Texte publié dans Cyberpresse du 12 novembre 2008 sous le titre "Leçons de l'élection d'Obama"
Merci aux électeurs américains, vous me réconciliez avec l’Amérique. Après
avoir par deux fois voté la folie et la peur, voici que vous réhabilitez le
rêve et l’espoir. Les temps s’annonçaient trop durs évidemment, pour se
laisser guider par la manipulation des plus cyniques.
De solides victoires claires à une maigre victoire éclair
L’élection d’Obama est sans conteste convaincante, avec un score
historique de 53% des voix, un record de participation à 65% et un élan de
popularité à la Kennedy. Si ces résultats sont si claires que le constat
rallie tout le monde, l’interprétation et la compréhension de la victoire
sont plutôt discutables et inconséquentes.
En effet, le lendemain du 04 novembre, tous les médias titraient :
«Historique élection, un Noir à la maison blanche !» Et le monde entier
salua le nouveau président «noir» des USA. Pourtant, durant les derniers
miles de la campagne et alors que les sondages favorisaient Obama,
analystes, chroniqueurs et journalistes étaient unanimes : «les électeurs
blancs disent n’importe quoi aux sondeurs, dans l’isoloir ils ne choisiront
pas un «noir»». Bien triste pronostic, heureusement vite démenti. Comme
aucun de ces gourous n’a reconnu s’être trompé, il sied de comprendre que
les électeurs ne voyaient pas de «noir» sur la liste électoral, et n’ont
effectivement pas voté pour un noir, plutôt pour un «Espoir». C’est un
autre grand marqueur historique de ce scrutin. Comment alors commentateurs
et observateurs ont si rapidement oublié le «brillant et charismatique
candidat» de la victoire, pour lui coller un portrait qui comme chacun sait
n’aurait pu lui servir ? Pire, cette lecture est en train de devenir celle
de tous ceux qui en parlent. Mais, la majorité silencieuse et le nouveau
président sauront résister pour éviter ce piège d’une fallacieuse victoire
éclair d’un noir à la maison blanche.
Ni noir, ni blanc, plutôt métis ou simplement président
Fils d’une mère blanche et d’un père noir, qui sait si pas x fois arrière
petit fils amérindien, Barack Obama est pourtant partout présenté comme
étant un «Noir» ! Pourquoi Obama serait-il le fils de son père «noir» et
non de sa mère «blanche»? Et pourquoi ne serait-il pas «métis» ? Ni blanc,
ni noir, je persiste et signe. Du début des présidentielles jusqu’à ce
jour, Obama ne s’est à ma modeste connaissance identifié «Noir». Ses
discours n’y font pas non plus allusion. Même son curriculum vitae montre
plutôt un cheminement décloisonné. Comment alors l’opinion arrive-t-elle à
voir en lui un «noir», et pourquoi voudrait-on qu’il soit un «noir» ?
A mes yeux à moi, Barack biologique est autant noir que blanc, mais Obama
de la scène politique n’est ni Noir, ni blanc, ni mulâtre, ni métis. Il est
le charismatique nouveau président de cet empire qui préside au pire ou au
meilleur des destins de notre humanité.
Tentative de vol de la victoire
Si l’Obama métissé n’est pas «blanc», c’est qu’il n’est pas non plus
«noir». Curieusement, aidés par les médias les noirs se sont appropriés et
de l’homme et de sa victoire. «C’est une fierté et un modèle, une preuve
que les noirs ne sont pas excellent uniquement en courses de vitesse»,
peut-on lire sur bien de lèvres. Qu’en pensent les métis ? Se
définissent-ils comme étant des «Noirs» ? S’ils ont le même droit
d’exister que les autres groupes sociologiques, ils se font volés leur or
au grand jour. Et puisque l’élu Barack n’était pas présenté au scrutin
comme étant métis, c’est nous tous humains inspirés par lui, sans
distinction ni exclusion aucune, qui subissons une tentative de vol
qualifié de nos victoires et de l’espoir universel.
La grande école universelle
L’ascension de Barack est indéniablement un exploit personnel, avant tout.
