Rapport Bouchard-Taylor

D'étonnantes maladresses

Le seul rapport de force qu’y puisse subsister suite à cette commission réside dans la parole qu’elle aura libérée.

Tribune libre 2008

Les auteurs du rapport Bouchard-Taylor ont retenu le principe de la
conciliation comme promesse d'avenir pour le Québec. Quelque neuf cents
mémoires déposés, des centaines de dialogues engagés mais un seul constat:
le Québec doit faire preuve de plus d'ouverture aux autres. Comment? En
engageant la majorité québécoise d'ascendance canadienne-française sur la
voie unique de l'accommodement, ce, dans toutes les sphères d'activités
régissant la société québécoise. Ainsi, nous interdirons tout vocabulaire
indigne de la rectitude politique. Les minorités ne sont plus ‘visibles’,
les québécois ne sont plus ‘de souche’ (il est vrai que M Bouchard a depuis
longtemps jeté ses souches aux feux de la Saint-Jean), même que les
‘accommodements’ deviennent des ‘ajustements’. Parlons-nous ici de rapport
de force? Dérapage? Pour l’instant, optons donc pour le dérapage, très
certainement.
Dans l'énoncé de ses grands principes, ce rapport niche à l'enseigne du
pluralisme et de l'interculturalisme à la québécoise mais emprunte tous ses
aboutissants à l'idéologie du multiculturalisme canadien. Si le vœu des
commissaires était de louer sans réserve les principes vertueux de
l'accommodement, il aura été exaucé! Les deux comparses n'auront toutefois
aucunement provoqué cette conciliation tant recherchée, car ce rapport
dégage surtout d'énormes failles nées d'une mauvaise analyse et porte le
témoignage d'un certain aveuglement de leur part, comme si enfermés dans
leur tour d'ivoire, ils n'avaient su comprendre la dure réalité des
accommodements raisonnables.
Plus nous prenons connaissance des lignes directrices sous-jacentes aux
grands principes énoncés dans les trente-sept recommandations du rapport,
plus la thèse des commissaires justifie pleinement que nous la rejetions.
Si ce rapport constituait une thèse universitaire de maîtrise, on peut se
demander si les élèves Bouchard et Taylor auraient obtenu leur diplôme.
Examinons ici d'étonnantes maladresses.
L'incohérence la plus significative est la définition de ce ‘laïcisme
ouvert’ tel que prôné par Messieurs Bouchard et Taylor. L'espace public y
est si mal défini, multiculturalisme oblige, qu'on peut supposer que le but
recherché est d'éloigner le législateur de toute demande d'accommodement
religieux, laissant aux parties civiles le soin de remédier à tout
différend.
À titre d'exemple, les signes religieux y sont favorisés à l'intérieur des
écoles, des universités et de la fonction publique mais interdits au sein
des forces policières et parmi les hauts dirigeants de l'État.
Qu'adviendrait-il d'un sikh élu député à qui on interdirait ainsi de porter
le turban ou encore d'un député juif de porter la kippa? Mais encore! Au
nom de l'équité, les commissaires nous disent: 'Cachez ce crucifix que nous
ne saurions voir'. Quelle belle logique de réciprocité, n'est-ce-pas?
De tels énoncés contradictoires pullulent lorsqu'ils abordent la question
de l'égalité hommes-femmes. Tout en exposant les principes vertueux de
l'égalité, nos philosophes en herbe excluent totalement l'égalité des sexes
de leur discours. Ils recommanderont qu'un patient ou une patiente puisse
exiger un médecin de son sexe lors d'une hospitalisation de longue durée.
Qui plus est, à l'intérieur de cette recommandation particulière, on
suggère aussi d'offrir un service d'interprètes. Ne prônaient-ils pas que
le français soit favorisé dans la société québécoise? La traduction se
dirigera-t-elle vers le français? L'anglais? Et si l’interprète devait
également épouser les principes religieux du patient! Pourrions-nous donc
imaginer pire scénario?
Et si nous exprimions en coûts tous ces accommodements religieux à
consentir? Messieurs Bouchard et Taylor ne recommandent-ils pas d'autres
études au sujet de nos entreprises et associations corporatives? Ne
suggèrent-ils pas que juges et avocats dirigent encore une fois notre
destinée pour plusieurs décennies à venir?
Les commissaires en auront déçu plus d'un. Ils feignent de reconnaître que
plus de 80% de la population, immigrants inclus, rejette les accommodements
religieux. Les québécois et québécoises souhaitent avant tout vivre
harmonieusement dans un pays où langue et culture communes ont un sens et
où l’espace public est entièrement libre de toute contrainte religieuse.
Faudra-t-il réinventer l’histoire pour faire réagir nos élus? Le seul
rapport de force qu’y puisse subsister suite à cette commission réside dans
la parole qu’elle aura libérée. Cette parole est d’ailleurs bien reprise
par les concitoyens et concitoyennes des autres provinces canadiennes.
Qu’ils soient du Québec ou d’ailleurs, que nos politiciens et politiciennes
se le disent : maintenant, c'est à eux et elles de parcourir le chemin que
les québécois et québécoises leur ont tracé durant cette saga des
accommodements raisonnables.
Bernard Thompson

Hérouxville
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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    28 mai 2008

    Bonjour Bernard,
    On peut élaborer longtemps sur les vicissitudes
    du rapport BT. On peut philosopher un siècle là-dessus et il restera toujours quelque chose à dire. Ce rapport est à l'image de celui qui l'a commandé. Que peut-on attendre d'une demande de Jean Charest pour éviter de prendre quelque décision que ce soit à ce sujet. Son courage est légendaire, n'est-ce pas?
    Ce rapport ne pouvait être autre chose qu'un cafouillage propre à mêler tout le monde sous apparence de sagesse. Que dire aussi de la fuite qui ne peut-être fortuite. Toute cette commission a un relent de basse manipulation politique, du Charest pur porc...et ça nous a coùté plus de 5.000.000$.
    Pitoyable!!! Révoltant!!!