait seulement à partir de 2008.
Enfin, le ministre de la Santé Philippe Couillard dévoilait la semaine dernière que l'établissement d'une « caisse-santé » n'était plus nécessaire puisque le réseau des centres hospitaliers bénéficiait finalement d'un financement étatique adéquat.
La proximité à laquelle ces messages nous furent dévoilés pue l'électoralisme. Entendre Jean Charest jurer qu'il n'y est pour rien suffit pour persuader les gens du contraire! Le Premier ministre nous a trop habitués à faire l'inverse de ce qu'il dit. Ce n'est pas un hasard que le député de Sherbrooke obtient un taux d'insatisfaction qui dépasse les 60%.
La brise que Jean Charest a cru sentir lors de l'élection partielle dans la circonscription de Taillon montre à quel point l'homme est à bout de souffle! Avancer de telles balivernes prouve combien sa lecture de l'humeur générale des Québécois est mauvaise. Sa déclaration rappelle l'énormité qu'il a prononcée au sujet du mont Orford. Comment peut-on en effet affirmer agir dans ce dossier au nom de l'intérêt public alors que celui-ci s'oppose justement au projet de privatisation partielle du parc à plus de 80%! Et que dire de ses pitreries cet été à la télévision française! Oser exprimer que le Québec « a les moyens » de faire la souveraineté, tout en ajoutant que cette option ne serait pas bonne pour les Québécois puisqu'ils ne toucheraient plus de péréquation démontre à quel point tout est embrouillé dans la tête du Premier ministre. Quelle contradiction! Encore heureux que l'hôte français ne connaisse pas ce programme « d'aide sociale fédérale! »
En fait, Jean Charest n'a jamais cru que l'État qu'il dirige possède tout ce qu'il faut pour devenir un pays. Pourquoi alors avoir répondu affirmativement à son interlocuteur? Parce qu'il aurait été trop humiliant d'affirmer le contraire. Comment en effet aurait-il pu se justifier alors que le Québec occupe le douzième rang mondial au chapitre de son PIB? Seul un aveu de non-confiance envers les Québécois peut expliquer l'option fédéraliste de Jean Charest. Un sentiment d'inaptitude que partage d'ailleurs la journaliste du National Post Barbara Kay. Celle-ci a résumé merveilleusement ce que tous les fédéralistes pensent au sujet du peuple québécois. Sans tutelle canadienne pour les protéger d'eux-mêmes, les Québécois constitueraient une menace à la démocratie... C'est ce qui explique pourquoi les fédéralistes québécois acceptent d'avaler toutes sortes de couleuvres et de subir sans broncher les pires humiliations du gouvernement fédéral.
L'échec de la conférence des premiers ministres à Terre-Neuve sur l'établissement d'une politique commune devant mener au règlement du déséquilibre fiscal s'avère une gifle de plus au visage des fédéralistes du Québec, Jean Charest en tête. Ce revers aurait dû horripiler ce dernier, lui qui, avec sa créature que constitue le « Conseil de la fédération », a accepté de ranimer le principe des conférences « à treize », ce que Robert Bourassa avait pourtant décidé de boycotter suite à l'échec du Lac Meech en 1990.
Maintenant acculé au pied du mur, le chef du PLQ y va de son va-tout en prétendant pouvoir s'entendre directement avec Stephen Harper. Pour y parvenir, le Premier ministre du Québec fait le dos rond depuis quelques semaines : il affiche un comportement très nationaliste.
Jean Charest a déclaré récemment que le Québec jouerait pleinement son rôle sur la scène internationale et qu'il n'attendrait pas l'argent d'Ottawa pour financer le réseau de l'éducation post-secondaire. En proie à toutes sortes de fabulations qui lui font voir des réalisations que personne d'autres au Québec ne parvient à détecter, il faudra surveiller le chef du PLQ de près parce qu'une entente à rabais avec le gouvernement canadien pourrait à ses yeux représenter un autre exploit historique...
Ainsi aveuglé, Jean Charest pourrait déclencher un scrutin automnal, convaincu de le remporter. Le chef du Parti libéral a tout de même une chance d'obtenir un second mandat parce qu'il fait face à un Parti québécois ankylosé par une stratégie référendaire qui vieillit mal.
