Legault : des questions pour le PQ

CAQ - Coalition pour l’avenir du Québec



Quand un sondeur se permet de poser une question qui comporte deux hypothèses, c'est qu'on lui demande de mesurer une opinion publique qui réagit comme une boussole qui a perdu le nord. C'est ce qu'a fait la firme Léger Marketing en demandant aux Québécois comment ils voteraient 1- si François Legault formait un parti qui inclurait l'ADQ, 2- s'il formait son propre parti. Eh bien, François Legault deviendrait premier ministre.
On peut chercher les qualificatifs, ubuesque, surréaliste, ridicule, peu importe, c'est un bon indicatif du désarroi et de la désillusion qui caractérisent l'état d'esprit de l'électorat québécois.
Cela est d'autant plus renversant que l'ancien ministre péquiste n'a rien du leader charismatique ou du tribun populiste et que son «manifeste» constitue un court catalogue de bonnes intentions et de propositions plutôt imprécises. Deux parties de son message sont cependant claires: mettre de côté l'éternel débat sur la question nationale et se lancer dans la recherche de l'efficacité, de la rentabilité et de l'excellence.
Il faut donc présumer que ce sont les facteurs principaux qui pousseraient 37 % des électeurs à accorder leur appui au leader de la Coalition pour l'avenir du Québec. Et à ce jeu de la chaise musicale qu'invente le vide politique actuel, c'est le Parti québécois qui se retrouve entre deux chaises occupées. Il perdrait plus d'un tiers de ses appuis au profit de l'hypothétique parti de François Legault, qui dominerait chez les francophones et ferait lutte égale avec les libéraux dans la grande région métropolitaine. La désillusion n'est pas également répartie, c'est le PQ qu'on remet en question.
Les libéraux perdent quelques appuis, mais maintiennent leur base militante et fidèle. On peut ne pas les aimer, mais on sait qui ils sont. Les libéraux défendent le Canada, l'entreprise privée et un État moins directif. Bon an mal an, anglophones, minorités ethniques, homme d'affaires ou de la construction, un tiers de la population au moins se retrouve dans le camp libéral. On sait à qui on a affaire.
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Déjà, l'incapacité des péquistes à profiter plus de l'impopularité de Jean Charest, un désaveu aux proportions gigantesques, aurait dû sonner l'alarme. Ce n'est pas un phénomène conjectural, car il en est ainsi depuis deux ans. Historiquement, le PQ face à l'adversité ou au désenchantement populaire a l'examen de conscience rapide et assassin. Le parti est parfait, c'est le chef qui ne fait pas le travail. René Lévesque, Pierre-Marc Johnson, Lucien Bouchard et maintenant Pauline Marois ont fait les frais de ce refus permanent d'autocritique et de remise en question. Or aujourd'hui, il est de plus en plus évident que c'est le parti lui-même qui ne soulève plus l'enthousiasme de sa base et qui ne parvient pas à engranger les dividendes de la colère et du dégoût populaires à l'égard du gouvernement Charest. En bref, on ne sait plus trop quel est ce parti, quel projet de société il défend, quel Québec il souhaite.
Traditionnellement social-démocrate et progressiste, le PQ a vu écorner son image de réformiste au gré des coups de boutoir conservateurs de Lucien Bouchard et de Bernard Landry. Il a bien tenté de se refaire une image d'acteur de changement, mais ce fut à la sauvette et au gré des circonstances, de telle sorte qu'il est bien malin celui qui saura définir le parti aujourd'hui. La gauche ne se reconnaît plus dans le parti, pas plus que cet indéfinissable centre qui semble faire la fortune de François Legault.
En fait, le PQ ne semble se définir carrément que par sa volonté de réaliser l'indépendance. La stratégie, les échéances, les moyens pour atteindre cet objectif ont monopolisé tous les débats dans le parti au détriment du contenu social et économique. Ce rêve de la souveraineté fut peut-être déjà un atout pour le parti, lui assurant un tiers solide de l'électorat auquel il pouvait ajouter une bonne partie de ceux qu'on appelle les «nationalistes mous». Les fervents, les croyants, les purs et durs sont toujours les derniers à se rendre compte que les temps changent. Ils y opposent jusqu'à la déconvenue finale leur conviction aveugle qu'ils sont dépositaires d'un dogme quasi divin et intouchable.
Or c'est précisément là que François Legault vient remettre le PQ en question dans ses fondements mêmes, dans ce qui semble être devenu sa seule raison d'être. La réaction du député Bernard Drainville est exemplaire à cet égard. «Il laisse tomber le Québec», a-t-il déclaré, laissant entrevoir une certaine lâcheté et pourquoi pas une trahison. Nous ne sommes pas loin de l'anathème. Et si le courage précisément résidait dans la remise en question permanente des certitudes anciennes? Et si le devoir de l'homme politique n'était pas de prendre la mesure des désirs des citoyens, de l'évolution de leur état d'esprit et des changements survenus dans la société? Ils sont nombreux les indépendantistes honnêtes et convaincus qui ne croient plus que la poursuite de cet objectif est essentielle au développement et au progrès d'un Québec résolument et fièrement francophone. Ce ne sont pas des traîtres, ni des désabusés sans convictions, ce sont tout simplement des gens qui ont évolué et changé d'idée. Ils semblent en tout cas suffisamment nombreux pour faire d'un ex-politicien sans parti un premier ministre virtuel. Se fermer les yeux serait suicidaire pour le PQ.


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