Les crises qui secouent présentement les partis politiques au Québec mettent en évidence les effets désastreux d’un système de représentation contrôlé par des partis politiques qui se battent entre eux pour s’emparer du pouvoir au lieu de s’occuper des priorités des citoyens qu’ils sont censés servir. Ces effets sont encore plus marqués dans un système parlementaire britannique comme le nôtre, où le scrutin à majorité simple confère une prime au gagnant et où l’assemblée législative est captive d’un exécutif nommé par le parti dominant.
Le désarroi des politiciens
Si les citoyens ont salué chaleureusement ceux qui ont dénoncé publiquement cette situation, les politiciens ne semblent pas avoir compris.
Au lieu de chercher des façons de réformer notre système de représentation, plusieurs, aveuglés par leur sectarisme et leur ambition personnelle, ne semblent s’intéresser qu’à fonder des nouveaux partis du même genre que ceux qu’on dénonce. Faute de mieux, les électeurs orphelins risquent fort de se tourner vers le plus opportuniste d’entre eux, celui dont est enceint François Legault.
D’autres, surtout des souverainistes en déroute, proposent une nouvelle coalition citoyenne… souverainiste!
Beaucoup sont d’accord que le parti québécois ne répond plus à la nouvelle prise de conscience démocratique du Québec et qu’une nouvelle coalition citoyenne, c’est-à-dire sans parti, est nécessaire pour redémarrer la construction du Québec, notamment redéfinir notre démocratie dans une constitution et reconquérir nos ressources naturelles et notre territoire. Mais le principal obstacle à un tel mouvement vient justement des souverainistes eux-mêmes qui semblent incapables de concevoir que la construction du Québec puisse passer par autre chose que leur catéchisme constitutionnel et continuent à croire aveuglément qu’il suffit de parler davantage de l’indépendance pour en convaincre une majorité de Québécois. Ces apôtres de la souveraineté toute-puissante, c’est malheureux de le dire, empoisonnent au départ présentement toute reprise en mains du Québec réel et toute réforme démocratique sérieuse, parce qu’ils ont toujours derrière la tête leur agenda secret, la souveraineté. Ils attendent un pays futur alors que nous en avons un bien réel sous les pieds, que nous sommes en train de laisser aller au diable, comme le corbeau son fromage, sur un arbre perché!
C’est bien mal honorer René Lévesque, qui a toujours placé la réforme démocratique en tête de son programme et a toujours déploré que son parti repousse cette réforme pour des raisons électoralistes et référendaires : pour lui, la souveraineté, c’était la souveraineté populaire avant celle de l’État, la démocratie d’abord, la souveraineté ensuite, et non l’inverse, comme continue à le penser le Parti québécois, plus éloigné que jamais des réformes démocratiques que proposait René Lévesque au début de son premier gouvernement : scrutin proportionnel, carte électorale, élections à date fixe, initiatives populaires, système présidentiel et décentralisation politique territoriale (gouvernements régionaux responsables).
Une démocratie sans partis
Le débat politique sur la réforme démocratique actuel doit être pris au sérieux. Il est au premier plan des préoccupations des citoyens qui se sentent trahis par les politiciens. Il va plus loin que l’assouplissement de la ligne de parti et des moeurs parlementaires, l’assainissement du financement des partis, la réforme du mode de scrutin, et même, le remplacement du système parlementaire britannique par un système présidentiel. La place qu’ont pris aujourd’hui les citoyens dans la vie publique, l’éducation et la formation dont ils disposent, les moyens de communications rapides qu’ils utilisent, tout cela fait en sorte qu’ils sont en mesure et en droit de participer directement à l’élection et aux décisions de leurs représentants, sans l’intermédiaire de partis politiques contraignants et centralisés qui faussent la représentation. La démocratie directe, par définition, fait appel au citoyen individuel et non aux associations ou partis politiques auquel il appartient. On peut concevoir un système électoral et politique sans la présence de partis politiques institutionnalisés et sans allégeances politiques partisanes.
Il faut étudier sans préjugés et avec ouverture d’esprit la possibilité d’abolir les allégeances politiques dans le processus électoral et parlementaire, c’est-à-dire d’élire des députés territoriaux à titre personnel, pour représenter leur collectivité et gouverner le Québec dans son ensemble, lesquels, une fois à l’assemblée nationale, établiront eux-mêmes les priorités de leur mandat en continuité avec le bilan du gouvernement précédent, et nommeront eux-mêmes librement parmi eux le président et les membres de l’exécutif, un président extérieur si nécessaire comme gardien de la constitution, en continuelle interaction avec des instances territoriales démocratiques et avec l’ensemble des citoyens virtuellement actifs. L’intégration systématique des médias sociaux dans les mécanismes électoraux, parlementaires et législatifs peut aider grandement à créer une véritable dynamique collective basée sur le citoyen.