Le nouveau chef André Boisclair a beau répéter que sa formation politique s'est renouvelée, peu de Québécois en sont convaincus. De plus, le nouveau député de la circonscription de Pointe-aux-Trembles tente de camoufler son rendez-vous référendaire en mettant en avant-scène les alternatives qu'offre son parti en éducation, en économie et au chapitre du développement durable. Questionné dernièrement par un participant au Forum citoyen de l'Institut du Nouveau Monde (INM) sur la consultation populaire qu'il compte tenir sur la souveraineté, le chef du PQ s'est impatienté et a vociféré ne pas aimer « être picossé » de la sorte à ce sujet. Le pauvre! Ne sait-il pas qu'il est le dirigeant d'un parti souverainiste et que son principal opposant compte le talonner là-dessus tout au long de la prochaine campagne électorale?
André Boisclair ne peut se défiler du rendez-vous référendaire prévu s'il forme le prochain gouvernement. Le débat des chefs gravitera autour de ce sujet. Tenter d'esquiver la question sous prétexte qu'il y a d'autres enjeux et un bilan libéral à juger le rendra suspect : le chef du PQ sera accusé de vouloir camoufler le cœur du programme politique que ses membres ont adopté lors du congrès de Québec en juin 2005.
Que répondra-t-il à Jean Charest si celui-ci lui demande ce qu'il fera, advenant une conjoncture défavorable à la tenue d'un référendum? Transgressera-t-il son programme qu'il a tant vanté? Comment un chef souverainiste pourra-t-il mieux arracher des concessions du gouvernement canadien alors qu'un parti fédéraliste y travaille déjà « très fort » pour les Québécois? Le dirigeant péquiste rétorquera sans doute que son rival n'a fait que quémander à Ottawa, depuis qu'il est au pouvoir. Que son fédéralisme asymétrique qu'il dit avoir instauré lors de l'entente sur la santé n'est que poudre aux yeux, puisqu'elle fut suggérée également aux provinces anglophones qui la déclinèrent, prétextant n'y voir que des avantages cosmétiques.
En fait, les électeurs auront l'impression d'assister à une nième reprise d'une vieille télé-série qui ne suscite que de la lassitude. Que le scrutin se tienne cet automne ou fort probablement au printemps, le Parti québécois traînera un boulet référendaire qui lui nuira. En conséquence, il y aura à nouveau un fort taux d'abstention comme en 2003.
Pas étonnant que le chef péquiste tente d'occulter cet handicap en mettant l'emphase présentement sur la qualité de son équipe qu'il compare présomptueusement à celle dirigée par René Lévesque en 1976. Essayer de modifier le visage du Parti québécois en lui greffant un faciès provincial risque de défigurer le portrait indépendantiste auquel il est supposer nous convier. Vrai que ce parti aspire d'abord à un pouvoir provincial et qu'il doit donc convaincre les gens qu'il peut faire mieux que le PLQ. Sauf que la gouverne provinciale est piégée par le déséquilibre fiscal d'Ottawa qui dure depuis 10 ans. Former présentement un gouvernement à Québec est du suicide politique.
André Boisclair doit avoir l'audace (!) de solliciter un mandat souverainiste pour que son parti cesse de « faire des 8 » sur la glace, comme le dit si bien Jacques Parizeau. S'il n'obtient pas ce mandat à la majorité absolue des suffrages exprimés, les gens n'auront qu'eux-mêmes à blâmer lorsqu'ils le verront péricliter au pouvoir, comme l'administration Charest. Au moins, la glace sera enfin brisée en ce qui a trait à l'emploi de la voie élective pour réaliser l'indépendance : chaque nouveau scrutin ramènera à la population l'offre concrète de débloquer le Québec. Et lorsque que l'on propose aux Québécois quelque chose de précis, tout se met à bouger. Il n'est pas trop tard pour chasser les fourmis de nos jambes au printemps...
Patrice Boileau
_ Carignan, le 23 août 2006
patriceboileau@videotron.ca



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