Dans une entrevue accordée au quotidien Le Soleil samedi dernier, le chef du Parti québécois André Boisclair a affirmé « ne pas être un Kamikaze. » L'homme s'est dissocié ainsi du programme politique que les membres de sa formation ont adopté lors du congrès de juin 2005.
Le dirigeant du PQ a donc exprimé son refus de tenir un troisième référendum sur la souveraineté du Québec « le plus tôt possible durant le prochain mandat », s'il croit ne pas pouvoir le gagner. André Boisclair, qu'il le veuille ou non, s'inscrit dans la mouvance de ses prédécesseurs. Certes, sa façon de le dire est différente de Lucien Bouchard et Bernard Landry. Reste que le résultat est le même : le Parti québécois demeurera en mode attentiste en espérant qu'il se passe quelque chose.
Ce que le leader péquiste n'a pas encore compris, c'est que persévérer dans l'idée de tenir un ultime référendum, depuis la dernière consultation populaire de 1995, est une stratégie suicidaire, voire kamikaze. C'est qu'il ne peut y avoir un troisième échec : celui-ci serait fatal puisqu'il placerait le Québec dans une position de vulnérabilité dramatique face à Ottawa. André Boisclair est conscient de ce péril et ne veut évidemment pas apparaître dans les livres d'histoire comme étant celui qui aura scellé l'avenir provincial du Québec. Il ne peut donc rien faire d'autres que patienter, puisqu'il refuse de s'aventurer hors de l'ornière référendaire.
En se défendant de vouloir organiser rapidement un référendum tel que le programme politique de son parti l'impose, André Boisclair démontre que l'essentiel du travail accompli par les membres durant « la Saison des idées » ainsi que « le Grand chantier » ne visait qu'à calmer la colère des souverainistes, suite à la déconfiture électorale d'avril 2003. Aucun changement majeur finalement ne devait survenir au PQ. Surtout en ce qui a trait à l'emploi d'une autre démarche d'accession à l'indépendance. On connaît la suite : il y a eu un changement de chef et depuis ce temps, malgré les nouvelles adhésions qu'a suscité la course au leadership, le Parti québécois perd des votes au profit d'autres formations politiques.
L'énergie que déploie présentement André Boisclair afin de convaincre les Québécois qu'il n'y aura peut-être pas de référendum sur la souveraineté, cause de graves dommages au camp souverainiste. Il n'y a pas pire discours à propager en ce moment. Il révèle effectivement que le camp souverainiste est en mode défensif suite à l'élection des conservateurs de Stephen Harper. Le message que l'on envoie à la population en est un de doute; les Québécois ne seraient plus disposés à prendre leur avenir en main. Ce n'est pas avec ce propos que le chef péquiste « créera des conditions gagnantes. »
Ce recul découle directement de l'obsession référendaire. En persistant dans cette voie, le Parti québécois ne peut passer à l'offensive puisqu'il ne peut être sûr de la victoire. André Boisclair en est rendu à paraphraser ses adversaires lorsqu'il affirme ne pas vouloir « enfoncer un troisième référendum dans la gorge des gens. » L'attentisme ne s'est jamais aussi durement exprimé chez les péquistes, depuis 1995. Ceux-ci insistent pourtant pour qu'il y ait un autre référendum! Que doit-on conclure alors lorsque André Boisclair ajoute qu'il n'est pas « référendiste? » Chose certaine, cette rengaine du chef péquiste nuit aussi à l'objectif indépendantiste puisque pour plusieurs, l'exercice référendaire y est maintenant étroitement lié. L'un ne va plus sans l'autre. En conséquence, déclarer ne pas être « référendiste » signifie pour nombre de Québécois l'abandon de l'idée souverainiste.
Après avoir vu le projet de pays recevoir l'appui de près de 55% des Québécois l'automne dernier, des questions doivent être posées à ceux qui n'ont manifestement pas posé les bons gestes pour, à tout le moins, maintenir ce soutien. Il fallait mettre les Québécois en marche à l'aide d'une échéance concrète, réelle. Viser le prochain rendez-vous électoral, pour donner la liberté aux Québécois de choisir une autre activité que celle de mendier à Ottawa, aurait soulevé l'intérêt général. Également, la possibilité que les gens décident de conserver quatre années de plus le carcan provincial sur l'Assemblée nationale aurait minimisé l'effet de la défaite des souverainistes: il sera toujours envisageable de convaincre 50% + 1 des Québécois au scrutin suivant. Les situations frustrantes qu'endure l'État québécois face au gouvernement fédéral deviendraient puissamment pédagogiques car les gens sauraient que leur prochain vote pourrait changer les choses. Il ne serait plus question de ce lointain référendum dissimulé dans la brume, perdu quelque part dans l'avenir.
André Boisclair va continuer de se démener vigoureusement durant les prochaines semaines pour aviser formellement les Québécois qu'il n'y aura pas de référendum, s'ils n'en veulent pas. Peut-être pourrait-il demander à Jean Charest de participer à son travail de sensibilisation. Tout sera ainsi d'une grande transparence en prévision du débat des chefs qui aura lieu lors de la prochaine campagne électorale : la population ne sera pas consultée si le Québec n'est pas traversé par un puissant désir de l'être. L'affaire est dans le sac pour les fédéralistes car les Québécois ne souhaitent pas affronter le gouvernement canadien dans une joute référendaire sans lendemain! Ne reste plus qu'à laisser l'assimilation suivre son cours. À l'aide du nouveau programme d'Histoire qui sera prochainement enseigné dans les salles de classes des écoles secondaires du Québec, l'opération devrait se faire rapidement. Bonne « Fête nationale » quand même...
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Je vous laisse pour la saison estivale, en ce premier jour de l'été. Je vais ruminer sur notre sort collectif ainsi que sur le mien. Heureusement, les fraises du Québec sont arrivées! Ces petites douceurs que Dame nature nous ramène à chaque mois de juin me consolent : le parfum de ces petits fruits est unique. J'y respire le retour des beaux jours dans ce pays. J'imagine que nos ancêtres devaient également se réconcilier avec leur patrie grâce à ces fruits. Pardonner à celle qui les a forcés à se terrer dans leur maison durant l'hiver, terrifiés à l'idée de peut-être ne pas en sortir vivant. Quel courage! Cette qualité peut-elle s'altérer au travers des générations?
Patrice Boileau
patriceboileau@videotron.ca
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