Une petite semaine

C'est le choix du gouvernement Charest qui constitue un choix idéologique au mépris de la rentabilité économique collective.

IDÉES - la polis



Il y a de ces semaines qu'on n'oublie pas, qui s'impriment dans la mémoire et qu'on peut raconter dans le détail des années plus tard. Ce fut le cas pour moi de cette semaine historique qui se termina par le départ de Moubarak. Comme si l'espace de quelques jours j'avais été un Égyptien surpris, enchanté puis encouragé et finalement embrigadé par cette démonstration exemplaire de détermination, d'intelligence et de courage. Impossible de ne pas penser à Gandhi et à Martin Luther King en contemplant ce triomphe de la non-violence systématique contre l'arbitraire brutal. La violence tue les individus, mais elle est démunie face à leurs pensées et à leurs mots.
Lundi matin, j'entame la journée d'un coeur léger, certain de retrouver la place Tahrir où on poursuivrait certainement l'articulation de cette révolution pacifique.
Mais non, je suis au Colisée Pepsi à Québec dans une atmosphère de match de lutte. Les gladiateurs, Jean Charest et Régis Labeaume, font des «high five» aux partisans survoltés. Nous avons perdu la bataille des plaines d'Abraham, mais nos deux spécialistes de la clé de bras vont remporter la bataille sacrée des Nordiques. Nulle impasse financière, nulle incertitude, nul sacrifice des contribuables ne les arrêteront dans leur marche victorieuse vers le bonheur sportif des masses. On y consacrera 400 millions sur la foi d'une étude qui comporte une marge d'erreur de 75 %. Ce n'est pas le courage qui manquera au brave peuple que nous sommes. À l'extérieur dans le froid cinglant, quelques dizaines de procureurs de la Couronne font le piquet en silence réclamant ce rattrapage justifié (même selon le gouvernement). L'efficacité de la justice peut se faire par étapes, l'équité salariale aussi, mais dans le cas des Nordiques, le rattrapage ne peut souffrir d'attendre plus longtemps. À l'intérieur fier comme un paon, Sam Hamad, ministre de la capitale, fait gracieusement la roue. Dorénavant certain de sa réélection, le ministre des routes les plus dispendieuses au Canada se souvient que le but d'Alain Côté était bon.
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Mercredi, j'assiste au début d'une nouvelle croisade pour le respect des valeurs fondamentales. Enfin, une lutte de principe. Nous sommes à Saguenay où bat le coeur des vrais Canadiens français, ceux qui font leur prière avant de se pencher sur un contrat de cueillette des ordures. Le maire Tremblay, spécialiste des phénomènes météorologiques, historien autodidacte et pourfendeur des Canadiens français «mous» qui acceptent sans rechigner de se faire tondre la toison catholique, part en guerre pour conserver sa prière municipale, symbole en extinction de notre identité nationale. Pire encore, il vient d'établir un record historique digne du Guinness: il figurera comme ayant été le premier maire de l'Histoire à avoir été condamné pour une prière. «Même dans l'Antiquité ou au Moyen Âge», jamais un édile municipal ne fut victime d'une telle persécution. L'envie m'est venue de lui «twitter» que les maires n'existaient pas dans l'Antiquité ou au Moyen Âge et que durant l'Inquisition, on était condamné au bûcher pour ne pas avoir fait sa prière ou pour avoir prononcé une prière non conforme, mais je ne l'ai pas fait. Et puis, comment expliquer en 140 signes que les nations ne sont catholiques ou juives ou musulmanes que lorsque l'État le décrète et que cela s'appelle la théocratie, et que lui-même trouve que l'Iran est un État barbare? Après Hérouxville, voici maintenant le village irréductible des Gaulois de Saguenay. Pendant ce temps, dans le Saint des Saints de la démocratie laïque québécoise, le crucifix de l'Assemblée nationale rigole en douce: tous nos élus ont décrété qu'il faisait partie de notre identité nationale. Il fait une petite prière pour le maire Tremblay, une prière silencieuse parce qu'il ne veut pas trop manifester sa présence de peur qu'on le décroche.
Dans cette digne Assemblée, le PQ s'est scandalisé cette semaine du fait qu'Hydro-Québec ait cédé à l'entreprise privée ses droits sur l'exploration pétrolière dans l'île d'Anticosti. Avec raison. Mais les péquistes ne devraient pas pavoiser. Sous leur gouverne, rien n'a été fait pour assurer que les ressources de notre sous-sol contribuent d'une manière significative à la richesse collective. Le Parti libéral poursuit dans la même voie ce qui, de sa part, surprend moins.
Tous les pays du monde, du Gabon à l'Irak, de la Norvège à l'Indonésie, les provinces comme Terre-Neuve, la Saskatchewan, l'Alberta, la Colombie-Britannique, tous se sont assuré à des degrés divers que les richesses collectives demeurent précisément cela, des richesses collectives. Ce n'est pas un choix idéologique, c'est un choix économique simple qui s'appelle aussi: profiter de ses avantages comparatifs. C'est le choix du gouvernement Charest qui constitue un choix idéologique au mépris de la rentabilité économique collective. Seule, l'entreprise privée peut créer de la richesse. Le rôle du gouvernement est de contribuer à son succès. Faudrait m'expliquer pourquoi la solution magique des PPP est tout indiquée pour le CHUM, mais inapplicable dans le cas de l'éolien, de l'eau, du pétrole et du gaz.
Bev Oda ment comme elle respire. Elle ment au Parlement, elle ment aux Canadiens. Cela n'émeut que les âmes sensibles, semble penser le premier ministre Harper, qui avait fait de la vérité et de l'honnêteté son principal thème de campagne électorale. Ouais, décidément, ce fut une petite semaine.


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