"Je regrette ces 3 années passées à l'école de francisation. Oui je parle le français, parfois mieux que des voisins natifs d'ici, mais la caissière au Super C ne prend pas mes mots pour du cash", se plaint une francisée et bénéficiaire de l'aide sociale, en attente désespérée d'un emploi.
Ça fait des années que j'entends le monde autour de moi, parler de la francisation comme une stratégie efficace d'intégration des nouveaux Québécois. Je trouve cette vision trop simpliste, voire dangereuse. D'abord, trois années de francisation, ça n'a pas bon sens. On met trop d'accent sur la langue, et on perd de vue le travail et son potentiel pédagogique. Sur ce point, rappelons que la langue s'apprend nettement mieux par l'immersion dans un milieu vivant, motivant. Ainsi des jeunes à l'école apprennent une langue en quelques semaines. Ailleurs, en Russie par exemple, Chine ou Allemagne où les cours sont dispensés en l'unique langue nationale, 26 semaines suffisent pour rendre fonctionnel tout nouvel étudiant étranger. Pourquoi ici ça devrait doubler, quadrupler, sextupler? Parce que l'intérêt penche asymétriquement du coté des "franciseurs".
Certains apprécieront de pouvoir jaser en français avec Pulchérie ou Jamal arrivés muets il y a 5 ans. Mais, il est certain que les concernés rougissent de se voir assimilés aux assistés sociaux, malgré la francisation. Leur situation ne fera par ailleurs pas la fierté de qui que ce soit. Alors pourquoi la francisation ?
Voyons ce à quoi la francisation est censée servir. À l'intégration, me dira-t-on. Et comment voulons-nous intégrer nos concitoyens? Premièrement, par le travail (salarié, autonome ou d'employeur). Je crois qu'on s'accordera majoritairement là-dessus.
Si la voie privilégiée de l'intégration est le travail, est c'est bien cela, alors il sera mieux indiqué de mettre l'accent sur l'employabilité. Sans emplois, le français ne saura retenir personne ici. On s'en ira voir ailleurs où l'intégration est bien organisée. Notons que peu d'emplois requièrent une bonne connaissance linguistique. Toute personne saura rapidement élever la maîtrise de langue au niveau de ses aspirations professionnelles.
Inutile donc de mettre la charrue devant les boeufs. Il sied alors d'ouvrir l'esprit d'employeurs à l'intégration des travailleurs arrivés d'ailleurs, et celui d'immigrants aux exigences d'une profession. Le plus vite nous saurons mettre le monde au boulot, le plus sûr ils s'enracineront et prendront pour leur la belle langue de chez nous.
Belle langue mal aimée, le francais
Défis de l'acceuil des immigrants au Québec
Non à une francisation "béyescisante"
Tribune libre
François Munyabagisha79 articles
Psycho-pédagogue et économiste, diplômé de l'UQTR
(1990). Au Rwanda en 94, témoin occulaire de la tragédie de «génocides»,
depuis consultant indépendant, observateur avisé et libre penseur.
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3 commentaires
Martin Perron Répondre
11 août 2016Se pourrait-il que la capacité d'accueillir soit atteinte? Si ces immigrants ne trouvent pas de travail, et c'est la réalité, ce n'est certainement pas parce qu'ils apprennent le français. Il faut plutôt questionner notre politique d'immigration. Pourquoi recruter des gens s'ils ne trouvent pas de travail ici? Pourquoi faire payer les Québécois afin de faire venir des gens qui s'intègreront mal ou pas du tout et qui ne trouveront pas de travail? Est-ce que les responsables font croire à ces immigrants qu'ils trouveront facilement du travail alors que ce n'est pas le cas?
Je ne fais pas du tout confiance à la ministre de l'Immigration, Mme Kathleen Weil. Les buts qu'elle recherche sont essentiellement politiques. Les Québécois et les immigrants n'y trouvent pas leurs comptes et sont trompés selon moi. Cela est impardonnable.
Marcel Haché Répondre
11 août 2016« Sans emplois, le français ne saura retenir personne ici. On s’en ira voir ailleurs où l’intégration est bien organisée. » François Munyabagisha.
Vous avez raison. Suis totalement d’accord avec tout votre texte.
On a tendance à oublier que L’ « Emploi » est un marché très concurrentiel. C’est sur ce marché-là qu’existe une concurrence des « langues ».Ce ne sont pas des « cours de français » dont les nouveaux arrivants ont besoin, ce sont des milieux de travail où les parlants français ne se laissent pas faire et qui imposent NOTRE langue plutôt que celle de nos aimables voisins…
Et imposer une langue, imposer NOTRE langue, c’est une affaire sérieuse à la seule condition que NOTRE état soit lui-même sérieux. Qu’est-ce à dire ?
Ceci : moins de « cours », moins de lois et règlements, et aucun accès nulle part à quelque subvention provenant de l’État aux employeurs irrespectueux de NOTRE langue. C’est ça être conséquent avec un « marché » : plutôt que d’y mettre élégamment un genou par terre, distribuer généreusement ce qui s’appelle un coup de pied... En cette matière comme en bien d’autres : l’argent avant la vertu…
Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre
10 août 2016C'est quand même au tableau noir qu'on apprend les pièges de la belle langue de chez nous, comme l'orthographe de "accueil", Longueuil... fauteuil...:-)