La diversité des opinions politiques continuera à s’exprimer dans des groupes politiques, mais aucun de ces groupes ne devrait pouvoir se constituer en parti politique formel afin d’éviter que les appareils de partis continuent à empoisonner toute la vie politique et démocratique.
Le seul « parti » dont on a besoin, au départ seulement, est une coalition de députés territoriaux, élus à titre personnel, qui s’engagent à une seule chose : mettre en place une nouvelle démocratie sans partis, où les citoyens sont souverains, et confier cette réforme à une constituante, tirée au sort pour en garantir l’indépendance, chargée d’élaborer et faire adopter démocratiquement une constitution pour le Québec où sera défini comment nous voulons vivre, nous gouverner et nous approprier ce pays.
Roméo Bouchard, St-Germain-de-Kamouraska, [www.quebecvote.ca->www.quebecvote.ca]
Abolir les partis politiques dans le processus électoral et parlementaire, c’est possible!
IDÉES - la polis
Roméo Bouchard33 articles
Coordonnateur de la Coalition SOS-Pronovost Ex-président-fondateur de l'Union paysanne Auteur de Y a-t-il un avenir pour les régions ?
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3 commentaires
Roger Kemp Répondre
26 juin 2011Monsieur Bouchard
J'ai déjà abordé ce sujet un peu dans la forme que vous souhaiteriez mais effectivement, il est utopique de penser que cela peut se faire à court ou moyen terme. Je comprends votre désarroi face au système électoral actuel. Dans la réforme que j'avais proposé, il y avait des partis politiques uniquement pour une question de programmes électoraux et ne se limitait qu'à une élection au niveau du comté. Chaque régions (regroupant un nombre de députés de comtés à être déterminés s'élisaient entre eux un représentant régional. Cet élu régionnal fait partie automatiquement du gouvernement. Ces élus régionnaux verront à s'élire entre eux un Premier Ministre et les ministres responsables de la gestion des deniers publiques. Les élections sont à dates fixes et un élu ne peut faire plus que deux termes. En plus les élus sont imputables de leur gestion des deniers publiques.
J'ai eu moi aussi beaucoup d'opposition à une réforme en profondeur.
Dernièrement j'ai fait parvenir au DGE du Québec une idée de réforme partielle. Comme il semble que les medias n'ont d'écoute que pour les chefs de partis, j'ai proposé qu'une campagne électorale ne se fasse que par les chefs de partis nous ayant proposé leurs programmes respectifs et c'est pour ce choix de programme que la population est invité à voter dans un premier temps. Le programme électoral retenu par la population correspond à un parti et c'est à ce moment seulement que dans le comté l'on connaisse quel parti représentera le comté. À ce moment il y a une mise en candidature par le parti retenu lors d'une assemblée générale de ses membres dans les 15 jours suivant l'élection du programme électoral choisi.
Cela éviterait d'avoir des candidats "poteaux" comme on en a eu au mois de mai. On s'assure ainsi d'avoir un candidat de qualité car il sait que s'il remporte le scrutin à l'assemblée générale, il sera automatiquement élu député. Donc on risque ainsi d'avoir de bonnes candidatures qui ne se serait pas présentés s'il avait fallu faire une campagne électoral au complet telle qu'ont les connait.
Il est bon de se questionner sur notre mode de scrutin car moi aussi je trouve que le citoyen est bien mal servi dans la forme actuelle.
Roger Kemp www.roger-kemp@blogspot.com
Archives de Vigile Répondre
25 juin 2011Une réforme des institutions démocratiques dans un Canada uni. Non merci.
Souveraineté de l'État et souveraineté populaire vont de pair.
La réforme du scrutin pour rester des provinciaux dans la belle province de Québec (sic) n'a absolument aucun intérêt pour moi. Aucun.
Tous les peuples qui ont le pouvoir d'être libres ont le devoir de l'être. Cela ne se négocie pas surtout pas pour un plat de lentilles électorales.
Souveraineté du peuple? J'en suis. 100 milles à l'heure, mais sans sacrifier la souveraineté de l'État et la fin de la dépendance envers le Cadenas.
Pierre Cloutier
François Ricard Répondre
25 juin 2011Abolir les partis politiques...abolir les commissions scolaires....pour les remplacer par quoi? Une utopie.
Nous nous devons de bonifier notre système démocratique. Si nous croyons véritablement en la démocratie, nous n’avons pas le choix. C’est devenu une nécessité.
Donnons-nous une constitution qui établit une nette distinction des pouvoirs : législatif, exécutif et judiciaire.
Élisons notre président, ou chef de l’état, au suffrage universel.
Permettons à nos députés de voter selon leur conscience et selon les besoins de leurs commettants.
Revoyons le financement des partis politiques afin qu’ils demeurent la propriété de la population et non des machines au service des riches.
Donnons-nous un système électoral (à deux tours, ou une proportionnelle, ou une combinaison des deux) qui permettra d’avoir une députation vraiment représentative de toute la population.
Voilà des changements souhaitables, possibles et espérés par la majorité de la population.