Les professeurs d'histoire s'insurgent à l'idée que le cours obligatoire d'histoire de cinquième secondaire, attendu dans la foulée de la réforme des programmes, pourrait ne jamais voir le jour. C'est plutôt un cours interdisciplinaire, amalgamant des notions d'économie, d'histoire et de géographie, qui est sur les planches à dessin du ministère de l'Éducation et qui devrait faire l'objet d'une consultation sous peu.
La Société des professeurs d'histoire du Québec (SPHQ) et la coalition Stoppons la réforme ont dénoncé vivement hier le projet de programme intitulé Monde contemporain en cours d'élaboration au ministère. Ce programme, dont Le Devoir a obtenu copie, porterait essentiellement sur les grands enjeux d'actualité, tels l'environnement, la répartition de la richesse, la mondialisation ou encore les tensions et conflits entre États ou à l'intérieur même des pays. Le programme vise à développer deux compétences chez les élèves, soit «s'approprier et interpréter une réalité contemporaine» et «prendre position sur un défi du monde contemporain».
«Pour comprendre l'actualité et être capable de lire les journaux, il faut d'abord avoir une bonne connaissance de l'histoire, c'est indispensable», fait valoir le professeur Robert Comeau, qui enseigne l'histoire à l'Université du Québec à Montréal. Il rappelle que le rapport Lacoursière sur l'enseignement de l'histoire préconisait en 1996 au moins 100 heures de cours d'histoire chaque année au secondaire. En 2003, sous le règne du ministre de l'Éducation Jean-Marc Fournier, il était encore question d'enseigner l'histoire tout au long du secondaire, pour un total de 450 heures, en y associant des notions d'éducation à la citoyenneté.
Dans l'ancien régime pédagogique, l'histoire était enseignée de façon obligatoire seulement en deuxième et en quatrième secondaire. Un cours optionnel d'histoire contemporaine, portant sur le XXe siècle, est toutefois aujourd'hui suivi par le quart des élèves en cinquième secondaire.
Les historiens craignent de voir la discipline historique diluée dans le nouveau programme Monde contemporain et auraient préféré qu'on rende obligatoire le programme optionnel d'histoire contemporaine. L'historien et professeur à la Télé-université Éric Bédard rappelle que l'esprit de la réforme était précisément de recentrer l'enseignement sur les matières de base, dont l'histoire. «C'est un discrédit de l'histoire comme discipline intégratrice de toutes ces questions qui ont traversé le XXe siècle. C'est un programme désincarné, qui flotte trop au-dessus de tout», dénonce M. Bédard.
Au ministère de l'Éducation, on souligne que le programme de Monde contemporain est encore à l'étape du document de travail et devrait faire l'objet de consultation en 2008 avant d'être soumis à l'approbation de la ministre, en vue d'une implantation en septembre 2009. «On en est aux premiers balbutiements du programme», explique le conseiller-cadre Gérard Guimont.
Le haut fonctionnaire précise par ailleurs que le cours Monde contemporain ne remplace pas le cours optionnel d'histoire mais vient plutôt se substituer à l'actuel cours d'économie obligatoire en cinquième secondaire. «La ministre a toujours le pouvoir de continuer d'offrir [le cours d'histoire en cinquième secondaire] ou non dans les options», fait observer M. Guimont, soulignant par ailleurs que l'histoire sort déjà gagnante de la réforme puisque le temps d'enseignement est déjà passé de 200 à 350 heures.
Au cabinet de Michelle Courchesne, on note que le document n'a pas encore été porté à l'attention de la ministre. «Une chose est certaine, l'histoire est importante pour la ministre. Ce sera à prendre en considération au moment de l'approbation du programme Monde contemporain et lorsqu'il sera question de l'avenir du programme optionnel d'histoire», explique l'attaché de presse de la ministre, Jean-Pascal Bernier.
La coalition Stoppons la réforme a par ailleurs réclamé un moratoire sur l'implantation de la réforme en quatrième et cinquième secondaire, sur la préparation des manuels scolaires, sur le perfectionnement des enseignants centré sur l'approche «socioconstructiviste» et sur la formation des maîtres dans les universités en rapport avec la réforme. «Un moratoire permettrait de recentrer les programmes sur les connaissances», affirme le président de la Fédération autonome de l'enseignement (FAE), Pierre Saint-Germain.
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