Le PQ aurait le «vent dans les voiles». C'est ce que nous révèle un titre de La Presse qui commente un sondage CROP sur les intentions de vote des Québécois. Disons tout de suite qu'avec 4 % d'avance sur les libéraux, on ne peut pas dire que la régate est gagnée. Nous sommes presque à égalité si nous prenons en compte la marge d'erreur. À 26 %, l'ADQ semble connaître une véritable régression, comme si ce parti progressait dans l'opinion publique quand on ne le voit pas en action et baisse dès qu'il occupe l'avant-scène. Quant à Québec solidaire, il recueille un maigre 3 %, ce qui prouve à mon avis qu'à force de vouloir faire de la politique absolument autrement, on cesse absolument d'être un joueur.
Ce qui me frappe dans ce sondage, ce n'est pas la faible variation des appuis, c'est qu'il se situe dans une sorte de continuité tranquille et paisible de l'électorat. Si on examine les dix sondages effectués depuis les dernières élections, on constate que rien ne bouge vraiment. Aucun parti n'a excédé la marque de 34 % ou a recueilli moins de 25 % d'intentions de vote. Si on prend en compte la marge d'erreur, tout ce beau monde se retrouve dans un mouchoir de poche.
Au Canada, on constate le même phénomène. Hormis une poussée conservatrice une fois et une petite remontée libérale après l'élection de Stéphane Dion comme chef du PLC, l'opinion publique bouge autant qu'un lac paisible un soir d'été.
Pourtant, ce n'est pas faute d'enjeux et de controverses. Au Québec sévit la catastrophe forestière et l'incroyable arrogance des papeteries comme Abitibi. Il y a aussi le débat sur la sécurité routière (et l'inexplicable appui du PQ aux lobbys des camionneurs et des propriétaires de taxi), le «nous» discriminatoire de Pauline Marois, le refus d'Ultramar de participer au Fonds vert, les accommodements raisonnables, la bêtise académique des pédagogues du ministère de l'Éducation et, finalement, le débat mal parti sur le «recul historique du français», qu'on confond avec la baisse du poids démographique des francophones de langue maternelle dans la région de Montréal. Il existe là quand même matière à se passionner, à prendre parti, à changer de camp selon les positions des partis. Mais presque personne ne bouge.
Au Canada, le débat sur la présence en Afghanistan enflamme les parlementaires. Les Canadiens, majoritairement favorables à Kyoto et grands défenseurs de l'environnement, regardent peinards leur gouvernement fouler aux pieds le traité et se ranger dans le camp de ceux qui protègent les pollueurs sous prétexte de croissance économique. Ce ne sont pas des enjeux mineurs. On parle ici de soldats canadiens tués et de pans de la planète qui disparaissent pour faire plaisir aux exploitants des sables bitumineux. Mais, dans les sondages d'opinions, rien vraiment ne bouge, on fait du surplace. Un autre lac tranquille.
On invoquera une désaffection à l'égard de la politique causée par les scandales (peu nombreux) pour expliquer ces résultats, une banalisation des enjeux qui ne mobilisent plus, une sorte de confort qui vient avec la prospérité (même quand celle-ci est factice).
Le dernier véritable bouleversement politique au Canada fut la victoire de Stephen Harper aux dernières élections. Il existe dans ce pays, pas seulement en Alberta et en Beauce, un fort courant de conservatisme social, d'adoration de l'entreprise privée, de glorification de l'individualisme et de répression pour les criminels et les marginaux. Cette volonté profonde ne trouvait pas son équivalent, son exutoire politique et s'éparpillait entre différents partis. Stephen Harper a fait un pari audacieux, un pari d'idées et de passion. Non seulement il tiendrait un discours de droite, mais il le ferait sur toute la ligne. Mario Dumont a fait la même chose. Il a dit sans s'excuser «je fais appel à tous les réactionnaires du Québec» et a appuyé Jeff Filion.
Depuis, tout est redevenu normal: Harper s'adjoint Pierre Marc Johnson comme conseiller à l'environnement et Dumont a abandonné son rôle de franc-tireur pour celui du politicien respectable. Dans ces deux cas, peut-être ont-ils compris qu'ils avaient rejoint l'ensemble de l'électorat de droite et qu'il fallait se rabattre sur le centre.
Si rien ne bouge dans l'électorat, c'est bien parce que rien ne bouge en politique et que ceux qui veulent nous enflammer nous endorment et nous laissent indifférents. Nous ne croyons plus à leur véritable volonté de changer les choses pour le mieux-être, nous ne pensons pas que cela les intéresse vraiment. Nous avons l'impression qu'ils administrent et non pas qu'ils gouvernent. Nous ne croyons plus au pouvoir de la politique, alors nous nous demandons pourquoi changer. De plus en plus, parce qu'ils proposent moins de choix audacieux, nous nous demandons même pourquoi nous devrions aller voter. Confrontés à des comptables du pouvoir, les électeurs font pile ou face ou ne font rien. Ils attendent peut-être des idées, des projets, des propositions qui mobilisent et suscitent l'adhésion.
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Le gouvernement Charest a proposé pour la première fois de son existence un projet de loi courageux et audacieux, celui sur la sécurité routière qui interdit l'usage du cellulaire, permet l'installation de photos-radars, augmente les pénalités pour conduite dangereuse, des mesures qui sont appuyées par 80 % de la population. On s'attendait à ce que l'ADQ, parti des 4x4, s'oppose au projet, en raison des votes des camionneurs. Mais le PQ? Sous prétexte qu'il est peut-être exagéré d'abaisser le taux d'alcoolémie à 0,05? Voilà des mesures qui ont fait leur preuve partout, voilà un projet de loi sensé qui va sauver des vies, et le PQ de Pauline Marois s'égare dans la petite politique. On s'attendait à mieux.
Collaborateur du Devoir
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