Coup de vieux

Climat politique au Québec

Il faut un certain temps avant de devenir un «vieux parti», mais l'ADQ semble en bonne voie d'y parvenir.
Samedi matin, plusieurs délégués au conseil général réuni à Victoriaville étaient assez impressionnés par les propos de l'ancien président d'Hydro-Québec, André Caillé, notamment par son plaidoyer en faveur d'une hausse des tarifs d'électricité qui les rapprocherait des prix du marché.
Le cahier distribué aux participants expliquait que «le bas prix de l'électricité au Québec est en grande partie responsable de la surconsommation énergétique». En atelier, un militant a donc proposé que la suggestion de M. Caillé devienne officiellement la politique de l'ADQ. Il fallait rejeter la langue de bois des vieux partis et dire les choses comme elles sont.
Le député de Montmagny-L'Islet, Claude Roy, s'est empressé de l'appuyer. «II va falloir arrêter d'être hypocrite», a-t-il lancé, invitant les délégués à «crever l'abcès». Agir autrement serait «un manque flagrant de leadership de notre part».
Ce n'était pas la première que M. Roy laissait ainsi parler son coeur. En mai dernier, il n'avait pu s'empêcher d'applaudir à certains passages du discours inaugural prononcé par le premier ministre Charest, y retrouvant plusieurs des éléments du programme adéquiste. Son collègue de Terrebonne avait dû lui donner un coup de coude pour lui faire comprendre que l'opposition doit maugréer, même quand elle est d'accord.
Samedi, c'est le député de Beauce-nord, Janvier Grondin, plus expérimenté, qui est venu rappeler à M. Roy l'abc de la politique. «Demain matin, dans les journaux, on va dire que l'ADQ veut augmenter les tarifs de 50 %.»
Non pas que M. Grondin soit nécessairement opposé à une telle augmentation. Il en reconnaissait volontiers le bien-fondé. Toutefois, «malgré le fait qu'on peut l'avoir dans la tête, il ne faut pas le dire», a-t-il expliqué. Personne n'a osé contredire un aussi éminent stratège.
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Dès ses débuts en politique, Mario Dumont aurait pu en apprendre à bien des politiciens plus âgés en matière d'opportunisme et de roublardise. Il doit d'ailleurs s'étonner que l'on puisse voir une contradiction entre son appui inconditionnel au développement hydroélectrique et sa nouvelle préoccupation pour l'environnement. Le fin du fin en politique ne consiste-t-il pas à dire à la fois une chose et son contraire?
En revanche, son parti avait toujours fait preuve d'une certaine candeur. Il n'y a pas si longtemps, les délégués auraient appuyé M. Roy, et M. Grondin se serait fait dire d'aller au PLQ ou au PQ, si son appétit de pouvoir l'emportait sur sa détermination à combattre ce que M. Dumont appelle les «forces de l'immobilisme».
Le conseil général de Victoriaville était le premier depuis que l'ADQ a été appelée à former l'opposition officielle, et tous les observateurs ont noté qu'elle avait gagné en maturité politique. Pendant des années, les réunions adéquistes étaient surtout caractérisées par leur pittoresque. La sincérité ne faisait aucun doute, mais on entendait souvent des choses assez bizarres, pour ne pas dire complètement farfelues.
Les discussions de la fin de semaine dernière étaient d'un niveau tout à fait comparable à celui que l'on retrouve au PQ ou au PLQ. Même si l'environnement est un sujet qui peut devenir très technique, les délégués semblaient très bien savoir de quoi ils parlaient. D'ailleurs, la proportion d'ingénieurs dans la salle semblait nettement en hausse, ce qui constitue un indice supplémentaire du fait que l'ADQ est dans l'antichambre du pouvoir. Entendre M. Dumont dire que la seule limite est notre capacité de construire a dû être musique à leurs oreilles.
Contrairement à leur habitude, les délégués ont systématiquement écarté les propositions qui risquaient de susciter la controverse, qu'il s'agisse de la création d'une «police verte» pour débusquer les pollueurs ou encore l'installation obligatoire de compteurs d'eau.
Le député d'Iberville, André Riedl, s'est fait rabrouer à son tour, quand il a suggéré de rendre rétroactive la nouvelle «Charte d'autonomie municipale» dont l'association de Nelligan proposait l'adoption, ce qui aurait pu permettre l'annulation complète des fusions décrétées par le gouvernement Bouchard.
Le père fondateur de l'ADQ, Jean Allaire, a senti le besoin d'intervenir pour rappeler à M. Riedl que «qui trop embrasse mal étreint». Il a même ajouté que l'ADQ était «le parti de la modération» (sic). Même s'il est prématuré de songer à la formation d'un Conseil des ministres, Mario Dumont doit certainement commencer à prendre des notes sur le jugement politique de ses députés.
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On est encore loin de «l'équipe de rêve», mais il y a tout de même des signes encourageants. André Caillé avait ressorti son célèbre col roulé à Victoriaville. Même si son étoile a pâli depuis la crise du verglas, l'ADQ a un urgent besoin de vétérans susceptibles d'inspirer confiance dans sa capacité de gouverner.
Son ralliement à l'ADQ n'est cependant pas acquis. À l'époque, Paul Martin pensait bien l'avoir convaincu de rejoindre les rangs des libéraux. La suite des choses a montré que M. Caillé avait bien fait de rester à Hydro-Québec. Il hésiterait maintenant entre le PC et l'ADQ, mais il y a des gens qui aiment simplement être courtisés sans jamais oser faire le saut.
Au printemps, Jean Garon avait bien failli être candidat dans une circonscription de la Montérégie. Même si son passage à l'Éducation a laissé de très mauvais souvenirs à plusieurs, son expérience est indéniable, et il demeure un personnage populaire en région.
Dans leur colère contre les libéraux, les maires défusionnistes de l'ouest de l'île semblent avoir oublié que Mario Dumont a été le premier chef de parti à faire sien le projet d'«une île, une ville». En élisant un président d'origine grecque, l'ADQ envoie également aux communautés culturelles le signal qu'elle est peut-être moins allergique à la diversité qu'il n'y paraît.
Il y a moins d'an, le président de l'ADQ était Yvon Picotte. C'est dire à quel point les choses ont changé.
mdavid@ledevoir.com


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