Dans un autre monde, rien ne le prédestinait à une présidence des destins
d’un empire. Il aura rêvé, dans la bonne direction. Il aura constamment
trimé fort ; il aura en famille, à l’église et à l’école prêté bonne
oreille aux mélodies du chœur alliant cœur et esprit. Il aura cultivé,
incarné et manifesté des valeurs, des attitudes et des compétences faisant
de lui le leader que la démocratie vient de couronner, à la satisfaction
du monde entier. Le président Obama ne prend pas cette victoire à son
compte, ni à celui de son organisation, pas plus qu’à celui de ses
disciples ou des électeurs. « C’est votre victoire, c’est vous qui allez
présider aux meilleurs destins pour tous», peut-on paraphraser des passages
de son discours à l’issu du scrutin. Ainsi, nous pouvons aisément
comprendre qu’avec Obama, chacun accède à la présidence de son destin. Plus
de barrières de naissance ou de baptême, réelles ou imaginaires. Il faut y
croire, essuyer ses glasses pour clairement voir, et se retrousser les
manches pour pétrir la pâte. Nous serons tous présidents, chacun dans
l’univers de son altitude, ne suffirait-il pas de suivre le modèle. Nous
sommes déjà présidents, chacun chez-soi devant sa planche à pain.
L’école publique et des médias
Le président Obama aurait eu beau être brillant et inspirant, il n’aurait
pas gagné sans la collaboration des médias américains. Ces derniers se sont
montrés plus constructifs et responsables, nettement moins récréatifs,
corrosifs ou oisifs. En effet, ils ont donné large couverture au contenu,
et ont avec une constance inhabituelle tourné le dos au sensationnalisme et
aux marchands de drames. «On peut maintenant dire qu’il est noir, qu’il
s’appelle Hussein», commenta le lendemain du vote un animateur radio pour
dire qu’il s’en était abstenu durant la campagne afin de ne pas nuire au
candidat et à l’intérêt général. Oui, le contenu était dans le menu, dans
la marmite et dans le service. Et vendre les qualités et les espoirs promis
de l’ex-sénateur de l’Illinois devait être plus payant que de se vautrer
dans la boue noire des vieux clichés racistes ou terroristes. Oui, une
année de campagne donne assez de latitude aux médias pour faire large plage
aux messages, à l’école des débats d’idées, et aux aménagements d’images
sans dénaturer outre mesure leurs programmations. Mais il reste que les
journalistes, chroniqueurs et commentateurs ont été profonds et
contributifs dans leurs lectures.
Je revisite la couverture médiatique des
dernières campagnes au Canada, grande est ma stupéfaction. Toute une
cuisine au négativisme défaitiste et destructeur, images d’erreurs ou
faiblesses grossies à toutes les heures sur toutes les pages, on dirait un
gala de gaffes pour amuser la galerie! Les voisins font des enfants qui se
ressemblent, dit-on en Afrique. Ainsi nous pouvons au Canada rêver de nous
défaire de cette piètre culture de la sensationnelle «médiocraphilie», et
emboîter le pas à nos seuls voisins immédiats. Au fait, d’où leur serait-il
venu l’inspiration, le mot d’ordre, le modèle ? Peu importe la réponse, les
médiats américains se sont mérité une bonne part dans cette grande
victoire. Désormais nous pourrons dire sans nous tromper, que nous aurons
un déficit de leadership politique si nous avons un autre comparable de
l’univers médiatique.
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --
Électeurs américains, vous me réconciliez avec l’Amérique
Présidentielle étatsunienne
François Munyabagisha79 articles
Psycho-pédagogue et économiste, diplômé de l'UQTR
(1990). Au Rwanda en 94, témoin occulaire de la tragédie de «génocides»,
depuis consultant indépendant, observateur avisé et libre penseur.
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1 commentaire
Archives de Vigile Répondre
12 novembre 2008Obama hélas a été financé à 75% par les mêmes milliardaires qui ont financés Bush à l'époque. Bush avait un ex pdg de Goldman Sachs comme conseiller principal. Et Obama ? Hélas ! Même chose ! Attention. Ne tombons pas dans l'adoration ici. On verra ce que fait Obama avant de juger. Pour moi la lume de miel, malgré le symbolisme, est déjà terminée. En réalité je ne me fais aucune illusion sur Obama. Il est entouré de l'ancienne bande à Bill Clinton. Un impérialiste américain demeure un impérialiste américain, même si le père est africain. Hélas. Je m'excuse d'être un casseux de party.